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Comment diable donner un feedback négatif?

Olivier Schmouker|Publié le 24 janvier 2020

Comment diable donner un feedback négatif?

D'abord, respirer par le nez... (Photo: Alex Mihai C/Unsplash)

BLOGUE. Vous dirigez une équipe et l’un des membres de celle-ci vient de déraper : une erreur lourde de conséquences; des retards à répétition; une soudaine engueulade avec un collègue; etc. Et vous vous devez d’intervenir, d’indiquer à la personne concernée qu’il convient de corriger le tir au plus vite.

La question saute aux yeux : «OK, je dois donner un feedback négatif, mais comment je fais ça, au juste?» Faut-il jouer d’autorité? Faut-il faire preuve d’empathie? Bref, quelle est la bonne attitude?

La bonne nouvelle du jour, c’est que j’ai eu le privilège d’assister cette semaine à une conférence sur ce sujet donnée par deux professeurs de l’ESG-UQÀM, Joëlle Carpentier et Jacques Forest, dans le cadre de l’événement «Santé psychologique» du groupe Les Affaires. Et les deux ont divulgué des astuces basées sur la science, aussi simples qu’efficaces. Regardons ensemble de quoi il retourne…

«Comme les arbres et n’importe quelle autre plante, les êtres humains ont une tendance et un désir innés à croître, a dit M. Forest. Nous voulons nous développer, nous épanouir et fonctionner à notre capacité maximale.»

Voilà pourquoi la théorie de l’autodétermination est judicieuse à cet égard, d’après lui. C’est que celle-ci repose sur trois piliers, les trois besoins fondamentaux de l’être humain au travail :

– Connexité. «Nous avons besoin de relations interpersonnelles qui sont mutuellement satisfaisantes, d’être un membre estimé et apprécié d’un groupe», a dit M. Forest.

– Autonomie. «Nous avons également besoin d’être l’instigateur de nos propres actions, de décider ainsi que d’agir en conformité avec nos valeurs.»

– Compétence. «Nous avons enfin besoin d’avoir du succès dans des tâches représentant un défi optimal pour nous, et d’atteindre les résultats souhaités.»

En conséquence, un manager qui doit donner un feedback négatif, c’est-à-dire qui doit amener un employé à effectuer un changement qui n’est pas spontanément désiré par celui-ci, peut recourir à six leviers distincts. Ces derniers ont été identifiés à la suite de nombreuses recherches scientifiques, en particulier celles de Mme Carpentier, et sont, donc, éprouvés. Les voici:

– Empathie. Le manager doit faire preuve d’empathie, et donc faire l’effort de se mettre à la place de son interlocuteur, de voir la situation avec ses yeux et son cœur à lui. Et non pas ne voir les choses qu’à travers le prisme de sa propre vision du problème à régler.

– Trucs. Le manager doit fournir un ou plusieurs trucs pratiques pouvant permettre à l’autre de corriger le tir avec efficacité.

– Choix de solutions. Le manager doit être à l’écoute des solutions suggérées par son interlocuteur, et être ouvert à ce qu’elles soient appliquées par celui-ci, si elles lui paraissent pertinentes.

– Objectifs clairs. Le manager doit convenir avec son interlocuteur d’objectifs clairs et réalistes. Au besoin, il peut être bon de fixer des étapes et un échéancier.

– Impersonnel. Le manager ne doit pas lier le problème à son interlocuteur, mais plutôt indiquer que l’équipe est confrontée à une difficulté et que son interlocuteur est la bonne personne pour la surmonter.

– Respect. Le ton et les mots utilisés pour parler du problème rencontré doivent en tout temps être respectueux.

«Lorsque le manager s’adresse à l’employé dans un tel cas de figure, il n’est pas nécessaire de recourir à tous les leviers en même temps. Il suffit de choisir les plus judicieux, et le tour sera joué», a souligné Mme Carpentier, en fournissant quelques cas concrets:

– Au lieu de dire :

«Si tu ne rencontres pas tes objectifs, nous devrons confier certaines de tes tâches à d’autres membres de l’équipe»

– Essayez plutôt :

– Empathie : «Tu sembles avoir dû surmonter plusieurs obstacles au cours des dernières semaines…»

– Truc : «As-tu pensé à demander de l’aide pour ce dossier à…?», ou encore «Si tu essayais…, peut-être que cette tâche te prendrait moins de temps chaque semaine.»

– Choix : «Est-ce que ça t’aiderait si on revoyait la répartition des tâches? As-tu pensé à certaines façons de rendre le processus plus efficace?»

– Objectifs clairs : «C’est très important que ce projet soit terminé ce mois-ci, car le mois prochain nous devrons tous nous concentrer sur le contrat de…»

Autre exemple fourni par Mme Carpentier…

– Au lieu de dire :

«Tu as encore fait cette erreur! Nous en avions parlé la semaine dernière!»

– Essayez plutôt :

– Empathie : «C’est vraiment difficile de se défaire de ses vieilles habitudes, n’est-ce pas?»

– Truc : «Même si ce n’est pas instinctif, il ne faut pas oublier de…». Ou encore «OK, un petit rappel, tu sais que ça aide de faire les choses de telle façon…»

– Objectifs clairs : «J’insiste, il est vraiment important de faire les choses de telle façon. Car ça nous permet de…»

Voilà. C’est aussi simple que ça. Il suffit d’avoir en tête ces six leviers, et à force de s’en servir, ils finissent par entrer en jeu tout seuls, comme par magie. «Moi-même, j’ai du mal avec le feedback négatif, a confié M. Forest. J’ai noté les six leviers sur mon babillard et je jette un coup d’œil dessus dès lors qu’il me faut dire quelque chose de «négatif» à quelqu’un (ex. : un étudiant en retard dans ses travaux…). Ça me permet de checker que j’en utilise bien deux ou trois, et donc d’être sûr que le message passe de manière parfaite.»

À noter que, d’un point de vue de santé psychologique au travail, les avantages sont nombreux de recourir à ces six leviers lors d’un feedback négatif. Comme l’a indiqué M. Forest: «Lorsqu’on fait vibrer la corde de l’autonomie, ça favorise l’émergence de comportements alternatifs, inusités, et donc la créativité. Même chose, quand on amène quelqu’un à cheminer d’objectif atteignable en objectif atteignable, on fait jouer la corde de la compétence. Et c’est tout bénéfice pour tout le monde!»

Vous savez donc maintenant quoi faire pour favoriser l’épanouissement de votre équipe à travers du feedback négatif. À vous de jouer!

En passant, le politicien britannique Benjamin Disraeli a dit dans un discours prononcé le mardi 24 janvier 1860 : «Combien il est plus aisé de critiquer que d’avoir raison!»

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