Ce que les employeurs doivent retenir sur le gel du PTET
Catherine Charron|Mis à jour le 23 août 2024Ainsi, un cuisinier pourra encore être embauché via le PTET s’il travaille pour un hôpital, mais pas dans le restaurant d’en face, illustre François Vincent, vice-président pour le Québec de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.
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RHÉVEIL-MATIN. Si vous comptiez vous tourner vers l’international afin de pourvoir un poste pour lequel il y a peu ou pas de candidats disponibles, vous devrez peut-être dorénavant faire preuve d’imagination. À partir de septembre 2024, Québec limitera l’accès au programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET).
Quels postes seront concernés?
Dès le 3 septembre 2024, et ce pour une période de six mois, plus aucune demande d’évaluation de l’impact sur le marché du travail (EIMT) ne sera traitée pour les emplois qui offre un salaire inférieur à 27,47$ de l’heure et dont la prestation de service se fera sur l’Île de Montréal.
Un tel examen permet de déterminer s’il y a des candidats disponibles ou pas sur le marché pour camper un poste donné au pays. «On n’évalue même plus ce besoin», s’étonne François Vincent, vice-président pour le Québec de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).
Les dossiers qui étaient jusqu’à présent traités par la voie simplifiée de même que les demandes de renouvellement aussi ne seront plus révisées au cours des six prochains mois.
D’après le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, «les secteurs de la restauration, de hôtellerie et du commerce de détail» seront principalement touchés.
«Ça peut concerner les employés de PME, des gens qui travaillent dans des entrepôts, dans la restauration, dans les commerces, des postes d’entrée», énumère Natacha Mignon, avocate spécialisée en immigration et cheffe de la direction du cabinet Immétis.
Tandis que le premier ministre François Legault indiquait que 3500 travailleurs seraient affectés par la mesure.
«Si on met de la pression sur la pénurie de main-d’œuvre non qualifiée, ça risque d’augmenter la pression pour hausser les salaires dans un contexte où deux PME sur cinq ont déjà des problèmes de fonds de roulement. Et en plus, elle peine à stimuler la demande. On crée un énorme casse-tête», dénonce François Vincent.
Quels sont les postes exemptés?
Toutes les organisations montréalaises ne seront pas concernées par ce gel. Certains secteurs seront dispensés, comme ceux de la «santé, de l’éducation, de la construction, de l’agriculture et de la transformation alimentaire», précise-t-on dans le communiqué émis par Québec.
Ce qui prévaut ici, c’est le groupe d’activité auquel fait partie l’employeur selon le système de classification des industries de l’Amérique du Nord, et non la profession, confirme Natacha Mignon.
Ainsi, un cuisinier pourra encore être embauché via le PTET s’il travaille pour un hôpital, mais pas dans le restaurant d’en face, illustre François Vincent.
À noter que les requêtes pour un EIMT qui concernent les postes visées par le gel seront traitées si elles sont reçues avant le 3 septembre 2024, précise Emploi et Développement social Canada dans un communiqué publié mardi.
Que doivent prévoir les entreprises d’ici l’entrée en vigueur du moratoire?
Natacha Mignon recommande aux employeurs de travailleurs étrangers temporaires d’effectuer un audit de son personnel afin de s’assurer qu’aucun renouvellement de permis ne soit nécessaire d’ici les six prochains mois. Ils sont eux aussi compris dans le gel du PTET.
«Si un permis a encore un an de validité, il faudrait entamer les démarches maintenant pour le renouveler dès à présent. S’il attend six mois avant de le faire, il ne sera plus éligible. Il ne faut pas tarder», prévient-elle.
Le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration ajoute que les employeurs peuvent aussi bonifier la rémunération de l’employé concerné afin qu’il dépasse le salaire horaire médian actuel au Québec avant de présenter leur nouvelle demande d’EIMT.
Quelles sont les solutions qui s’offrent à elles?
Comme l’ont mentionné la Chambre de commerce du Montréal Métropolitain, le Conseil du Patronat du Québec, Manufacturiers et Exportateurs du Québec, l’Association restauration Québec ou encore la FCEI, c’est bien en dernier recours que les entreprises se tournent vers l’embauche de travailleurs étrangers temporaires.
Des avenues peuvent toutefois être explorées par ses organisations qui peinent à trouver la bonne personne pour pourvoir un poste.
Les PME pourraient par exemple solliciter la FCEI qui offre du soutien en matière de ressources humaines. «Le maillage sera important avec les demandeurs d’asile» déjà présent à Montréal, ajoute François Vincent.
L’automatisation figure aussi parmi les options à envisager, selon lui, bien qu’elle soit onéreuse et qu’elle prenne du temps.
Les entreprises qui disposent de plusieurs lieux de travail pourraient tout simplement relocaliser les postes ou les travailleurs qui ne sont plus admissibles momentanément au PTET, suggère Natacha Mignon. Cette mesure ne s’applique cependant qu’à un nombre limité de dossiers.
Dans sa réponse envoyée au journal Les Affaires, Québec indique toutefois que les postes concernés «sont généralement peu spécialisés et ne requièrent pas de qualifications particulières. Ainsi, la présence d’un bassin de main-d’œuvre disponible important, composé par exemple de demandeurs d’asile et de jeunes, devrait permettre de répondre aux besoins des employeurs.»
L’équipe de Services Québec est aussi disponible pour donner un coup de main aux entreprises qui rencontrent des embûches.
Ce qu’une telle mesure laisse présager
Lors de la conférence de presse du 20 août 2024, le premier ministre du Québec François Legault a laissé entendre que ce gel du PTET était un «premier pas» pour réduire le nombre d’immigrants temporaires dans la province, rappelle l’avocate.
Ainsi, le moratoire pourrait être reconduit au-delà des six mois actuellement prévus.
«On craint que ça se transforme en un bannissement quasi permanent ou à durée non déterminée pour les postes de la restauration», souligne Martin Vézina, directeur Affaires publiques et gouvernementales de l’Association Restauration Québec.
Emploi et Développement économique Canada garde aussi un œil sur les retombées de ce programme : «Le gouvernement suivra cette initiative de près, car elle pourrait servir à déterminer les changements à apporter au Programme des travailleurs étrangers temporaires», est-il écrit dans le communiqué publié en marge de l’annonce.