Arrimer les talents des immigrants aux postes disponibles
Catherine Charron|Mis à jour le 28 août 2024Les PME réviser «leur méthode de recrutement, est-il écrit dans le rapport de 23 pages. Ça sous-tend de distinguer les compétences essentielles de celles qui seraient “bien d’avoir”.» (Photo: 123RF)
RHÉVEIL-MATIN. Après Québec, c’est au tour d’Ottawa de limiter l’accès aux travailleurs temporaires étrangers au marché du travail pour les emplois à bas salaires. D’après les deux paliers de gouvernement, il y aurait suffisamment de candidats disponibles au pays, notamment parmi les immigrants et les demandeurs d’asile.
Le hic, c’est qu’il est démontré qu’au pays, on peine à offrir à ces bassins de travailleurs des emplois qui correspondent à leur expérience, rappelle Alice Craft et Erin Rose, des chercheuses du Conference Board of Canada, le 14 août 2024. C’est d’autant plus vrai à l’extérieur des grands centres, souligne-t-elle dans leur rapport intitulé «Small Business, Big Impact : Immigrant hiring and Integration in Five Canadian Cities.»
En plus d’une revue de la littérature scientifique, elles ont mené une trentaine d’entrevues avec des dirigeants de PME issus de neuf secteurs d’activités et des représentants d’organismes comme des chambres de commerce afin d’arrimer les talents des immigrants aux postes disponibles.
Tous les acteurs interrogés entre septembre 2023 et mai 2024 ont réitéré que la pénurie de talents était encore l’une des principales raisons qui minent la croissance de ses entreprises de moins de 500 employés.
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Alice Craft et Erin Rose soulignent que la plupart des PME qu’elles ont interviewé qui se tournent vers les immigrants préfèrent embaucher des personnes déjà au Canada. Elles disent même éviter de se tourner vers le programme des travailleurs temporaires étrangers, notamment à cause de la paperasserie et des coûts qu’il engendre.
Elles sont toutefois à la recherche de candidats qui disposent déjà des compétences qu’elles recherchent, afin de limiter les investissements et la formation, autant en matière d’habileté technique que de maitrise de la langue.
Pour qu’elles aussi pigent dans le bassin des travailleurs immigrants ou demandeurs d’asile, ces entreprises doivent réviser «leur méthode de recrutement, est-il écrit dans le rapport de 23 pages. Ça sous-tend de distinguer les compétences essentielles de celles qui seraient “bien d’avoir”.»
Élargir ses horizons
Lorsqu’ils peinent à reconnaitre les équivalences d’expérience, les répondants ont indiqué qu’ils se tournaient vers des exercices pratiques pour apprécier les compétences d’un candidat immigrant.
Cependant, peu adaptent réellement leur méthode de recherche de candidats pour piger dans ces bassins. «L’utilisation de stratégies intentionnelles pour les atteindre peut aider les PME à mieux attirer les candidats immigrants», écrivent les chercheuses.
Collaborer avec des organisations qui viennent directement en aide aux personnes immigrées est un premier pas qui peut avoir d’importantes retombées, d’après les chercheurs. Ils sont près des communautés, et s’attèlent déjà à la tâche de les intégrer, ce qui en fait de précieux alliés.
Celles qui comptent déjà dans leurs rangs des immigrants et des demandeurs d’asile devraient profiter de leur réseau.
«D’autres stratégies efficaces consistent à rédiger des offres d’emploi dans un langage simple et inclusif et de diffuser des annonces de façon peu traditionnelle, comme dans des groupes sur les médias sociaux», ajoutent-elles.
Une intégration clé
La fidélisation de ces travailleurs passe ensuite par un réel souci de les intégrer. Encore une fois, les organismes qui épaulent les personnes immigrées peuvent aider à bâtir des ponts. Offrir des cours de francisation sur les heures de lunch est fortement recommandé.
N’empêche que les infrastructures des plus petites communautés ne sont pas toujours adaptées afin de permettre à ce bassin de main-d’œuvre de bien s’y débrouiller. L’étude met par exemple de l’avant que le transport en commun y est peu efficace, et que le logement est cher et se fait rare.
Les employeurs ne peuvent endiguer ces problèmes systémiques. Cependant, ils peuvent faire preuve de flexibilité, et accepter par exemple qu’un employé arrive au boulot avec quelques minutes de retard, faute d’un départ d’autobus plus tôt.
«Les PME devraient plaider en faveur d’une infrastructure publique solide dans leurs communautés locales, ce qui est essentiel pour garantir de meilleurs résultats à la fois pour les entreprises qui ont besoin de main-d’œuvre et pour les immigrés qui possèdent des compétences recherchées», concluent-elles.