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Geneviève Desmarais

Bienveillance au boulot

Geneviève Desmarais

Expert(e) invité(e)

Cessez d’avoir peur du téléphone

Geneviève Desmarais|Mis à jour il y a 9 minutes

Cessez d’avoir peur du téléphone

«Depuis la fin de la pandémie, nous nous sommes en quelque sorte déshabitués à avoir de véritables conversations», dit Geneviève Desmarais. (Photo: 123RF)

EXPERTE INVITÉE. Prendre le téléphone. Composer le numéro. Écouter la sonnerie. L’interlocuteur qui décroche. Parler à un humain. Une séquence toute simple, mais qui perd, hélas, de plus en plus en popularité, vous ne trouvez pas?

Chaque jour, je reçois plus d’une centaine de courriels et de messages textes. Chaque jour, je me dis que bien des messages reçus auraient pris trois minutes et quart à se clore par une simple conversation téléphonique. Au lieu de ça, je dois les ouvrir, y répondre, relire ma réponse, me demander si c’est clair et suffisant, appuyer sur envoyer… puis vivre la déception de recevoir un autre message avec une question additionnelle. Retour à la case départ. Et la roue tourne ainsi parfois bien trop longtemps si vous voulez mon avis.

Puis, quand je prends le téléphone pour éviter le cycle infernal des courriels, ce que je me permets de faire régulièrement, bien souvent (pour ne pas dire jamais) personne ne répond! Ma frustration est croissante: si on s’échange à l’instant même des courriels, je me doute bien que mon interlocuteur n’est pas très loin de son téléphone…

En 2024, nous sommes littéralement prisonniers de nos appareils électroniques et la communication écrite a remplacé la communication verbale et ce, toutes générations confondues!

Les conséquences?

  • Les temps de réponse s’allongent ;
  • Le nombre de messages échangés sur des sujets pourtant simples se multiplie sans cesse;
  • La frustration des différents intervenants augmente — les messages deviennent secs et à la limite incivils;
  • Le nombre de quiproquos résultant d’une mauvaise compréhension quant au ton et à l’intention des interlocuteurs croît également – les écrits laissent beaucoup de place à l’interprétation;
  • Des conflits émergent et requièrent temps, énergie et utilisation de ressources qui pourraient mettre à profit leur expertise ailleurs qu’à dénouer des situations que de simples conversations auraient évitées.

Comment en sommes-nous arrivés là?

Est-ce que l’écrit est nécessairement plus rapide? Non.

Est-ce par souci de garder une «trace» de nos échanges? Peut-être. En même temps est-ce vraiment nécessaire de conserver une copie de tout ce qu’on échange, surtout entre collègues? Certainement pas.

J’estime qu’il s’agit d’un malheureux vestige de la période pandémique alors que toutes nos communications ont pris le chemin de la technologie faute de contacts humains à cette période.

Vestige pandémique

Avant la pandémie, je me levais pour aller poser ma question à mes collègues ou encore je prenais spontanément le téléphone pour appeler mon contact à l’extérieur de l’organisation. À l’époque, un humain me répondait! J’en profitais pour prendre de ses nouvelles et m’intéresser à la personne. La conversation n’était souvent pas très longue et non seulement j’évitais les allers-retours interminables de messages, mais j’appréciais tout particulièrement le contact humain!

Depuis la fin de la pandémie, nous nous sommes en quelque sorte déshabitués à avoir de véritables conversations. Alors que le télétravail est toujours omniprésent, l’habitude des échanges verbaux n’est pas revenue et on se rabat continuellement sur le courriel, les messages textes et les applications de chat. Comme si devoir répondre à un humain nous rendait depuis inconfortables et que le sentiment de sécurité amené par la «distance virtuelle» est préférable au contact humain. Nous avons collectivement développé une peur du téléphone; la communication verbale n’est plus notre réflexe premier.

Je fais de plus en plus le choix de prendre le téléphone plutôt que de taper machinalement une réponse.

Cet été, je vais décrocher et au retour en septembre, tenez-vous bien, vous verrez souvent mon numéro sur votre afficheur plutôt que mon nom dans votre liste de courriels!