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«Comment contrer les divas de l’emploi?»

Olivier Schmouker|Publié le 14 avril 2022

«Comment contrer les divas de l’emploi?»

Face à une demande «exagérée», il convient de ne pas réagir, de la noter et de promettre de la considérer en fonction des valeurs propres à l’organisation. La réponse sera donnée après mûre réflexion. (Photo: 123RF)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «J’ai vraiment eu le souffle coupé quand le chef d’équipe que je souhaitais embaucher m’a présenté ses « exigences »: un salaire 20% supérieur au maximum prévu dans notre grille salariale, une voiture de fonction et, à l’occasion, un chauffeur. Jamais personne n’a eu un tel culot chez nous. Voilà où nous mène cette foutue pénurie de main-d’œuvre! Je lui ai dit poliment d’aller voir ailleurs, mais bon, va-t-il falloir me résoudre à dire « oui », un jour, à ces divas de l’emploi?» – Lorenzo

R. — Cher Lorenzo, il est clair que le marché du travail est aujourd’hui en pleine mutation. On parle maintenant de télétravail, de travail hybride ou encore de nomadisme numérique. On parle aussi de la semaine de quatre jours, d’horaires flexibles, de congés illimités. On parle en ce début de 21e siècle de choses qui étaient carrément inimaginables au 20e siècle. Faut-il donc s’étonner d’exigences a priori «farfelues» de la part des candidats à l’embauche?

La réponse saute aux yeux, me semble-t-il: il ne faut pas s’en étonner, il faut s’en choquer. Oui, s’en choquer, comme cela vous est arrivé l’autre jour.

Il n’est pas normal de voir des candidats demander le plus sérieusement du monde que soient ajoutés au contrat de travail une prime à la signature du contrat, le droit exclusif d’emmener leur chien au bureau, le vol en première classe lorsqu’il leur faut faire un déplacement en avion ou encore une allocution mensuelle pour leur conjointe. Ce sont là des caprices, non pas des demandes raisonnées et raisonnables, visant par exemple à leur permettre de donner leur 110% quotidiennement.

Tomas Chamarro-Premuzic est professeur de psychologie des affaires à l’University College de Londres, scientifique en chef des talents du cabinet de recrutement Manpower et l’auteur d’une dizaine d’ouvrages, dont «Why do so many incompetent men become leaders? (And how to fix it)» (HBR Press, 2019). Ses travaux montrent ceci.

— Face à une demande «exagérée», il convient de ne pas réagir, de la noter et de promettre de la considérer en fonction des valeurs propres à l’organisation. La réponse sera donnée après mûre réflexion.

— Au moment de juger si elle est acceptable, ou pas, il faut tenir compte du fait que l’organisation se doit de décourager les «dérives narcissiques». La demande en question vise-t-elle à flatter l’ego du demandeur? Ou plutôt, à booster la performance au travail de ce dernier?

— Un autre élément de réflexion dont il faut tenir compte: l’acceptation de la demande «exagérée» risquerait-elle de créer de la frustration chez un ou plusieurs employés déjà en poste?

Répondre à ces interrogations devrait permettre d’y voir plus clair, à tout le moins de mieux cerner les limites que votre organisation est prête à tutoyer. Dire «non» vous sera ainsi plus aisé. D’autant plus qu’il peut être salutaire de ne pas compter de «diva» dans ses rangs: «La loyauté des divas de l’emploi est toujours douteuse, note Tomas Chamarro-Premuzic. Le fait qu’elles attachent autant d’importance aux faveurs et autres récompenses indique qu’elles sont promptes à agir en mercenaire, à passer chez un concurrent en un clin d’œil.»

En Allemagne, l’entreprise de génie mécanique Barghorn a adopté une solution originale pour recruter des personnes talentueuses sans céder à leurs éventuels caprices au moment de l’embauche, est-il raconté dans un article du quotidien allemand Handelsblatt. 

Toute nouvelle recrue doit accepter de travailler une semaine au salaire minimum. À l’issue de celle-ci, les employés qui ont travaillé avec elle décident ensemble s’ils la gardent ou pas. Comme ça, les «divas» ont le temps de réaliser l’absurdité de leurs exigences, et par la suite, de changer d’idée. Quant aux autres, ils ont le temps de découvrir qu’ils ont affaire à une «diva», et le cas échéant, l’occasion de s’en séparer vite fait. Sans dommage pour quiconque.