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1 boss sur 5 est psychopathe!

Olivier Schmouker|Publié le 21 septembre 2023

1 boss sur 5 est psychopathe!

Le vrai visage du psychopathe a de quoi terrifier... (Photo: Geranimo pour Unsplash)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «Je ne sais pas comment dire ça, mais il me semble que notre boss est complètement cinglé. Il est tout sourire par devant, mais par-derrière il te plante un couteau dans le dos. Sans broncher. C’est terrifiant! Comment gérer un tel boss?» – Inaya

R. — Chère Inaya, sachez que vous n’êtes pas la seule à avoir l’impression d’avoir un psychopathe pour boss. C’est-à-dire un leader à la fois arrogant, manipulateur, insensible, séducteur, dominateur et n’ayant peur de rien.

Une étude de l’Université Bond menée en 2016 auprès d’un millier de gestionnaires a en effet mis au jour le fait que 21% d’entre eux présentaient des «traits psychopathiques cliniquement significatifs»: par exemple, l’incapacité à faire preuve d’empathie ou de remords, le manque de sincérité, la superficialité, ou encore l’égocentrisme.

Oui, vous avez bien lu: 21%. Ça signifie que 1 boss sur 5 est un psychopathe.

Il s’agit là d’une proportion énorme, pour ne pas dire démesurée. Dans la population en général, seulement 1% des gens sont psychopathes; certaines études indiquent un pourcentage de 4%, mais jamais au-delà. Là, on est carrément à 21%.

Comment expliquer un tel phénomène? Scott Lilienfeld, professeur de psychologie à l’Université Emory d’Atlanta, aux États-Unis, s’est penché sur le sujet et a noté dans ses travaux que «les psychopathes sont surreprésentés dans certaines professions — politique, affaires, sports à haut risque, etc. — et dans les postes de direction». «Être psychopathe peut prédisposer au succès à court terme, explique-t-il. Cela amène à se montrer charmant et flamboyant, ce qui facilite la réussite à brève échéance, même si cela peut se traduire par un échec à plus long terme.»

Maintenant, Inaya, j’imagine que vous voudriez avoir la certitude d’avoir affaire à un psychopathe, ou pas. L’étude de l’Université Bond indique qu’un boss psychopathe présente des troubles prononcés en ce qui concerne trois traits de personnalité particuliers:

– Relations interpersonnelles: il est superficiellement charmant et se montre sûr de lui dès la première rencontre.

– Affectif: il manque d’empathie et ne se sent jamais coupable; il n’a aucun attachement profond avec qui que ce soit.

– Comportement: il fait preuve d’impulsivité; il est capable de mentir, de tricher.

Tout cela correspond-il à votre boss? Si oui, le diagnostic est clair. Mais si certains points ne correspondent pas, alors considérez qu’il est autre chose que psychopathe. Je ne dirai pas quoi, si ce n’est juste «autre chose»…

Disons que votre boss figure bel et bien parmi les 21% qui sont psychopathes. OK. Que faire?

L’ennui, c’est qu’il n’existe aucun remède à la psychopathie. Avant tout, il vous faut donc éviter les ennuis avec cette personne, d’autant plus que les travaux de Scott Lilienfeld montrent que ces individus sont, en vérité, de véritables aimants à problèmes. «Le psychopathe à succès peut se livrer à des pratiques commerciales contraires à l’éthique, voire illégales, note-t-il. Il peut aussi avoir un impact toxique sur les autres employés. En général, les psychopathes créent beaucoup de chaos et ont tendance à monter les gens les uns contre les autres.»

Ensuite, vous gagneriez sûrement à adopter trois réflexes salvateurs.

1. Ne pas prendre ça personnel. L’attitude du boss ne découle pas de votre propre personnalité, d’une éventuelle «faiblesse» que vous afficheriez involontairement, faisant de vous une victime toute désignée. Non, le boss psychopathe s’en prend aux autres de la même façon, quelle que soit leur personnalité.

2. Ne pas réagir. Donnez-lui le moins de prise possible sur vous. Ne lui donnez pas d’information susceptible de devenir une arme contre vous. Ne vous confiez pas à lui. Si cela est envisageable, interagissez avec lui le moins possible.

3. Prendre des notes. Relevez par écrit des faits qui témoignent objectivement de sa psychopathie, sans oublier de noter le jour et l’heure où cela s’est produit. Toutes ces informations «neutres» vous permettront d’aller voir les ressources humaines, sinon le boss immédiat du psychopathe, et de les alerter de sa toxicité pour vous, pour l’équipe, pour toute l’organisation. Normalement, cela devrait se traduire par une action adéquate de la haute direction.

Voilà, Inaya. J’espère que cette chronique vous permettra de supprimer la terreur qui pourrit votre quotidien au travail pour le mieux. Que vous retrouverez sous peu le plaisir de travailler sans sentir cette sempiternelle épée de Damoclès au-dessus de votre tête.

En passant, l’écrivain britannique Daniel Defoe a dit dans «Robinson Crusoë»: «La crainte du danger est mille fois plus terrifiante que le danger présent».