Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

Comment arrêter de vous autosaboter?

Olivier Schmouker|16 mai 2024

Comment arrêter de vous autosaboter?

À force de douter de soi, on en vient parfois à se nuire à soi-même. (Photo: Kelly Sikkema pour Unsplash)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «Quand je me compare, je ne me console pas du tout, au contraire je me désole. J’ai toujours l’impression que les autres sont meilleurs que moi, plus justifiés de postuler pour une promotion que moi. Résultat? Ma carrière est au point mort, et je déprime…» – Océanne

R. — Chère Océanne, permettez-moi de vous le dire de but en blanc : de toute évidence, vous faites de l’autosabotage. C’est-à-dire que vous vous mettez vous-même des bâtons dans les roues, ce qui empêche votre carrière de progresser normalement.

Comme l’expliquent fort bien les coachs Maxime Coignard et François Chevigné dans leur livre «En finir avec l’autosabotage», l’autosabotage au travail peut se manifester de diverses manières. Il peut survenir lorsqu’on diffère d’importantes obligations professionnelles pour passer du temps sur les médias sociaux. Il peut revenir à se flageller, à force de se comparer aux autres. Il peut également se traduire par le refus de saisir des opportunités professionnelles par peur de l’échec. Et les conséquences de l’autosabotage peuvent nuire gravement à notre bien-être : vagues d’anxiété, bouffées d’angoisse, dépression, etc.

Plusieurs raisons majeures expliquent l’autosabotage, parmi lesquelles figurent les croyances limitantes, la peur de l’échec et le manque d’estime de soi. Il semble que les trois jouent plus ou moins dans votre cas, Océanne. Regardons ça ensemble.

John Grinder et Richard Bandler, les créateurs de la programmation neurolinguistique (PNL), ont identifié trois catégories de croyances limitantes.

— Les croyances sur l’identité. Elles concernent la perception e qui nous sommes, à coups de pensées du genre «Je suis incompétent» ou «Je suis une mauvaise personne».

— Les croyances sur la capacité. Elles ont trait à ce que nous croyons pouvoir ou ne pas pouvoir faire, comme «Je ne peux pas parler en public» ou «Je ne suis pas fait pour diriger».

— Les croyances sur le mérite. Elles portent sur ce que nous croyons mériter ou non. Elles nous amènent à dire «Je ne mérite pas d’être heureux» ou «Je ne mérite pas le succès professionnel».

Les croyances limitantes agissent comme des barrières, expliquent les deux auteurs, nous empêchant d’atteindre notre plein potentiel, nous bloquant dans des schémas répétitifs d’autosabotage.

La peur de l’échec nous paralyse, entravant notre désir d’innovation, notre volonté d’apprendre, notre capacité à prendre des initiatives. Au lieu de voir l’échec comme une étape d’apprentissage, on le perçoit comme une fin irrévocable.

Quant au manque d’estime de soi, il fait souvent office de lentille déformante à travers laquelle nous interprétons nos expériences professionnelles. Chaque critique est ainsi amplifiée, chaque compliment est minimisé ou ignoré. On se dit qu’«on ne le mérite pas» ou qu’«on ne peut pas».

D’après ce que vous m’indiquez dans votre courriel Océanne, il y a bien un peu des trois qui interviennent dans votre autosabotage. Vous avez à la fois des pensées limitantes, une crainte de l’échec et une estime de vous-même plutôt faible, n’est-ce pas?

À cela s’ajoute un facteur aggravant, comme le soulignent Maxime Coignard et François Chevigné dans leur livre : l’intervention d’amplificateurs de l’autosabotage. Parmi les trois les plus fréquents figurent :

— la comparaison permanente (à force de nous comparer sans cesse aux autres, notamment à travers les médias sociaux, nous développons des sentiments d’insuffisance et d’autocritique) ;

— la quête de gratifications instantanées (des jeux vidéos aux médias sociaux, nous vivons à présent dans un univers riche en distractions et gratifications immédiates, ce qui nous amène à négliger nos objectifs à moyen et long termes) ;

— et l’hyperconnectivité (nous avons créé une véritable dépendance aux communications numériques, ce qui est source de stress et d’anxiété, et donc d’entraves à la réflexion et à l’élaboration de plans à moyen et long termes).

Je ne sais pas si ces facteurs aggravants vous concernent, Océanne, mais prenez conscience de leur existence et, le cas échéant, veillez à les atténuer afin de mieux combattre votre tendance à l’autosabotage.

La Britannique Hazel Gale a été championne du monde de kick-boxing. Elle a connu les affres de la compétition de haut niveau, et toutes les pensées destructrices qui vont avec : la peur récurrente de l’échec, la comparaison constante avec les autres championnes, la peur permanente de ne pas être à la hauteur des attentes, etc. Elle en est devenue dépressive. Et elle s’en est sortie en prenant un virage professionnel majeur : elle est devenue hypnothérapeute dans l’optique d’aider les autres à mener à bien leur propre combat contre l’autosabotage.

Dans son livre «Fight – Contre l’autosabotage, gagnez le combat!», Hazel Gale donne quatre pistes à explorer afin de ne plus se saboter soi-même, en particulier au travail.

1. Finissez-en avec les «si»

«Si j’avais su», «Si j’avais voulu», «Si j’avais pu»… Nombre de pensées destructrices viennent d’une fâcheuse tendance à mettre des «si» dans nos réflexions. Cette façon de réfléchir ne nous permet pas de tirer des enseignements pertinents du passé, au contraire, elle nous enferme dans les regrets et les souhaits irréalistes. Elle nous pousse à ruminer, non pas à rationaliser.

Selon Hazel Gale, mieux vaut prendre une feuille de papier et un crayon, puis mettre par écrit ce que nous avons négligé, sous-estimé, ou bien surestimé, dans telle ou telle situation où nous avons fait preuve d’autosabotage. L’idée est d’effectuer un «retour lucide» sur une situation précise, et d’en tirer des «leçons profitables pour l’avenir».

2. Questionnez votre peur d’échouer

Considérez un de vos désirs professionnels les plus chers. En guise d’exemple, disons qu’il s’agit de devenir travailleur autonome. Dressez maintenant la liste des raisons pour lesquelles vous ne l’avez toujours pas satisfait, en essayant d’être exhaustif.

Parfait. À présent, identifiez une «éventuelle gêne centrale», une «ambivalence face à l’objectif visé». Il y a fort à parier que la peur d’échouer soit plus ou moins en lien avec le point que vous venez d’identifier. L’idée est dès lors de prendre le temps de réfléchir aux conséquences réelles d’un échec si vous tentiez de devenir travailleur autonome. Et d’ainsi réaliser qu’elles ne seraient probablement pas si terribles que ça, à tout le moins pas irréversibles.

3. Faites preuve de souplesse

Souvent, ceux qui font de l’autosabotage font preuve de rigidité. À forcer de rester campés sur leurs positions, de refuser de considérer d’autres points de vue, ou encore de répondre par la négative à toute nouvelle proposition. Cela envoie des messages négatifs (autoritarisme, absence d’empathie, excès d’assurance, etc.), plus ou moins fondés.

D’où l’intérêt d’apprendre à faire preuve de souplesse. C’est-à-dire de s’intéresser à plusieurs points de vue, de nuancer ses propos, ou bien de reconnaître ses torts. Car ses qualités contribuent grandement au succès, de manière générale.

À cet égard, les suggestions d’Hazel Gale sont multiples : laissez-les autres exprimer le fond de leurs pensées, pondérez vos certitudes (même si en soi elles sont justes), acceptez de ne pas savoir si c’est le cas, faites preuve de tolérance envers les erreurs (les vôtres comme celles d’autrui), etc.

4. Cultivez l’auto-empathie

Faire preuve d’auto-empathie, c’est apprendre à identifier nos besoins fondamentaux et nos émotions afin de mieux les gérer. Il ne s’agit pas de faire preuve de complaisance envers soi-même ou de tout se passer en se trouvant des excuses, mais de poser sur soi et sur ses actes le regard que l’on poserait sur son meilleur ami. C’est-à-dire avec bienveillance.

Selon l’auteure, chaque fois que l’on s’apprête à se juger, à évaluer ses compétences, ou bien à se fixer un objectif, il convient de s’arrêter un instant et de se poser des questions comme on le ferait en compagnie de son meilleur ami. Par exemple, demandez-vous «Que me conseillerait-il?», «De quoi m’inviterait-il à me méfier?», ou encore «Comment m’encouragerait-il»?

«Pour trouver le juste milieu entre encouragement bienveillant et analyse lucide, il est crucial de donner des réponses claires et nettes à ces interrogations», souligne-t-elle.

Voilà, Océanne. Il est possible de mettre fin à l’autosabotage au travail. Il faut pour cela user de raison en vue de contrer la déraison. Et donc, procéder avec méthode pour apprendre à faire davantage preuve de bonté à votre égard.

En passant, le sage chinois Lao Tseu disait : «La bonté en parole amène la confiance. La bonté en pensée amène la profondeur. La bonté en geste amène l’amour.»