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Comment devenir la meilleure version de vous-même?

Olivier Schmouker|Publié le 25 février 2020

Comment devenir la meilleure version de vous-même?

Micael Dahlén est prof à la Stockholm School of Economics. (Photo: Studio Emma Svensson)

BLOGUE. Si vous êtes vraiment un fan fini du blogue «En Tête», peut-être aurez-vous noté que j’ai une idole, que je suis en admiration devant tout ce que pense et fait une personne très particulière, Micael Dahlén. Micael Dahlén? Il s’agit d’un type hors-norme, barbu, chevelu et tatoué d’inscriptions bizarroïdes sur les phalanges comme sur le cou. D’un type qui est professeur de marketing à la Stockholm School of Economics, mais aussi conférencier hors pair sur des thèmes comme le bonheur au travail ainsi qu’auteur de livres décalés, qui vont de l’essai sur la créativité au roman de science-fiction. Bref, d’un type qui pétille d’intelligence.

Ma grande chance, c’est que nous sommes amis Facebook. Ce qui m’a permis de voir, la semaine dernière, un de ses posts qui indiquait combien il était honoré qu’une de ses vielles chroniques pour le quotidien suédois Göteborgs-Posten ait dépassé le demi-million de vues. Cette chronique est intitulée «Räkna till åtta. Snälla» («Comptez jusqu’à huit. S’il-vous-plaît», en français). Je l’ai lue. Je l’ai adorée. Et je ne résiste pas au plaisir d’en partager la substantifique moelle avec vous, tant je suis convaincu qu’elle peut contribuer à améliorer votre quotidien, en particulier au travail…

Micael Dahlén commence sa chronique en réalisant qu’on peut faire un nombre incroyable de choses en l’espace de huit petites secondes:

– On peut courir 70 mètres (si on est un bon sprinteur);

– Lire un haïku (et avoir l’esprit traversé par une nouvelle vision du monde);

– Manger trois hot-dogs et demi (si on est le champion du monde de l’engloutissement de hot-dogs);

– Entendre Prince chanter neuf fois ‘Kiss’ (si on retrouve le passage où il fait ça, sur Spotify);

– Prendre deux respirations très profondes (et diminuer sa fréquence cardiaque de cinq battements);

– Faire 10 caresses à son chat (ou à son chien).

«J’ai moi-même expérimenté tout ça – sauf pour les hot-dogs, n’étant capable d’ingurgiter qu’une seule saucisse (sans le pain) en huit secondes –, et je peux vous confirmer qu’il est possible d’accomplir tout ce que je viens d’indiquer en huit petites secondes», note-t-il.

Ce qui l’amène à révéler que des études scientifiques, dont certaines ont été menées par des collègues à lui, montrent que huit secondes, c’est exactement le temps dont a besoin le cerveau pour développer une émotion comme l’empathie et la compassion. Oui, huit secondes, c’est ce qu’il nous faut pour ressentir et décoder, par exemple, le malheur qu’éprouve autrui, pour entrer en phase avec celle-ci et pour nous préparer à réagir adéquatement. C’est ce qui nous permet de «fusionner» avec l’autre.

«Maintenant, imaginez ce qu’il se passerait si vous accordiez huit petites secondes à votre cerveau lorsqu’il enregistre une information qui le déstabilise – un interlocuteur étranglé par la peine, un propos qui vous fait bondir, un passage de rapport qui bouscule l’une de vos idées reçues… Oui, imaginez si vous vous reteniez de réagir en répondant à un texto à l’aide de mots en majuscule et à coups de points d’exclamation… Imaginez si vous vous empêchiez de glousser en découvrant la nouvelle coiffure d’une collègue, ou la différence nouvellement affichée d’un élève de la classe…»

Qu’est-ce que ça changerait? «Ça briserait les cercles vicieux de l’anxiété, du désespoir, de la rivalité, de la peur, ou encore de la haine, dit Micael Dahlén. Ça rendrait le monde meilleur autour de vous. Ça vous rendrait meilleur, tout simplement.»

Et d’ajouter : «Réalisez que, dans une journée, il y a un total de 86.400 secondes. Et donc, 10.800 occasions d’accomplir des merveilles, de changer le monde autour de vous, de vous changer vous-même.»

PLUS : «Le bonheur en deux tatouages, selon Micael Dahlén»

PLUS : «Découvrez l’incroyable puissance des mots aimables!»

Comment s’y prendre, au juste, pour mieux vivre ces huit secondes-là? Le professeur suédois l’aborde justement dans une autre chronique, qui, elle, porte expressément sur la gentillesse : «Dans la vie, il ne suffit pas d’être gentil, encore faut-il faire de belles choses», estime-t-il.

«Donald Trump est une personne gentille, écrit-il. Il l’a dit lui-même, plusieurs fois. D’ailleurs, la plupart des gens disent la même chose d’eux-mêmes, lorsqu’on le leur demande. Un sondage mené chez nous montrait à ce sujet que 9 Suédois sur 10 se trouvaient gentils, et mieux, qu’une grande majorité d’entre nous se trouvaient plus gentils que les autres (ce qui est statistiquement impossible, ça va de soi, mais ce qui est, en même temps, profondément humain, et même touchant).»

Et de s’interroger : «Un pays où autant de gens sont gentils, n’est-ce pas merveilleux? Qui ne rêverait pas de vivre ici, parmi nous?» Avant de lâcher un coup fatal : «Ce qui m’amène à penser aux mendiants…»

Honte aux Suédois! Honte à nous tous! Car qui d’entre nous n’est jamais passé devant un mendiant sans lui donner une pièce? Sans lui donner un salut? Sans même lui donner un sourire encourageant? Pis, en détournant le regard, après avoir eu une pensée comme «non, mon argent ne lui servira pas à s’imbiber d’alcool, ni à se payer du pot»?

«Plus nous croisons de mains tendues, moins nous donnons d’aide à autrui, dit-il. Pourquoi ça? Parce que la barrière de notre «immense gentillesse» nous en empêche : nous blâmons le démuni – un criminel, un drogué, un fainéant, un incapable,… –, celui qui dérange notre croyance en notre «immense gentillesse», ce qui nous permet de préserver la belle image que nous avons de nous-même, sans avoir à faire le geste d’aider.»

D’où sa conclusion, imparable : «Paradoxalement, nous serions sûrement plus bienveillants si nous arrêtions de nous considérer comme des personnes gentilles! Car nous ferions alors de bonnes choses, ces petits gestes gentils du quotidien qui nous font tant défaut.»

Wow! Arrêter de se croire gentil pour enfin devenir bienveillant. Quand on y pense bien, c’est lumineux. Prenez huit petites secondes pour y songer comme il faut. Ça en vaut la peine.

Qu’est-ce qu’une telle trouvaille peut changer dans notre quotidien au travail? Beaucoup de choses, croyez-moi. C’est que nous estimons que nous n’avons ni le temps, ni l’argent, de nous montrer gentils. Que tout ça n’est que pure perte. Et nous nous trompons lourdement, comme le montre le professeur suédois:

«Chaque bonne chose que l’on fait compte vraiment, dit-il. Ça peut être un don à un organisme de bienfaisance, un coup de main à quelqu’un qui vient de glisser sur une plaque de verglas, une invitation à une femme enceinte à passer devant vous dans la file d’attente, un coup d’épaule à la voiture d’un inconnu qui est coincée dans un tas de neige, ou tout simplement un «merci». En vérité, ça ne vous coûte rien, mais aux yeux des autres, ça n’a pas de prix.»

Voilà, donc, comment vous pourriez devenir la meilleure version de vous-même. Tout bonnement en prenant l’habitude d’accorder huit petites secondes à votre cerveau lorsqu’il est confronté à l’imprévu, puis en osant – enfin – faire ce petit geste si gentil que vous vous retenez habituellement de faire, en particulier au travail. Le monde qui vous environne embellira. Vous-même, vous embellirez. C’est aussi simple que ça. «Et – qui sait? – peut-être bien que les gens ne mettront plus jamais un bulletin «Trump» dans une urne», ajoute Micael Dahlén, narquois.

En passant, l’écrivain américain Paul Auster a dit dans Moon Palace : «Tout le monde mérite qu’on soit gentil : n’importe qui, quel qu’il soit».

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