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«Comment avoir la reconnaissance que je mérite?»

Olivier Schmouker|Publié le 24 février 2022

«Comment avoir la reconnaissance que je mérite?»

(Photo: Zane Boden pour Unsplash)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «Vu ce qui se passe dans notre entreprise, j’ai l’impression que plus on est individualiste et égoïste, plus on se fait remarquer par les patrons et plus on obtient facilement une prime ou une promotion. Même si ça ne me plaît pas, devrais-je, moi aussi, tirer la couverture vers moi plus souvent pour enfin avoir la reconnaissance que je mérite?» – Joëlle

R. — Chère Joëlle, j’ai une petite histoire à vous raconter en guise de préambule…

Un jour, un professeur a invité tous les élèves de sa classe à gonfler un ballon et à inscrire leur nom dessus au marqueur. Il a balancé tous les ballons dans le couloir, puis il a démarré le chronomètre de son cellulaire en disant: «Vous avez deux minutes pour trouver votre ballon et le ramener à votre place. Go!»

Ça a été la ruée, des ballons ont éclaté dans la mêlée, seulement une poignée d’enfants ont réussi à relever le défi.

Le professeur a alors sorti de nouveaux ballons et a invité les élèves à recommencer l’expérience, mais avec une consigne plus précise: «Un de vous va dans le couloir, prend le premier ballon qu’il trouve et appelle l’élève à qui il appartient. Vous avez deux minutes. Go!»

Tout le monde a eu son ballon dans le temps imparti.

La morale: la collaboration est efficace, pas l’égoïsme.

Dans votre entreprise, les égoïstes semblent bien s’en sortir, car, en vérité, ils tirent profit du travail collectif effectué par les autres. Mais si jamais chaque employé se comportait comme eux, de manière purement individualiste, ce serait vite le chaos.

Une étude pilotée par Nina Serdarevic, doctorante en économie à l’Université de Bergen en Norvège, s’est penchée sur une interrogation fort intéressante à ce sujet: les gentils finissent-ils toujours les derniers? Plus précisément, il s’agissait de voir si, au travail, il valait mieux se montrer collaboratif («gentil») ou égoïste («méchant»), de découvrir laquelle de ces deux attitudes était, en général, la plus «payante» pour un travailleur.

Les expériences menées étaient basées sur le jeu du dilemme du prisonnier, concocté en 1950 par le mathématicien Albert Tucker. Le principe est simple: deux joueurs sont mis ensemble et empochent de l’argent s’ils collaborent, mais si jamais l’un d’entre eux trahit l’autre — s’il agit de manière égoïste —, lui empoche de l’argent et pas l’autre ; la subtilité, c’est que si les deux décident simultanément de trahir l’autre, les deux perdent l’argent qu’il leur était possible d’empocher.

Ces expériences ont permis à la chercheuse et son équipe de noter que:

— Les égoïstes acquièrent vite la réputation de traîtres et plus personne ne veut jouer avec eux. Ils peuvent donc être gagnants une ou deux fois, mais à la longue, ce sont eux les grands perdants.

— Les grands gagnants sont ceux qui collaborent. Car les autres veulent faire équipe avec eux et œuvrer ensemble de manière constructive.

«Les gentils finissent toujours premiers», conclut l’étude, en soulignant qu’ils empochent «davantage d’argent» que ceux qui jouent seuls. Bref, la collaboration, c’est payant sur le plan individuel. Toujours.

Par conséquent, ma chère Joëlle, je vous déconseille vivement de prendre modèle sur les égoïstes qui travaillent à vos côtés. Cette attitude est perdante. De surcroît, elle semble aller à l’encontre de votre nature. Vous iriez donc droit à l’échec.

Mieux vaut pour vous miser plus que jamais sur la collaboration. Car cela finira forcément par vous sourire.

En passant, l’écrivain français Antoine de Saint-Exupéry disait: «La pierre n’a point d’espoir d’être autre chose que pierre. Mais de collaborer, elle s’assemble et devient temple.»