Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

Comment calmer un collègue en colère?

Olivier Schmouker|Publié le 25 juillet 2023

Comment calmer un collègue en colère?

En vérité, la colère cache toujours une émotion particulière... (Photo: Engin Akyurt pour Unsplash)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «L’autre jour, un collègue a pété sa coche au bureau. C’était vraiment impressionnant, pour ne pas dire épeurant. Je n’étais pas concernée, mais ça m’a tétanisée. Si jamais ça se reproduisait, qu’est-ce que je pourrais faire pour calmer le jeu?» – Robine

R. – Chère Robine, je ne suis pas sûr qu’il soit bon de vous mêler d’une chicane qui ne vous concerne pas directement. On ne sait jamais, ça risquerait d’envenimer les choses. Cela étant, je peux vous indiquer un moyen simple et efficace de calmer quelqu’un en colère dans le cas où vous êtes directement concernée.

Douglas Noll est un avocat et médiateur américain qui est notamment intervenu auprès de prisonniers enfermés dans des prisons à haute sécurité. Il a écrit en 2017 un livre intitulé «De-Escalate: How to calm an angry person in 90 seconds or less» (Simon & Schuster) dans lequel il présente une méthode d’apaisement qui prend, selon lui, moins de 90 secondes pour avoir de l’effet. Celle-ci se présente en trois étapes.

1. Ignorez les mots dits

En situation d’urgence, notre cerveau a le réflexe de se concentrer sur une chose et une seule, explique-t-il. Face à quelqu’un en colère, cela nous amène à nous concentrer sur ce que l’autre dit, ou plutôt hurle. Le hic, c’est que ce n’est pas là le plus important, du moins si notre objectif est de calmer vite fait cette personne.

D’où l’intérêt d’ignorer les mots dits. De se dire que peut importe la formulation utilisée, ceux-ci ne visent qu’à exprimer ce qu’on constate de toute façon: la colère. D’autant plus que, souvent, les mots dépassent alors la pensée, et avec un peu de recul la personne colérique finit par s’excuser pour les mots blessants qu’elle a pu prononcer.

Bref, il n’y a pas là d’information pertinente à aller chercher. Mieux vaut se concentrer sur autre chose, à savoir la véritable émotion dissimulée derrière ce coup de sang.

2. Identifiez l’émotion cachée

Selon Douglas Noll, la colère traduit, en vérité, l’une des six émotions suivantes: l’exaspération, la peur, l’anxiété, le dégoût, l’humiliation ou encore le sentiment d’abandon ou de rejet. À nous, donc, en tant qu’être fondamentalement empathique, de braquer notre «radar à émotions» sur la personne en colère et d’identifier laquelle de ces émotions est à la source du coup de sang.

3. Agissez en miroir

Une fois cette émotion identifiée de manière, disons, instinctive, il nous faut valider l’information. Cela peut se faire en un clin d’œil, tout simplement en agissant comme un miroir: il suffit de prononcer une phrase à la deuxième personne, de manière posée, du genre «Tu es déçu» ou bien «Tu es exaspéré».

Deux cas de figure peuvent alors se produire. Soit votre interlocuteur va confirmer votre intuition: «Oui, je suis déçu, et pas à peu près!». Soit il va vous corriger: «Non, je ne suis pas exaspéré, je suis inquiet, très inquiet!»

À noter qu’il ne faut surtout pas faire votre affirmation en utilisant le «je», car cela risque de se retourner immédiatement contre vous. Par exemple, si vous prononcez «Je pense que tu es déçu», cela peut vous revenir en pleine face avec une phrase du genre «Ouais, ben une fois de plus, tu te trompes complètement, je ne suis pas déçu, je suis furieux de ton incapacité à comprendre ce que je suis en train de te dire!» Et vous ne saurez même pas quelle est la véritable émotion cachée…

L’auteur résume ce point important d’une phrase limpide: «Il est vital de retirer l’ego de l’équation», souligne-t-il.

Bon. Maintenant que vous connaissez l’émotion cachée, que vous faut-il accomplir pour désamorcer la colère de votre interlocuteur? Eh bien, il vous suffit… d’ouvrir les yeux.

Une fois la bonne phrase miroir prononcée («Tu es déçu», ce que confirme aussitôt votre interlocuteur, même si c’est de manière véhémente), la personne en colère va afficher inconsciemment des signes attestant de la brusque diminution en intensité de son coup de sang. Il vous faut relever ces signes-là, en ne vous concentrant que sur ceux-ci.

– Oui. Se sentant enfin comprise, la personne en colère va glisser un ou plusieurs «oui» dans son flot verbal. Sautez sur l’occasion pour établir un pont entre vous deux, une passerelle permettant le dialogue raisonné et raisonnable.

– Épaules tombantes. Une personne en colère est toujours tendue, les épaules droites et hautes. À l’instant même où le coup de sang diminue, les épaules ont tendance à tomber. C’est le signe d’une certaine désescalade de la colère, et donc que vous pouvez amorcer le dialogue.

– Soupir. La respiration de celui qui est en colère est toujours saccadée. Mais dès que celui-ci se calme, un ou plusieurs soupirs se glissent ici et là. Ce signe vous indique qu’il peut être opportun d’entamer le dialogue.

Voilà. Tout cela se produit en général en une minute et demie. C’est rapide et efficace. Et ça l’est même tellement que cela vous impressionnera vous-même, la première fois que vous userez de cette méthode.

Comme le note Douglas Noll, «désamorcer une situation tendue, en plus de nous éviter des problèmes inutiles, contribue à créer un climat de travail où règne une plus grande bienveillance et davantage d’empathie». Autrement dit, votre intervention peut se révéler vraiment bénéfique, pour tout le monde.

En passant, l’écrivain franco-marocain Tahar Ben Jelloun a dit dans une entrevue accordée au magazine Lire: «Un homme en colère est un homme qui n’a pas su dire non et éprouve, en plus, le remords de ne pas l’avoir fait».