La clé, c'est l'humilité... (Photo: Aatik Tasneem/Unsplash)
BLOGUE. Nous ne sommes plus au XXe siècle, mais bel et bien au XXIe siècle. La différence, en matière de leadership? C’est fort simple : un leader ne peut plus se contenter de Commander & Contrôler, car de nos jours plus personne n’aime se faire dire quoi faire (et comment le faire); à présent, un leader se doit de Comprendre, Conseiller & Soutenir, et donc de se comporter comme un coach.
En effet, chacun entend maintenant s’épanouir dans son quotidien au travail, c’est-à-dire se montrer aussi efficace qu’heureux dans ce qu’il fait. Et cela n’est possible qu’à partir du moment où le leader arrête de considérer que «son» équipe est à son service pour (enfin) estimer que c’est lui qui doit se mettre au service de «son» équipe, de chacun des membres de celle-ci, afin que les uns et les autres puissent atteindre leurs buts individuels et collectifs dans le cadre de la mission commune.
Bien. Fort bien. J’imagine que je ne vous apprends pas grand-chose. Mais attendez une minute… Il se trouve que j’ai eu le privilège d’assister cette semaine à une conférence de la coach Annie Boilard lors de l’événement montréalais EE20, et j’ai ainsi découvert son interprétation des quatre étapes du développement d’une équipe mises au jour par le psychosociologue français Roger Mucchielli. Une interprétation lumineuse, qui va vous permettre de passer du XXe siècle au XXIe siècle! Regardons ça ensemble…
Selon M. Mucchielli, les quatre étapes du développement d’une équipe sont:
1. Protection
2. Adhésion
3. Affirmation
4. Cohésion
Ces étapes, Mme Boilard les interprète ainsi:
1. Enfance
2. Adolescence
3. Âge adulte
4. Maturité
Plus en détail, ça donne ceci :
1. Enfance
Au début, une équipe est au stade de l’enfance. Elle est en mode apprentissage. Les relations sont a priori bonnes.
Le rôle du leader? «Il doit occuper une grande place. Il lui faut s’impliquer, être particulièrement disponible. Son feedback, constant, doit viser à instaurer les bonnes pratiques», dit en substance Mme Boilard.
La performance de l’équipe? Elle est tâtonnante. Nécessairement.
2. Adolescence
Petit à petit, l’équipe grandit : chacun de ses membres cherche sa zone de pouvoir, teste les limites de son champ d’intervention au sein du groupe. Ce qui est inévitablement source de tensions, voire de conflits.
«Le leader doit toujours s’impliquer, mais cette fois-ci surtout pour rétablir de saines relations entre les uns et les autres, indique la coach. Pour ce faire, il doit communiquer et outiller, fournir les ressources nécessaires pour que chacun livre la marchandise.»
Et d’ajouter : «Son feedback ne doit plus porter sur le travail lui-même – ça, c’est faire du micromanagement à ce stade-là d’évolution, d’autant plus que les membres de l’équipe sont alors tous capables de mener à bien leurs tâches par eux-mêmes –, mais sur le relationnel. Son objectif : diffuser auprès de chacun la confiance en soi et en tous.»
La performance? Elle est instable. Car beaucoup d’énergie est gaspillée à se batailler avec les autres.
3. Âge adulte
À ce degré d’évolution, chacun est autonome dans son travail, l’équipe est quasiment à même de s’autogérer pour tout ce qui est opérationnel (ex. : prendre les décisions qui la concernent, accomplir une tâche dans les délais impartis, etc.).
«Le leader se doit dès lors… d’arrêter de gérer, dit Mme Boilard. Il doit se contenter de régler les pépins, les imprévus face auxquels son équipe fige. Bref, il lui faut se comporter comme un facilitateur.»
Le hic? C’est qu’une telle attitude est particulièrement dure à adopter pour quelqu’un qui a toujours été habitué à être le sauveur, celui qui sait tout mieux que tout le monde, celui qui règle les problèmes en claquant des doigts, avec une facilité déconcertante pour qui assiste à chacun de ses bons coups. «Il faut se faire à l’idée d’arrêter de sauter dans l’arène pour en ressortir toujours victorieux, sous les acclamations générales, dit-elle. Il faut avoir le cran de laisser les autres faire, à leur façon, en résistant à la tentation de mettre son grain de sel.»
Autrement dit, il s’agit de faire preuve d’humilité. De s’effacer pour laisser les autres grandir, déployer tous leurs talents. «Le leader ne doit plus donner le moindre conseil, tout au plus peut-il poser des questions permettant à son ou ses interlocuteurs de trouver une bonne solution au problème rencontré, indique-t-elle. Des questions puissantes, qui aiguillent sur la bonne voie lorsqu’on est vraiment désemparé.»
La performance de l’équipe? Elle est en forte progression, mais pas encore optimale.
4. Maturité
La maturité, c’est le moment où l’élève dépasse le maître. Les membres de l’équipe travaillent mieux que ne le ferait le leader, leurs idées sont plus fortes, leurs réalisations plus impressionnantes. Ils parviennent même à anticiper des choses que le leader n’avait pas vu venir.
«Là, le leader doit effectuer une profonde remise en question, estime Mme Boilard. Et finir par réaliser que son rôle ne consiste plus à agir envers l’équipe – qui n’a plus vraiment besoin de lui –, mais envers l’extérieur (ex. : décrocher des subventions, dénicher de nouveaux marchés à l’étranger…).»
Quant à la performance de l’équipe, elle est tout simplement optimale.
Voilà. Tels sont les quatre âges de l’évolution d’une équipe, et les défis spécifiques qui viennent avec. À bien y regarder, on note que cette évolution se fait grâce à l’évolution du leader lui-même, plus précisément de son leadership. Une progression qui va, étape par étape, du XXe siècle (Commander & Contrôler) au XXIe siècle (Comprendre, Conseiller & Soutenir).
Alors? Et vous? À quel stade se trouve votre propre équipe? Et vous-même, cher leader, votre leadership est-il en phase avec le stade de votre équipe? Pensez-y bien, et vous verrez peut-être d’où viennent ces fameux problèmes sur lesquels vous butez à répétition… Et trouverez par vous-même les changements qui s’imposent…
Un point important : l’étape la plus difficile à franchir, c’est celle entre l’adolescence et l’âge adulte. Car le leader doit alors agir contre sa nature pour permettre à son équipe d’évoluer.
Fort heureusement, la coach a un conseil judicieux à cet égard : «Le truc, c’est d’arrêter de se soucier du COMMENT pour ne plus se soucier que du QUOI, dit-elle. Le leader doit laisser complètement le COMMENT aux membres de son équipe, leur faire assez confiance pour prendre en mains les tâches qui leur reviennent, y compris les tâches qui le font, lui, triper. C’est dur, certes, mais nécessaire. Sans quoi, l’équipe restera figée dans son adolescence, et ça, ce n’est vraiment pas idéal pour la performance…»
Bref, c’est là qu’il convient de se dire qu’on est devenu un coach. Rien qu’un coach. Plus du tout un «leader». C’est-à-dire quelqu’un qui occupe son temps suivant la règle du 10-20-70:
– 10 % du temps à expliquer la tâche;
– 20 % du temps à expliciter la tâche;
– 70 % du temps à donner du feedback.
Vous rêviez de devenir un bon leader? Parfait, devenez un bon coach, et le tour sera joué!
En passant, l’homme d’État français Alain Peyrefitte aimait à dire : «Toute figure exemplaire est nourricière de confiance».
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