L'un des conseils de Roger Federer pour avoir une belle carrière consiste à regarder plus loin que son terrain de jeu. (Photo: Moises Alex pour Unsplash)
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Q. – «Je suis nouvellement diplômé en gestion des affaires et m’apprête à me lancer sur le marché du travail. Quel conseil me donneriez-vous pour démarrer ma carrière du bon pied?» – Axel
R. – Cher Axel, je ne vais pas vous donner un conseil, mais plutôt trois conseils susceptibles de vous aider à bien débuter votre carrière. Mieux, ces conseils ne sont pas de moi, mais de quelqu’un qui a eu une carrière carrément phénoménale: Roger Federer. Pour mémoire, le champion suisse a remporté 103 titres ATP entre 1998 et 2022, dont 20 tournois du Grand Chelem comprenant le record de huit titres en simple messieurs au tournoi de Wimbledon. Certains disent de lui qu’il est le plus grand joueur de tennis de tous les temps.
Il se trouve qu’au début de juin Roger Federer a fait un discours en l’honneur des diplômés de la promotion 2024 du Darthmouth College, l’une des universités américaines qui font partie de l’Ivy League. Devant quelque 11 000 personnes, auxquelles se sont ajoutées 7 700 autres qui ont regardé la cérémonie en ligne, le champion suisse en a profité pour leur prodiguer trois conseils tirés de son expérience professionnelle, trois conseils qui lui ont permis d’avoir la carrière incroyable qu’il a eue.
1. Méfie-toi de la facilité
«Il gagne sans même transpirer!», «Il court à peine!», «Il ne fait même pas d’effort!»… Dès ses débuts, les gens disaient de Roger Federer qu’il avait une «grande facilité» à jouer au tennis. Ils disaient ça en guise de compliment, mais lui le vivait très mal, car pour arriver à ce semblant de facilité en compétition, il devait travailler très dur à l’entraînement. «Je passais mon temps à pleurer, à chialer, à jeter ma raquette par terre, de rage, dit-il. L’entraînement était une véritable souffrance, mais je savais qu’il fallait en passer par là pour pouvoir prétendre à des titres.»
Cet acharnement à l’entraînement est né le jour où un adversaire à l’Open d’Italie l’a publiquement dénigré avant de le rencontrer, affirmant que le jeune Roger Federer allait certes bien jouer pendant deux heures, mais qu’après ça, il craquerait et perdrait le match. Cela l’a piqué au vif parce qu’il savait, au fond de lui, que c’était vrai: au bout de deux heures de jeu intense, les jambes se mettent à trembler et le bras à faiblir. D’où sa farouche envie de s’entraîner depuis lors plus fort que quiconque pour ne jamais être le premier à craquer physiquement ou psychiquement en compétition.
Autrement dit, il convient de ne jamais nous reposer sur la facilité. De ne pas considérer que nos compétences actuelles suffiront à faire la différence. De nous entraîner tout au long de notre carrière pour pouvoir prétendre voler de succès en succès.
2. Dis-toi que ce n’est qu’un point
Au tennis, la perfection est impossible. Des 1 526 matchs en simple que Roger Federer a joués au cours de sa carrière, il en a gagné environ 80%. Impressionnant, n’est-ce pas?
Maintenant, j’ai une petite question pour vous, Axel: d’après vous, quel est le pourcentage de points qu’il a gagnés dans l’ensemble de ses matchs? La réponse, donnée par le principal intéressé lui-même, est «seulement 54%».
En d’autres termes, même un champion d’exception ne gagne en moyenne qu’un point sur deux.
Quand il a réalisé ça, Roger Federer a commencé à se faire ce genre de réflexions lorsqu’il perdait un point: «OK, j’ai commis une double faute. Ce n’est qu’un point.», ou encore «OK, je suis monté au filet et je me suis encore fait déborder. Ce n’est qu’un point.»
Autrement dit, il convient de considérer que lorsqu’un point est joué, il est derrière nous. Surtout lorsqu’il a été perdu. «Cet état d’esprit est vraiment crucial, car il vous libère, il vous permet de vous engager pleinement sur le point suivant, explique Roger Federer. Et le suivant. Et encore le suivant. Et d’ainsi jouer chaque point avec intensité, clarté et concentration.»
3. Regarde plus loin que ton terrain de jeu
Un court de tennis est un petit espace qui mesure très exactement 2 106 pieds carrés pour les matchs en simple. Roger Federer a passé sa vie professionnelle sur ce petit espace-là, il y a couru des kilomètres et des kilomètres.
Comment a-t-il tenu aussi longtemps dans un aussi petit espace? Comment ne s’est-il pas lassé? Selon ses dires, il a réalisé que le tennis n’était «qu’un monde, et certainement pas le monde». Il y a une vie en dehors du tennis, et il est crucial de la vivre pleinement: «J’ai veillé à avoir une vie enrichissante, pleine de voyages, de découvertes culturelles, d’amitiés profondes. Et bien sûr, à avoir une vie de famille.»
Pour le champion suisse, cela s’est aussi traduit par la participation active à des organismes de bienfaisance, en particulier à sa fondation dédiée à l’autonomisation des enfants grâce à l’éducation. «L’éducation de la petite enfance est quelque chose que nous tenons pour acquis dans un pays comme la Suisse, dit-il. Mais en Afrique subsaharienne, 75% des enfants n’ont pas accès à la maternelle. Oui, 75%.»
Résultat? Il lui est souvent arrivé de lire des livres à des enfants, ce qui n’est jamais chose aisée pour quelqu’un qui passe le plus clair de son temps à courir après une balle, surtout lorsqu’il faut le faire «dans l’une des langues du Lesotho». Et c’est cela – «J’ai réalisé assez tôt que je voulais servir d’autres personnes dans d’autres pays» – qui lui a donné l’énergie nécessaire pour mener à bien une carrière exemplaire.
Autrement dit, il convient de s’épanouir en-dehors du travail si jamais on entend avoir une belle carrière.
Voilà, Axel. Roger Federer est une magnifique source d’inspiration, me semble-t-il. Vous gagneriez sûrement à suivre ses trois conseils. Qu’en pensez-vous?
Pour finir, permettez-moi de reprendre le mot de la fin du discours de Roger Federer. Car il s’agit là du conseil ultime: «Et surtout, soyez gentils les uns envers les autres… et amusez-vous!»