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Attention, la positivité peut se révéler toxique!

Olivier Schmouker|Publié le 20 Décembre 2022

Attention, la positivité peut se révéler toxique!

Trop de positivité peut nuire... (Photo: Brooke Cagle pour Unsplash)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «Ma job ne m’intéresse pas, elle me sert juste à gagner de quoi pour vivre. Mais je réalise depuis peu que ça me gruge, que ça m’épuise physiquement et mentalement. Ma blonde me dit qu’il ne faut pas trop m’en faire, que ça pourrait être pire. Elle me dit de positiver, et que ça ira mieux. Mais moi, ce qu’elle me dit, ça m’enfonce…» – Kevyn

R. – Cher Kevyn, vous êtes en proie à un phénomène qui intéresse vivement nombre de chercheurs depuis peu de temps, à savoir la «positivité toxique». Cette dernière correspond à la croyance dure comme fer que, pour faire face à une situation pénible, le mieux est de faire preuve d’un indécrottable optimisme. De se dire que tout arrive pour une bonne raison. De ne voir que le fin rai de lumière au milieu de la vaste pénombre. De se donner une façade toujours joyeuse.

Le problème vient du fait que cette positivité extrême se traduit par un rejet des émotions négatives, des vagues de douleur, des idées noires qui nous traversent irrémédiablement lorsqu’on est confronté à une situation pénible, comme celle de subir sa job, jour après jour. Elle tend à minimiser, voire nier, toute trace d’émotions qui ne sont pas strictement heureuses ou positives.

Certes, avoir une vision positive de la vie est bon pour notre santé mentale. L’ennui, c’est que la vie n’est pas toujours positive. Nous connaissons tous des émotions et des expériences douloureuses. Ces émotions, bien que désagréables, doivent pourtant être ressenties et considérées sans fard pour pouvoir être acceptées, puis surmontées. Sans quoi, elles continueront à nous gruger sournoisement, parfois jusqu’à mettre en péril notre équilibre psychologique.

Trop de positivité nuit à ceux qui traversent des moments difficiles. Et ce, qu’elle vienne d’autrui ou de soi-même. Se dire ou se faire dire qu’il faut voir le bon côté des choses revient dès lors à un acte d’une terrible cruauté. C’est que la personne visée peut, par exemple, se sentir honteuse de ne pas arriver à positiver, ou encore en ressentir de une culpabilité paralysante.

Comment repérer la positivité toxique? Un bon truc, c’est de voir certaines expressions comme autant de drapeaux rouges: «Sois juste positif!», «Good vibes only», «Le bonheur est un choix » et autres «Ça pourrait être pire». Méfiez-vous si vous les entendez ou si vous remarquez que vous avez tendance à vous les répéter.

Une autre astuce consiste à identifier certains comportements typiques d’une positivité toxique. Parmi ceux-ci figure la tendance à éliminer les problèmes plutôt que de les affronter, à cacher ses sentiments derrière des citations de bien-être passe-partout, ou bien à minimiser les maux ressentis.

À partir du moment où l’on ressent de la positivité toxique en soi ou autour de soi, il convient de lui tordre le cou. Ni plus ni moins. Ce qu’il est possible de faire à l’aide de différents trucs simples et efficaces:

– Faites preuve de réalisme. Dites-vous qu’il est normal d’être stressé, inquiet ou même craintif lorsqu’on vit quelque chose de pénible. Que la meilleure chose à faire est d’oser affronter cette situation, aussi souffrante soit-elle. Et donc, de commencer par faire taire cette petite voix néfaste qui vous dit qu’au fond il ne tient qu’à vous d’être heureux dans la vie.

– Mettez des mots sur vos maux. Rédigez dans un journal intime tout ce que vous ressentez, toutes les émotions négatives qui vous pourrissent la vie. Ce simple geste vous fera un bien fou et, surtout, vous mettra en bonne position pour les surmonter.

– Accordez-vous le droit de ressentir vos émotions. Vivez-les pleinement lorsqu’elles vous submergent. Parce que cela vous fera réaliser que ces émotions-là sont réelles, valables et importantes; tout comme vous-même. Parce que cela vous procurera peut-être bien la clé qui vous fera voir les choses autrement, celle qui vous donnera l’accès à une toute nouvelle voie à explorer.

Voilà, Kevyn. La positivité toxique existe bel et bien et est une véritable nuisance. Le mieux est donc d’en prendre conscience, de le faire gentiment comprendre à votre blonde, puis de vous mettre, elle et vous, à dire «Nous sommes là tous les deux quoi qu’il arrive, et nous allons trouver une bonne solution ensemble» au lieu de la laisser marteler que «Ça pourrait être pire».