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Chercheurs d’emploi, laissez tomber l’IA générative!

Olivier Schmouker|Publié le 22 août 2024

Chercheurs d’emploi, laissez tomber l’IA générative!

Le but d’un CV, c’est justement de sortir du lot, de mettre en avant tout ce qui nous démarque des autres candidats, de valoriser nos points forts inédits, pour ne pas dire exclusifs. (Photo: 123RF)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q.  «Je suis à la recherche d’un nouvel emploi. La rédaction n’est pas mon point fort. Quelle IA générative me conseillez-vous pour rédiger mon CV et mes lettres de motivation?» – Ylan

R. — Cher Ylan, le meilleur conseil que je puisse vous donner est de laisser tomber l’intelligence artificielle (IA) générative au plus vite. Car lorsqu’on est à la recherche d’un emploi, il n’y a rien de pire que de s’en servir pour rédiger un CV ou une lettre de motivation. Explication.

Deloitte, EY, KPMG et PwC. Ces quatre grands cabinets-conseils ont récemment émis un avis «déconseillant aux nouveaux diplômés l’utilisation de l’IA générative dans leurs recherches d’un emploi». Pourquoi ça? Parce que, selon eux, leur candidature devient dès lors «fade», pour ne pas dire «banale».

Pour comprendre ce qu’ils signifient ainsi, il faut avant tout considérer comment fonctionne une IA générative. Grosso modo, une IA générative consulte une vaste banque de données, en l’occurrence, une tonne de CV rédigés par des chercheurs d’emploi œuvrant dans le même secteur que celui de l’utilisateur. Elle les analyse et en tire les faits saillants: les points commun, les informations les plus souvent mises en avant, etc. Puis, elle propose à l’utilisateur un CV type, qui regroupe tous les faits saillants.

Autrement dit, l’IA générative présente au final un CV qui correspond à la moyenne de tous les CV consultés. D’où l’impression, à la lecture, d’avoir déjà lu ce CV mille fois, et donc de banalité et de fadeur: on y trouve toujours les mêmes points forts, les mêmes formulations, etc. 

Or, le but d’un CV, c’est justement de sortir du lot, de mettre en avant tout ce qui nous démarque des autres candidats, de valoriser nos points forts inédits, pour ne pas dire exclusifs. C’est de créer un «Wow!» auprès du recruteur, de susciter l’envie en lui de vite nous contacter pour un entretien en personne afin de vérifier qu’on est bel et bien la perle rare tant désirée.

Idem pour la lettre de motivation. Il est impératif que celle-ci soit personnalisée et adaptée à la réalité de son destinataire. Rien de pire qu’un vulgaire copier-coller de ce que tout le monde dit chaque fois qu’il rédige une lettre de motivation, comme le fait, en somme, une IA générative.

C’est bien simple, les recruteurs de Deloitte et autres EY ne s’en cachent pas: ils repèrent aujourd’hui l’utilisation d’une IA générative d’un simple coup d’œil, et le CV et la lettre de motivation partent aussitôt à la poubelle. Ni plus ni moins.

Le hic, c’est qu’aujourd’hui près d’une candidature sur deux est présentée avec le concours de l’IA générative! Oui, vous avez bien lu: près d’une sur deux. Selon une enquête menée par Beamery, une start-up spécialisée dans les RH, auprès de 2500 travailleurs au Royaume-Uni, 46% des chercheurs d’emploi utilisent l’IA générative pour postuler. Le site web Canva abonde dans le même sens: 45% des chercheurs d’emploi qui utilisent ses outils en ligne pour créer ou peaufiner leur CV recourent à l’IA générative. 

Interrogé par le quotidien britannique The Financial Times, Ross Crook, le directeur général de l’agence de recrutement Morgan McKinley, estime que «les candidatures de mauvaise qualité se mettent à inonder le marché du travail». «Les candidats sont de plus en plus paresseux dans leur façon d’aborder le marché du travail, poursuit-il. Ils se tournent vers l’IA générative dans l’espoir de présenter une version améliorée d’eux-mêmes, sans réaliser que c’est tout le contraire qui se produit: les recruteurs se retrouvent avec des CV et des lettres de motivation insipides, voire barbantes.»

Voilà, Ylan. J’espère que c’est maintenant clair pour vous. Même si vous n’êtes pas un champion de la rédaction, mieux vaut quand même rédiger vous-même votre CV et vos lettres de motivation plutôt que de confier le travail à une IA générative qui, au mieux, vous donnera une allure quelconque aux yeux des recruteurs. Ça évitera de voir vos candidatures jetées immédiatement à la poubelle. 

En passant, le philosophe français Michel Serres a dit lors d’une entrevue: «Écrire est le dernier des métiers manuels».