L'idée est de s'inspirer du bourreau de travail qu'était Teddy Roosevelt, le 26e président des États-Unis. (Photo: Library of Congress pour Unsplash)
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Q. – «Ma semaine ne suffit pas pour accomplir tout ce que je dois faire. Y a-t-il un truc génial pour maximiser chaque heure de travail?» – Antoine
R. – Cher Antoine, avez-vous déjà entendu parler de Theodore Roosevelt, ce bourreau de travail qui, après avoir exercé des métiers aussi variés que conservateur de musée, écrivain, historien, militaire et naturaliste, est devenu le 26e président des États-Unis? Laissez-moi vous en toucher deux mots, je suis sûr que ça va vous intéresser.
Si vous aviez fréquenté Harvard lors de l’année universitaire 1876-1877, vous auriez probablement remarqué un étudiant de première année qui se donnait des airs hautains, bourré d’énergie et qui multipliait ses centres d’intérêt, chacun apparemment plus éloigné de ses études que les autres. Cet étudiant, c’était Theodore Roosevelt, un type maigre au visage dévoré par des rouflaquettes, qui semblait passer la majeure partie de son temps à pratiquer la boxe, la lutte, le culturisme, la danse, la poésie, ou encore le naturalisme (la véritable passion de sa vie). Signe qu’il se donnait à fond dans ses passe-temps, il a publié un livre, «The Summer Birds of the Adirondacks», l’été qui a suivi la fin de sa première année à Harvard; et celui-ci lui a permis d’être considéré par le Bulletin of the Nuttall Ornithological Club comme «l’un des jeunes naturalistes les plus calés des États-Unis».
Toutes ces passions ont-elles gravement nui à ses études? Aucunement. Certes, il n’était pas le meilleur élève de sa promotion, mais lors de sa première année, il a obtenu des notes avec mention dans cinq des sept matières.
Comment a-t-il pu réussir une telle prouesse? L’explication est simple, et explicitée par Cal Newport dans son livre «Deep Work»: Theodore Roosevelt s’était concocté une méthode de travail aussi originale qu’efficace.
Selon l’auteur et professeur d’informatique à l’Université de Georgetown, l’étudiant de Harvard planifiait chacune de ses journées, le travail occupant le créneau allant de 8 h 30 à 16 h 30. Dans celui-ci rentraient les heures de cours, le temps nécessaire pour faire les devoirs, une heure de sport (une nécessité pour, entre autres, faire respirer le cerveau!) et le temps pour luncher. Ce créneau était celui dédié au travail, au seul travail. En aucun cas il n’était extensible, si bien qu’il était libre de se consacrer à ses passe-temps comme il le souhaitait avant 8 h 30 et après 16 h 30.
Bon. Antoine, vous l’avez sûrement noté, effectuer l’ensemble du travail requis entre 8 h 30 et 16 h 30 lorsqu’on étudie à Harvard, ça laisse, en vérité, très peu de temps pour réviser ses leçons et faire les exercices demandés par les professeurs. Un temps ridiculement petit.
Alors? Comment faisait-il? Eh bien, Cal Newport note que Teddy Roosevelt effectuait nécessairement ses devoirs avec une «intensité foudroyante». Il donnait alors non pas son 110%, mais plutôt son 150%. Et le plus beau, c’est que chacun de nous en est capable, pourvu de se montrer méthodique, avance le professeur américain.
– Prenez une tâche dont l’exécution nécessite de donner le meilleur de vous-même.
– Estimez avec précision le temps qu’il vous faut pour la mener à bien, en temps normal.
– Maintenant, fixez-vous un deadline «nettement plus court» que celui de votre estimation. À vous de voir s’il s’agit d’une diminution de 10%, 20% ou 30%, par exemple. L’idée est que vous soyez convaincu que «c’est faisable, même si c’est chaud».
– Lancez-vous après avoir programmé une minuterie sur votre cellulaire.
– Et arrêtez tout lorsque la sonnerie résonne.
Avez-vous réussi? Avez-vous échoué de peu? Là n’est pas le plus important. En fait, Cal Newport préconise de faire cet exercice de travail à haute intensité une fois par semaine, histoire d’habituer votre cerveau à se concentrer de manière maximale sur une durée prédéterminée. Vous allez ainsi gagner en efficacité de manière presque hallucinante, en ce sens que vous allez vous-même vous étonner de ce que vous êtes vraiment capable de faire.
Une fois que vous y aurez pris goût, vous allez de vous-même vous mettre à travailler fort sur de courtes périodes de temps, à faire l’exercice non plus une fois par semaine, mais une fois tous les deux jours, puis une fois par jour, etc. À la clé, Antoine, vous serez enfin en mesure d’exécuter toutes vos tâches hebdomadaires, et mieux, de trouver du temps libre pour respirer et, par exemple, jaser un peu plus souvent avec vos collègues.
Un dernier point. Cal Newport recommande vivement de vous couper de toute forme de distraction possible lorsque vous travaillez à haute intensité. Cellulaire éteint, notifications supprimées, aucune fenêtre de média social ouverte. Sans quoi, vous risquez fort d’être coupé dans votre élan, et de ne plus être capable de redonner votre 150% dans le délai imparti.