Le bonheur de travailler vraiment quand on veut. (Photo: 123RF)
MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca
Q. – «Avant la pandémie, ni notre PDG ni nos gestionnaires ne croyaient que le télétravail pouvait fonctionner pour nous. Ils ont complètement changé d’idée. Maintenant, j’aimerais beaucoup les convaincre que nous pourrions aussi être flexibles concernant les horaires, mettre fin au diktat du 9@5. Est-ce qu’il y a des éléments que je pourrais présenter à la haute direction pour les éveiller à ce sujet?» – Zayn
R. — Cher Zayn, nombre d’employeurs ont en effet découvert qu’il n’était pas utopique de laisser les employés travailler à distance qu’ils soient chez eux, dans un espace de travail partagé ou même à l’étranger, et que cela ne nuisait en rien à la productivité, voire que, dans certains cas, cela l’augmentait.
Votre interrogation concerne non pas le lieu, mais le moment de la journée où l’on travaille. La possibilité de faire, par exemple, du 10@6, du 12@8 ou encore du 9 @11/2@8. Il se trouve que c’est d’actualité.
Un sondage mené au début de 2022 par le cabinet-conseil en ressources humaines Solutions Mieux-être LifeWorks (ex-Morneau Shepell) montre que 38% des travailleurs canadiens aimeraient jouir d’une «flexibilité totale» au travail. Ils aimeraient pouvoir déterminer par eux-mêmes «des journées, des heures et du lieu de travail».
À choisir, l’élément le plus important qui devrait être flexible serait d’avoir la possibilité de s’absenter du travail afin de régler un problème personnel urgent (un enfant malade ou autres). C’est ce que disent 29% des travailleurs canadiens. Le deuxième élément, c’est justement la flexibilité des heures de travail ; et ce, pour 26% des travailleurs canadiens. Suivent le lieu de travail (24%), les journées de travail (16%) et la tenue de travail (2%).
Autrement dit, Zayn, vous pouvez avancer deux données pertinentes: 2 travailleurs canadiens sur 5 (38%) rêvent d’avoir une flexibilité totale au travail, et 1 travailleur sur 4 (26%), une flexibilité des heures de travail. Ce sont là des proportions énormes, qui dépassent notamment celle de ceux qui chérissent le télétravail (24%).
La question qui découle de tout cela est, de toute évidence, la suivante: une telle flexibilité ne risquerait-elle pas de nuire à la productivité, ou à tout le moins de mettre la pagaille dans le travail des équipes?
Alex Soojung-Kim Pang est un consultant réputé de la Silicon Valley et l’auteur des livres «Shorter» et «Rest», qui invitent à «moins travailler pour mieux travailler». Il a récemment identifié quelque 130 organisations — Kickstarter, le gouvernement islandais et autres — qui avaient adopté une forme ou une autre de flexibilité dans l’horaire de travail. Il a interrogé nombre de dirigeants de celles-ci, histoire de voir quels enseignements ils en tiraient. Cela se résume en une phrase, selon lui: «Des hauts dirigeants m’ont confié que cela leur avait permis de découvrir que l’employé le plus impressionnant n’était pas celui qui faisait 80 heures de travail par semaine, mais celui qui abattait le même travail en seulement 30 heures», note-t-il.
La leçon est donc simple: la clé en matière d’heures de travail, ce n’est pas la quantité, mais la qualité. Et si l’on peut montrer à son boss qu’on travaille mieux aux heures de son choix qu’aux mêmes heures imposées à tout le monde, eh bien, celui-ci ne pourra faire autrement que de reconnaître que la flexibilité des heures de travail se révèle un gain en productivité.
Un point important, toutefois: il ne faut surtout pas que le gain en productivité individuel soit une nuisance pour la productivité collective. La solution? Elle est aisée, selon Alex Soojung-Kim Pang: ne pas accorder une flexibilité entière à chaque employé, mais s’arranger pour qu’il y ait des tranches horaires communes à tous les membres de l’équipe. Par exemple, imposer que tout le monde soit au travail en même temps de 2@5. Car cela permettra d’échanger en direct avec ses collègues durant ces heures-là ou de tenir une réunion tous ensemble sans difficulté.
Pour finir, un dernier argument en faveur de la flexibilité des heures de travail: accorder davantage de flexibilité à ses employés accroît chez eux l’envie d’être fidèle à leur employeur. Ce qui est un argument de poids en ces temps de pénurie de main-d’œuvre.
De fait, un autre récent sondage de Solutions Mieux-être LifeWorks indique que 48% des travailleurs canadiens restent loyaux envers leur employeur surtout parce qu’ils apprécient «les modalités de travail flexibles ou hybrides» qui sont en vigueur au sein de l’organisation. À noter que ce critère de la flexibilité passe avant, entre autres, les avantages sociaux (34%) et la rémunération (33%).
Bref, la flexibilité des heures de travail est:
1. Le souhait numéro 1 des travailleurs canadiens d’aujourd’hui.
2. Un bon moyen de gagner en productivité (et en aucun cas un risque de lui nuire!)
3. Un composant majeur de la fidélité des employés d’aujourd’hui et de demain.