Amazon a instauré depuis novembre une hausse du salaire horaire minimum pour ses employés américains.
La guerre pour dominer la distribution entre Amazon et Walmart a pris une nouvelle tournure jeudi, les deux géants s’attaquant sur leurs points faibles : les salaires pour le second, les impôts pour le premier.
Jeff Bezos, le fondateur du géant du commerce en ligne, a été le premier à dégainer, en appelant ses concurrents dans la distribution, sans citer de nom, à augmenter le salaire minimum de leurs employés pour atteindre au moins 15 dollars de l’heure, comme il l’a fait lui-même.
« Nous avons toujours accordé des salaires qui nous permettaient de rester compétitifs. Mais nous avons décidé cette fois qu’il était à nous d’être à la source du changement », a écrit l’homme le plus riche du monde dans sa traditionnelle lettre aux actionnaires.
« Aujourd’hui, je mets au défi nos principaux concurrents dans la distribution (vous vous reconnaîtrez !) de s’aligner sur nos avantages aux employés et notre salaire minimum de 15 dollars. Faites-le ! Allez même jusqu’à 16 dollars de l’heure et relancez la balle dans notre camp ensuite. C’est le genre de compétition qui profite à tout le monde », a-t-il encore dit, à l’adresse d’enseignes comme Target ou Walmart.
La réponse de Walmart, numéro un mondial de la distribution, n’a pas tardé : « Hey concurrents de la distribution (vous vous reconnaîtrez) et si vous payiez vos impôts ? », a écrit sur son compte Twitter Dan Bartlett, le responsable du lobby, ajoutant un lien vers un article de presse selon lequel Amazon ne paiera pas d’impôt sur les 11,2 milliards de dollars de bénéfices gagnés en 2018.
M. Bartlett n’en est pas resté là : « La vaste majorité de nos salariés dans les entrepôts gagnent plus de 15 dollars de l’heure depuis longtemps. Et ils reçoivent également des primes en fonction des performances trimestrielles », a ajouté le responsable, ajoutant un lien vers un article du New York Times selon lequel en dépit d’une hausse de leurs salaires les employés d’Amazon devraient voir leur rémunération diminuer.
La distribution en souffrance
Amazon et Walmart se disputent le leadership dans la distribution à coups d’acquisitions, d’innovations technologiques et de guerre de petits prix pour séduire les consommateurs.
Cette rivalité est particulièrement tenace dans la livraison des articles où, outre les drones, ils se battent sur la livraison au dernier kilomètre, jugée la plus coûteuse.
Amazon, qui possède de plus en plus de magasins « en dur », dont les supermarchés bio Whole Foods et les magasins sans caisse Amazon Go, a instauré depuis novembre une hausse du salaire horaire minimum pour ses employés aux États-Unis, une décision prise sous pression des critiques et d’un marché du travail concurrentiel dans une période de plein-emploi.
Un alignement des salaires à 15 dollars de l’heure lui serait in fine bénéfique car il aurait pour résultat de renchérir les coûts de ses concurrents, qui doivent déjà composer avec les dépenses liées à la détention de milliers de supermarchés. Walmart emploie par exemple plus de 1,5 million de personnes aux États-Unis, contre 350 000 pour Amazon.
De son côté, Walmart, premier employé privé aux États-Unis, a annoncé en janvier 2018 porter le salaire horaire minimum de 9 à 11 dollars, sans toutefois accéder à la demande des syndicats qui réclament 15 dollars.
Son autre concurrent, Target a décidé en début de mois d’augmenter le salaire minimum à 13 dollars de l’heure à partir de juin.
S’il vante sa politique salariale, Amazon reste critiqué pour ses mauvaises conditions de travail et le manque de sécurité de l’emploi.
L’entreprise est également une cible pour les critiques dénonçant la réforme fiscale adoptée l’an dernier par l’administration Trump. Celle-ci a abaissé massivement les impôts des grandes entreprises.
Mi-février, Amazon a dû renoncer à implanter son second siège à New York, alors que plusieurs élus se plaignaient des abattements fiscaux considérables qui lui avaient été accordés pour l’attirer dans la plus grande ville des États-Unis (3 milliards de dollars en additionnant abattements et subventions).
Lancée il y a un peu plus de 20 ans, l’entreprise est devenue un mastodonte du commerce. Elle a gagné rapidement des parts de marché au point que des distributeurs classiques — Gap, les chaînes de magasins Macy’s et Saks — ont perdu pied, forcés désormais de multiplier les restructurations comprenant des fermetures de magasins et des licenciements.