L'aventure, ça ne s'improvise pas... (Photo: Simon Migaj/Unsplash)
BLOGUE. Une nouvelle mission, un nouveau défi professionnel, une toute nouvelle carrière… Vous voilà, par la force des choses, à l’orée d’une terra incognita. Il va vous falloir briller par vos talents, faire jouer votre réseau de contacts et surmonter sans ciller des obstacles aussi terrifiants qu’imprévus.
Y parviendrez-vous? Ou vous apprêtez-vous à foncer droit dans le mur?
Le mieux, c’est d’en avoir une juste idée le plus vite possible. Et je crois bien avoir mis la main sur un précieux document à ce sujet, un document qui pourrait bien être déterminant pour tous ceux qui se doivent de partir ainsi à l’aventure. Regardons ça ensemble…
Paul-Émile Victor est l’un de mes héros d’enfance. Ses explorations polaires m’ont fait rêver à un point tel que, très tôt, j’ai eu la bougeotte : adolescent, je voyageais seul à travers l’Europe, libre comme l’air durant de nombreux étés, dormant la nuit dans les trains et visitant le jour mes villes d’arrivée (Hambourg, Ljubjana, Belgrade, Milan, Séville, Lisbonne…). D’ailleurs, si je vis aujourd’hui au Québec, ce peut-être bien grâce à Paul-Émile Victor…
Or, je suis récemment tombé sur le tout dernier livre qu’il a écrit, Dialogues à une voix (Robert Laffont, 1995), dans lequel il a compilé une série de notes rédigées tout au long de sa vie. Ce livre, il l’a concocté dans l’idée de transmettre un message à ses enfants, peu avant de mourir; il s’agissait de leur indiquer qui était leur père – un père se raconte si peu à ses propres enfants… –, et donc, de qui ils tenaient, mais aussi de leur indiquer comment faire face à l’incertitude de l’avenir, à l’aide de conseils puisés dans sa vaste expérience de vie. Bref, il s’agit là d’un livre purement fabuleux.
Qu’y ai-je trouvé? Entre autres, un passage qui me paraît on ne peut plus pertinent pour qui doit endosser le rôle de l’aventurier, c’est-à-dire quiconque se trouve dans la nécessité de s’aventurer au loin, par-delà sa petite zone de confort. Donc, pour vous et moi.
Ce passage permet, au fond, de savoir si nous sommes prêts, ou pas, à partir à l’aventure:
«Quelles sont les «qualités» que doit posséder un aventurier? écrit-il.
1. Il doit avoir l’esprit d’entreprise.
2. Il doit posséder une curiosité d’esprit intense.
3. Il doit être persuadé qu’il n’y a pas de problèmes, qu’il n’y a que des solutions.
4. Il doit savoir garder son sang-froid en toutes circonstances.
5. Il doit être doté d’un inébranlable sens de l’humour.
6. Il ne doit jamais se prendre au sérieux, tout en faisant un travail sérieux.
7. Il doit abandonner son amour-propre. Par exemple, en marche d’approche, lorsque la marche à pied n’est pas une technique de recherche ou une nécessité, prendre un car, un taxi, un avion ou un hélicoptère; car on gagne ainsi beaucoup de temps, et on arrive frais et dispo sur le lieu de travail.
8. Il doit avoir une patience permanente et totale.
9. Il doit être imperméable aux mauvaises odeurs, avoir un estomac à toute épreuve, ignorer l’existence de ses intestins et de son foie, avoir une dentition parfaite, un dos, des pieds et des jambes d’acier.
10. Il doit avoir un œil aiguisé, pénétrant, toujours en éveil.
11. Il doit être un enthousiaste et un optimiste.
12. Il doit s’accrocher, s’accrocher toujours.
Voilà ce qu’en dit Paul-Émile Victor, l’homme qui en 1936 a réalisé l’exploit de traverser le Groenland en traîneaux à chiens, d’ouest en est, et qui, après la Seconde Guerre mondiale, a été le chef des expéditions polaires françaises durant une trentaine d’années. Les voyants sont par conséquent au vert pour vous si jamais vous êtes doté de la plupart des 10 qualités suivantes:
– Esprit d’entreprise
– Curiosité
– Sang-froid, contrôle de soi
– Sens de l’humour, autodérision
– Sens pratique, simplicité
– Patience
– Robustesse
– Intelligence
– Enthousiasme, optimisme
– Ténacité
Mais ce n’est pas tout. Tout ça ne suffit pas pour vous garantir le succès. C’est juste un bon point de départ.
Avant tout, être fin prêt… (Photo: Ian Dooley/Unsplash)
Que vous faut-il de plus? Paul-Émile Victor a de surcroît rédigé un petit mémo à l’attention de ceux qui sont résolus à partir à l’aventure. S’y trouvent plusieurs conseils pratiques permettant de s’assurer que l’on progresse de la bonne façon, dont quatre me semblent particulièrement précieux:
> Hygiène morale
«N’oublie jamais les règles de conduite que tu t’es fixées, note-t-il. Ne fais jamais aucune entorse à ces règles…»
> Hygiène sociale
«Tu dois être à la fois égocentrique et altruiste.
«C’est-à-dire que tu dois penser à toi d’abord, pour éviter de te blesser par inadvertance ou de provoquer un accident par fanfaronnade, ou par bêtise. Cela obligerait tes compagnons à s’occuper de toi et retarderait tout le groupe.»
> Hygiène psychologique
«Contrôle toutes tes réactions. Au plus fort de ta fatigue, et malgré toutes les bonnes raisons que tu peux avoir de te fâcher ou de pousser un coup de gueule, reste calme!
«N’agresse jamais un autre, ni en paroles ni en geste. Il t’agressera peut-être parce qu’il est fatigué, parce que tu lui portes sur les nerfs, ou que tu ne lui es tout simplement pas sympathique. Reste calme! Toujours! Contrôle-toi à chaque instant.
«Sois poli; la politesse n’est pas une hypocrisie comme le prétendent les imbéciles, mais une nécessité sociale indispensable aux relations humaines.
«Sois toujours prêt à aider autrui. Surveille les plus faibles, toi qui es costaud; et viens-leur en aide. C’est évidemment là le rôle du chef de groupe. (…)
«Dans tous les cas, c’est le contrôle de soi qui est le plus important dans le comportement d’un individu au sein d’un groupe. C’est très difficile. C’est une question de discipline personnelle qui, peu à peu, devient une habitude.»
> Ton meilleur ami et ton meilleur ennemi, c’est toi!
«L’un et l’autre agiront dans le même sens. Il y a en toi un adversaire, ou même un ennemi, qu’il faudra vaincre. L’ami qui est en toi t’aidera à remporter la victoire. L’ennemi qui est en toi te poussera à l’échec. Tu le vaincras parce que l’ami en toi est le plus fort. C’est toi qui l’as entraîné, qui l’as dressé!
«Un «houidge» [esprit malfaisant] t’accompagne depuis toujours. Tu le connais certainement, mais peut-être ne le reconnais-tu pas. Tu ne l’as jmais vu, et tu ne le verras jamais. Mais il est là, et il ne cessera de se percher sur ton épaule pour te chuchoter les pires pensées dans l’oreille. Il te dira : «Arrête-toi. Fais demi-tour. Il en est encore temps. Tu ne leur dois rien. Sauve ta peau…»
«Ou bien il te dira : «Tu vas te casser la gueule. C’est pour aujourd’hui. C’est même pour tout à l’heure…»
«Ou bien encore, quand tu traverseras les pires difficultés : «Je te l’avais bien dit, mais tu n’as jamais voulu me croire. Tu n’es qu’un imbécile…»
«C’est alors que toi, ton meilleur ami, tu dois savoir chasser ton «houidge», rester calme, ne pas paniquer, t’accrocher. T’accrocher toujours.»
Fascinant, n’est-ce pas? Vous rêvez de devenir entrepreneur? Vous envisagez sérieusement de donner un nouvel élan à votre carrière? Vous vous apprêtez à dire «oui» à la nouvelle mission que vous a proposée votre boss? Parfait. Analysez votre cas de figure à l’aide des réflexions de Paul-Émile Victor, et vous saurez si c’est là une bonne chose pour vous, ou pas.
En passant, un dernier mot, de Paul-Émile Victor, ça va de soi : «Ce n’est pas ce que nous sommes qui nous empêche de réaliser nos rêves; c’est ce que nous croyons que nous ne sommes pas».
Auquel je ne résiste pas d’associer celui-ci : «L’aventure est un état d’esprit, écrit-il. Elle se trouve dans le cœur de l’homme. L’aventure, c’est être capable de refuser son destin, être prêt à partir à tout moment, concevoir encore et toujours de nouveaux projets, ne pas être assis; c’est, en un mot, vivre sa vie et la construire.»
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