«En temps normal, l'excès de confiance en l’avenir d’un PDG se traduit par des résultats positifs pour l'entreprise, tandis que dans des conditions défavorables, ce même excès entraîne des résultats négatifs pour celle-ci», résume Dan Zhao, doctorant en finance à l’École de commerce Olin de l’Université Washington, dans son étude. (Photo: Devon Jansen van Rensburg pour Unsplash)
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Q. – «Matières premières hors de prix, pénurie de main-d’œuvre, défauts de paiement de certains partenaires, les mauvaises nouvelles s’accumulent, et pourtant notre PDG redouble d’optimisme. Selon lui, la pandémie et la crise qui a suivi sont derrière nous, et c’est le moment ou jamais pour investir et profiter de la reprise pour dépasser la concurrence. A-t-il raison ou nous mène-t-il droit dans le mur?» – Trystan
R. — Cher Trystan, vous comprendrez qu’il m’est difficile de vous donner une réponse tranchée, car je ne sais pas dans quel secteur d’activités évolue votre entreprise, et encore moins si celle-ci figure parmi les plus performantes, ou pas. Cela étant, je vais malgré tout vous donner des éléments d’informations qui devraient vous permettre de vous faire votre propre opinion, en m’appuyant sur une récente étude signée par Dan Zhao, doctorant en finance à l’École de commerce Olin de l’Université Washington, à Saint-Louis aux États-Unis.
Le chercheur s’est intéressé aux PDG qui, de manière générale, sont farouchement confiants en l’avenir. Tous ceux qui font preuve d’un indécrottable optimisme, y compris lorsque la tempête fait rage.
Il a regardé si cet excès de confiance de leur part avait le moindre effet sur la performance de leur entreprise, qu’il soit positif ou négatif. Et ce, dans trois cas de figure: quand les affaires roulent normalement, quand l’entreprise fait face à une série d’articles de presse négatifs à son égard et quand, cas extraordinaire, l’entreprise est littéralement frappée par un ouragan (ce qui, changement climatique oblige, arrive maintenant assez souvent chez nos voisins du Sud…).
Cela lui a permis de découvrir deux choses fort intéressantes.
— Un désavantage en période de turbulences. En période de crise (médiatique ou climatique), les entreprises dotées d’un PDG à lunettes roses dépensent leurs fonds propres plus que les autres, se retrouvent plus souvent en défaut de paiement que les autres, émettent plus aisément des obligations ou encore voient leurs titres boursiers souffrir d’une plus grande volatilité que les autres. Autrement dit, la moindre tempête les fait tanguer plus que les autres sur le plan financier, au risque de subir des dommages durables et pénalisants. Et par conséquent, la performance de l’entreprise qu’il dirige est, la plupart du temps, inférieure à celle des autres.
— Un avantage en temps normal. En l’absence de turbulences, c’est le contraire qui se produit: le PDG à lunettes roses se montre, en général, plus prudent que les autres. Il n’investit pas outre mesure, ne voyant pas d’occasion particulière de le faire. Ou encore, le titre boursier de l’entreprise brille par sa stabilité. Résultat? La performance de l’entreprise qu’il dirige est alors un poil supérieure à celle des autres.
«En temps normal, l’excès de confiance en l’avenir d’un PDG se traduit par des résultats positifs pour l’entreprise, tandis que dans des conditions défavorables, ce même excès entraîne des résultats négatifs pour celle-ci», résume Dan Zhao dans son étude.
On le voit bien, Trystan, les lunettes roses de votre propre PDG ne sont sûrement pas une bonne chose pour votre entreprise, ces temps-ci. Personne ne sait quelle tournure va prendre l’inflation au Canada. Personne ne sait comment résorber à court terme la pénurie de main-d’œuvre. Personne ne sait non plus si les défauts de paiement d’entreprises vont bientôt se multiplier, ou pas. Par conséquent, l’heure semble à la prudence, pas à de folles dépenses.
Maintenant, comment communiquer cette information à votre PDG sans qu’il le prenne mal? Une idée pourrait de faire lire cette chronique à quelqu’un en qui il a entière confiance, lequel jugera peut-être bon de lui en communiquer la substantifique moelle. Sinon, on peut envisager de la glisser dans sa revue de presse ou tout autre dossier pertinent à ce point de vue. Je suis sûr que vous finirez par trouver, Trystan.
En passant, l’écrivain français Gustave Flaubert a dit dans son «Dictionnaire des idées reçues»: «Optimiste: équivalent d’imbécile».