Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

Le secteur philanthropique est en pleine mutation

Sophie Chartier|Édition de la mi‑novembre 2024

Le secteur philanthropique est en pleine mutation

Jean-Marc Mangin, PDG de Fondations Philanthropiques Canada (Photo: courtoisie)

PHILANTHROPIE. Cet automne, Fondations philanthropiques Canada (FPC) célèbre ses 25 ans. Le regroupement a souligné cet anniversaire en organisant une grande conférence sur trois jours, à la fin septembre, qui a rassemblé plus de 400 personnes à Ottawa. Les Affaires fait un retour sur l’événement en compagnie du PDG, Jean-Marc Mangin.

Les Affaires : que représente ce 25e anniversaire du réseau, pour vous ?

Jean-Marc Mangin : C’est un moment charnière qui vient souligner la progression assez fulgurante que vit la philanthropie depuis 25 ans. Les 11 000 fondations qui composent le secteur représentent 135 milliards d’actifs, et près de 10 milliards de contributions à des causes issues de tous les domaines de la vie publique. La philanthropie joue aujourd’hui un rôle qu’elle jouait beaucoup moins, il y a 20 ans. Les fondations collaborent de plus en plus avec les différents ordres de gouvernement pour aborder de grands dossiers, comme la santé mentale, les changements climatiques, le droit au logement, etc. Ce sont des secteurs qui évidemment nécessitent encore beaucoup de travail, mais c’est beau de voir la philanthropie s’en soucier.

Un anniversaire est également un moyen d’encourager les donateurs un peu partout au pays. Autant pour favoriser le don en tant que tel, mais aussi pour inviter les gens à réfléchir à la façon dont ces dons sont exécutés. Donc c’est une célébration, mais surtout un moment de réflexion, alors que l’on évolue dans un contexte de plus en plus difficile pour beaucoup de citoyens.

L.A. : Vous mentionnez des secteurs qui sont traditionnellement liés à l’État, comme le logement ou les changements climatiques. Pensez-vous que l’on assiste à un basculement de la responsabilité vers la philanthropie sur ces questions ?

J-M.M. : On fait très attention de ne pas tomber là-dedans. La philanthropie ne remplacera jamais le gouvernement, même si elle a beaucoup évolué. Le but est plutôt de collaborer avec les gouvernements pour créer un effet de levier et avoir une répercussion sociale. Notre mission est d’encourager l’adoption de politiques publiques qui renforcent la philanthropie.

L.A. : Lors de la conférence, une importance particulière a été accordée à la réconciliation. À votre avis, quel est le rôle de la philanthropie dans cet immense chantier ?

J-M.M. : Il y a une dizaine d’années, à la suite des recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation, 80 fondations ont signé une déclaration d’action philanthropique en ce sens. Depuis, nous sommes heureux de constater que beaucoup d’autres organisations se sont mises en action auprès des nations autochtones. C’est donc dire que le travail a déjà commencé. Le plus intéressant, c’est qu’il y a de plus en plus de fondations philanthropiques pilotées par des Autochtones, pour des Autochtones. C’est inspirant.

Les questions liées à la réconciliation sont restées trop longtemps dans l’angle mort de la philanthropie, et il reste beaucoup de travail à faire. C’est un énorme chantier. Toutefois, nous tenons à soutenir nos partenaires autochtones dans leurs démarches. Ils ont besoin d’alliés, d’appuis financiers et de logistique, autant dans les communautés rurales que dans les villes.

L.A. : Quelles compétences les membres présents lors de la conférence étaient-ils spécifiquement venus chercher ?

J-M.M. : La gouvernance a été un gros sujet d’échange lors de la conférence. Plusieurs cherchent à renforcer et à solidifier leur impact par cette voie. Il s’agit vraiment de réfléchir à l’influence que vous voulez avoir.

Ensuite, les nouvelles formes de programmation de l’aide financière ont attiré l’attention. Au lieu de financer des programmes durant un ou deux ans, on voit de plus en plus de fondations qui offrent un soutien plus prolongé, ou encore du financement à la mission. De plus en plus de fondations cherchent à favoriser une démarche collaborative, plus de partenariats avec les organismes bénéficiaires, plutôt que de rester dans une conception assez traditionnelle du « nous, on finance et vous, vous opérez ». Les compétences en investissement, pour favoriser un investissement d’impact, ont aussi été populaires.

J’aimerais ajouter une observation positive que je retire de l’événement : démographiquement, on voit que la clientèle change pour refléter de plus en plus la société. Je parlais avec un vieux routier du milieu qui m’a dit qu’à la conférence de 2014 (Jean-Marc Mangin est arrivé à la tête de FPC en 2019), il était la seule personne présente appartenant à une minorité visible. En septembre dernier, c’était presque 40 % de nos délégués qui étaient issus d’une minorité. Donc, c’est une transformation qui s’opère dans le secteur et c’est une excellente nouvelle !