L'un des trucs, c'est d'avoir une posture qui inspire confiance et puissance. (Photo: Medienstürmer pour Unsplash)
MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca
Q. – «Je suis un vendeur chevronné, et pourtant je dois avouer que j’ai souvent l’impression de ne pas tirer le meilleur de ce que je pourrais tirer quand je négocie avec un client. Peut-être bien parce que je stresse encore pas mal. Y a-t-il des astuces méconnues permettant de devenir un champion de la négo?» – Ludovick
R. – Cher Ludovick, je vous recommande la lecture du livre de Mike Wheeler, professeur de management à la Harvard Business School (HBS), initulé «The art of negociation: How to improvise agreement in a chaotic world». Car il y présente des trucs inhabituels, pour ne pas dire contre-intuitifs, permettant de réussir une belle négociation. Et ce, en ayant bien en tête le fait que le but d’une négociation n’est jamais de voir un vainqueur et un perdant, mais de voir deux gagnants!
Voici sept tactiques gagnantes puisées dans son livre.
1. Transformez votre stress en excitation
Commençons par le stress qui vous étreint lorsque vous négociez. Il est normal de voir votre tension artérielle grimper, mais il convient de garder votre sang-froid.
Comment? L’auteur parle d’une expérience menée par une collègue de la HBS, Alison Wood-Brooks. Cette dernière a demandé à des personnes volontaires de faire quelque chose de stressant, à savoir chanter «Don’t Stop Believin’» de Journey devant un groupe d’inconnus. Ceux qui, juste avant de monter sur scène, se sont répété mentalement le mantra «Je suis excité» (à la demande des expérimentateurs) ont nettement mieux performé que ceux qui avaient dû se dire «Je suis nerveux»; ils se sont sentis plus à l’aise, et ont mieux chanté.
Autrement dit, l’idée n’est pas de faire du karaoké avant de négocier, mais plutôt d’«entourer votre stress d’une bulle d’excitation». Par exemple, en vous répétant juste avant une petite phrase magique qui vous procurera une énergie positive.
2. Définissez votre objectif premier
La préparation de la négociation est essentielle pour sa réussite. D’où l’importance d’établir votre objectif premier, c’est-à-dire le but qu’il vous faut impérativement atteindre pour vous estimer satisfait.
Une fois cela fait, M. Wheeler recommande de se fixer un autre objectif, qui, lui, est ambitieux. Celui-ci vous servira de point de départ.
Enfin, il peut être bon de vous fixer aussi un objectif minimal. Si jamais la discussion tend à montrer qu’il vous sera impossible de l’atteindre, ce sera le signe pour vous qu’il vaut mieux vous retirer de la négociation au plus vite, sans perdre plus longtemps votre temps.
À noter, Ludovick, que cette tactique devrait contribuer à vous faire perdre cette impression récurrente de «ne pas avoir tiré le meilleur de ce que vous auriez pu tirer».
3. Gardez l’esprit ouvert
Bien négocier, c’est avant tout savoir faire preuve de souplesse d’esprit. C’est écouter ce que l’autre a à dire, et en tenir vraiment compte. Sans pour autant perdre de vue ses propres objectifs, bien entendu.
«L’adaptabilité est impérative dans la négociation, du début à la fin», note l’auteur. Car des opportunités apparaîtront, tout comme des obstacles imprévus. L’avantage passera d’un côté comme de l’autre, à l’image d’un flux et d’un reflux. Et cela peut même vous amener à revoir vos objectifs, à la lumière des nouvelles informations obtenues au fil de la discussion.
Voilà pourquoi l’ouverture d’esprit est primordiale. Sans quoi, il vous sera impossible de «tirer le meilleur parti de tout ce qui se passe».
4. Adoptez la bonne posture
Confiance et puissance. Voilà ce que doit projeter votre langage corporel.
Si vous négociez assis à une table, il peut être bon d’avoir la tête un peu inclinée et les mains jointes, tout en ayant le regard droit dans celui de votre interlocuteur. Car cela envoie comme message: «J’écoute, je suis à l’aise, je suis réceptif». En revanche, mieux vaut éviter de toucher votre cou ou votre nez: cela donne l’impression que vous êtes mal à l’aise, voire peu sûr de vous-même.
5. Chérissez le silence
Ne vous sentez pas obligé de parler, de combler le «vide» créé par un moment de silence. Au contraire, prolongez les moments de silence le plus possible, surtout lorsque l’enjeu devient important. Pourquoi? Parce que cela va déstabiliser votre interlocuteur, parfois au point même qu’il va finir par ressentir le besoin de combler lui-même le silence. Ce qui va l’amener à dire des choses qu’il n’avait pas prévues de dire. Oui, des choses qui pourraient bien tourner à votre avantage.
6. Faites une pause
Supposons que les choses ne se déroulent pas vraiment comme vous l’aviez souhaité. Eh bien, un bon truc consiste à faire une pause. Prenez une grande respiration, étirez-vous, portez votre regard au loin. Et prononcez une phrase montrant que vous allez vous plonger dans une longue réflexion, du genre: «Hum… Ça mérite d’y réfléchir un moment». Et étirez ce moment le plus longtemps possible.
Il est clair que cela va désarmer votre interlocuteur. Cela peut même l’amener à revoir sa position en un clin d’œil, après s’être dit qu’il était peut-être bien allé trop loin.
7. Jouez cartes sur table
On croit souvent, à tort, que pour bien négocier il faut avoir un atout secret dans sa main, et même qu’il ne faut surtout pas dévoiler son jeu. Le professeur de la HBS prend le contre-pied de cette idée reçue: «Indiquez ce que vous voulez vraiment, jouez cartes su table, préconise-t-il. Cela inspirera confiance et permettra à la discussion de faire un grand pas en avant.»
Et d’ajouter: «Jouer cartes sur table, ça peut souvent avoir pour conséquence d’agrandir le gâteau à se partager, et donc d’en arriver à une transaction mutuellement bénéfique», dit-il. Bref, on se donne dès lors la possiblité de trouver ensemble une solution gagnant-gagnant!
Voilà, Ludovick. Ces sept tactiques devraient vous permettre de vos sentir mieux lorsque vous abordez une négociation, et par suite de ne plus en sortir avec un sentiment de frustration.
En passant, le cardinal de Retz a dit dans ses Mémoires: «Se trop ériger en négociateur n’est pas toujours la meilleure qualité pour la négociation».