Différentes astuces permettent d'être plus «parlable», d'être un peu moins intimidant pour les membres de son équipe. (Photo: LinkedIn Sales Solutions pour Unsplash)
MAUDITE JOB! Q. — «J’ai beau dire et répéter aux membres de mon équipe que la porte de mon bureau leur est toujours ouverte, je n’ai que de rares visites de leur part. J’ai parfois l’impression d’être enfermé dans ma «tour d’ivoire», non pas par ma faute, mais par la leur. Comment rendre nos échanges plus fréquents et spontanés?» – Étienne
R. — Cher Étienne, la communication semble ne pas être fluide au sein de l’équipe que vous dirigez. Vous faites visiblement un effort en indiquant à tout un chacun que vous êtes ouvert à toute discussion, quelle qu’elle soit, et pourtant personne, ou presque, ne vient vous confier les bons coups ou les difficultés qu’il rencontre lors de ses journées de travail.
Pour éclairer ce qui vous paraît être un mystère, à savoir le fait que personne ne s’adresse à vous en dépit de l’ouverte à la discussion que vous affichez, je vais m’appuyer sur une étude récente, pilotée par Robert Weijers, professeur de psychologie à l’Université d’Utrecht, aux Pays-Bas. Regardons ça ensemble.
L’équipe de chercheurs dirigée par Robert Weijers a mené une expérience auprès de quelque 1 500 étudiants durant toute une session. Ceux-ci figuraient dans deux groupes distincts.
Les étudiants du premier groupe ont dû suivre tous les cours d’une matière donnée en ligne, avec un professeur qu’ils avaient déjà eu lors d’une précédente session. À chaque cours, le professeur avait en arrière-plan un fond d’écran virtuel sur lequel figurait le message suivant: «N’hésitez pas à me poser des questions (en direct ou via le chat)».
Quant aux étudiants du second groupe, ils ont dû suivre tous les cours d’une matière donnée non pas en ligne, mais en présence, avec un professeur qu’ils avaient déjà eu lors d’une précédente session. D’emblée, le professeur a donné à chacun une mission cruciale: lui poser au moins une question durant la session. Cette mission n’était pas une obligation, elle ne serait suivie d’aucune conséquence négative si elle n’était pas remplie, mais le professeur soulignait que cela serait sûrement bénéfique pour chacun de poser une question, au moins une fois, et mieux, d’en faire une habitude.
Résultat? Ce qu’il est ressorti de cette expérience devrait vous intéresser au plus haut point, Étienne.
– Un impact inégal. Le professeur du premier groupe a reçu un peu plus de questions de la part de ses étudiants. Ce qui n’a pas été le cas pour celui du second groupe.
– Toujours les mêmes. Les questions supplémentaires provenaient, en fait, toujours des mêmes étudiants. Ainsi, le fait d’inviter chacun à poser des questions n’a eu aucune incidence sur l’engagement global: seuls ceux qui posaient déjà des questions se sont sentis libres d’en poser plus qu’à l’habitude, et l’ont fait.
– Pas de meilleures notes. L’invitation à poser des questions n’a pas été suivie par une amélioration des notes d’examen des étudiants, à l’exception de ceux qui posaient beaucoup de questions. Sans grande surprise, ceux qui se sont montrés les plus intéressés et les plus curieux ont réussi à enregistrer une performance en progression.
Autrement dit, inviter à poser des questions, et donc à entamer une discussion, ne suffit pas à motiver une personne qui ne le souhaite pas franchement à le faire. Tout ce qu’on obtient ainsi, c’est davantage de questions, et donc de discussions, de la part des personnes désireuses de tels échanges. Et j’imagine que c’est justement ce qui vous arrive, Étienne: les rares visites que vous avez, elles sont sûrement le fait du ou des mêmes membres de votre équipe. Les autres ne toquent jamais à votre porte.
Comment, donc, changer la donne? Peut-être bien en ne vous montrant plus passif, mais actif dans le déclenchement des discussions avec les membres de votre équipe. Vous contenter de dire «Ma porte est toujours ouverte» ne suffit pas, comme en atteste l’étude pilotée par Robert Weijers. Il vous faut plus souvent quitter votre bureau et aller à la rencontre des autres, de manière authentique, attentionnée et spontanée.
Pour ce faire, voici quelques suggestions aussi simples qu’efficaces:
- Multipliez les rencontres informelles. N’hésitez pas à vous attarder à la distributrice de café, à consacrer du temps à l’employé que vous croisez dans un couloir et qui a deux mots à vous dire, à vous arrêter deux minutes au bureau d’un autre, ou encore à prendre un lunch avec chacun des membres de votre équipe, à tour de rôle. À chaque fois, mettez-vous alors en mode écoute. Une astuce, à ce sujet, revient à vous forcer à parler au maximum la moitié du temps; ce qui correspond, en fait, à vous contraindre à vous taire le plus souvent possible.
- Donnez la parole. Certains membres de votre équipe peuvent juste avoir besoin d’un coup de pouce pour prendre la parole plus souvent. D’où l’intérêt de leur donner la parole autant que possible, en particulier lors de réunions. Par exemple, demandez-leur comment ils envisagent les choses, leur opinion sur telle ou telle idée, la manière dont ils s’y prendraient s’ils devaient faire telle ou telle chose. Cela va leur donner confiance en eux-mêmes, les aider à s’ouvrir davantage aux autres.
- Donnez du feedback constructif. Afin de rassurer chacun sur le fait qu’il travaille bien, il est important de le lui signifier de manière claire et concise. Cela peut se faire en donnant régulièrement du feedback constructif. Ce dernier doit s’appuyer non pas sur un jugement de votre part, mais sur des éléments précis, factuels et observables. L’idée n’est pas de critiquer, mais de souligner les points forts et d’ouvrir le dialogue sur les points améliorables. Votre interlocuteur verra ainsi ses compétences reconnues et saluées; mieux, il sera encouragé à progresser, et aura sûrement à cœur de donner son 110%.
Voilà, Étienne. Il est bel et bien possible d’améliorer la fluidité de la communication au sein de votre équipe. Pour ce faire, il convient de vous montrer davantage convivial, de ne plus vous contenter de marteler «Ma porte est toujours ouverte». Cela pourrait même suffire à changer la donne.
En passant, l’écrivain français Bernard Werber a dit dans son «Encyclopédie du savoir relatif et absolu»: «Les bébés ont besoin de communication pour survivre. Le lait et le sommeil ne suffisent pas. La communication est aussi un élément indispensable à la vie.»