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Comment donner du courage aux autres?

Olivier Schmouker|Publié le 28 octobre 2019

Comment donner du courage aux autres?

Votre équipe pourra alors gravir des montagnes... (Photo: Maja KochanowskaUnsplash)

BLOGUE. Au travail, il vous faut faire preuve de leadership : relever ensemble un nouveau défi, négocier à plusieurs un contrat avec un tout nouveau partenaire d’affaires, mener à bien une transformation organisationnelle… Mais voilà, tout cela demande du courage. Beaucoup de courage. De votre part comme de la part des autres.

La question saute aux yeux : comment faut-il s’y prendre pour que tout le monde ait le courage de se lancer dans l’inconnu? Plus précisément, pour que chacun ose avancer en terra incognita sans perdre ses moyens, mieux, en parvenant à donner alors son 110%?

La bonne nouvelle du jour, c’est que je crois bien avoir mis la main sur une piste fascinante à explorer en ce sens. J’ai déniché celle-ci dans une étude intitulée Exploration in teams and the encouragement effect : Theory and experimental evidence. Cette dernière est signée par : Emma von Essen, professeure d’économie à l’Université d’Aarhus (Danemark); Marieke Huysentruyt, professeure de stratégie et de politique d’entreprise à HEC Paris (France); et Topi Miettinen, professeur d’économie à l’École d’économie Hanken, à Helsinki (Finlande). Regardons un peu ça…

Les trois chercheurs européens se sont demandé ce qui faisait que certaines personnes se portaient volontaires pour œuvrer pour le bien commun, sans en tirer nécessairement de bénéfice personnel. Par exemple, comment il se faisait que des gens s’impliquaient dans une cause environnementale dont les bienfaits éventuels ne verraient pas le jour avant des décennies, ou encore que des collègues se mettaient à travailler ensemble plus pour le bien-être général que pour le leur (ex.: former un petit groupe chargé d’identifier les meilleures façons (prix, durée des travaux…) de changer la moquette grise du bureau pour en installer une au goût de tout le monde).

Oui, qu’est-ce qui leur donnait le courage de se lancer dans ce type de projets? Et surtout, de mener ceux-ci à terme, avec succès?

Pour s’en faire une idée, les trois chercheurs européens ont concocté un modèle de calcul permettant d’identifier la meilleure stratégie à adopter lorsque deux individus – disons, pour simplifier, deux collègues – se trouvent contraints d’unir leurs talents dans le but de mener à bien un projet d’intérêt collectif. Puis, ils ont vérifié les résultats ainsi obtenus en demandant à 13.760 volontaires d’interagir ensemble, en binômes, dans l’optique d’atteindre un objectif à dimension collective.

Résultats? Tenez-vous bien, car ils sont carrément renversants:

– La clé du succès est – sans surprise – la motivation. Si l’un des deux souffre d’une faible motivation à atteindre le but commun, l’échec est garanti. D’où la nécessité de veiller à ce que la motivation soit là dès le départ; et mieux, qu’elle aille croissante au fur et à mesure que les deux cheminent vers la ligne d’arrivée.

– Comment, donc, booster la motivation tout au long du chemin parcouru? En misant à fond sur l’«effet d’encouragement». C’est-à-dire en jouant deux atouts:

1. Une véritable contribution à une cause importante. Plus le but visé est important, plus l’individu est motivé à l’atteindre. Et plus la contribution personnelle est importante, plus l’individu est motivé à l’atteindre.

2. Un effort reconnu, dont le succès est incertain. Plus l’autre reconnaît la contribution de l’individu, plus celui-ci est motivé à atteindre le but visé. Et plus l’atteinte du but visé est incertaine, plus l’individu est motivé à l’atteindre. Ce dernier point – crucial – mérite d’être souligné : lorsque le binôme trouve «relativement facile» d’atteindre le but visé, il se démotive assez vite, chemin faisant; en revanche, s’il trouve le but visé «relativement ardu» à atteindre, alors là, il n’y a rien de mieux pour le voir donner son 110% jusqu’à la ligne d’arrivée.

Ces deux atouts ont pour effet d’encourager chaque individu à collaborer avec l’autre, en donnant le meilleur de lui-même; et mieux, à avoir le courage de sortir de sa zone de confort pour obtenir un résultat exceptionnel. Il s’agit, donc, de les jouer de manière avisée.

Comment ça, au juste? L’étude indique qu’il convient, pour un dirigeant d’équipe, d’agir en quatre temps:

1. Favorisez le partage d’informations. Un employé, c’est un émetteur et un récepteur d’informations au sein du réseau de connexions que représente son équipe, et même toute l’entreprise. Plus l’information circule aisément au sein de ce réseau de connexions, plus l’organisation sera intelligente. D’où l’intérêt de favoriser le partage d’informations, et donc, les occasions pour les uns et les autres de jaser librement ensemble, que ce soit au détour d’un couloir, ou encore, par exemple, autour d’une table à pique-nique en bois installée au milieu d’une salle commune accessible à tout le monde, en tout temps.

2. Favorisez l’épanouissement personnel. Un employé, c’est une mine de talents qui ne demandent qu’à être mis au jour, histoire de briller de tous leurs feux aux yeux de tous. D’où l’intérêt de favoriser l’épanouissement de chaque employé dans le cadre de son quotidien au travail. Par exemple, en veillant à ce que ses tâches soient à son goût, à ce que ses missions soient une occasion d’apprentissage, ou encore à ce que ses relations avec les autres soient fructueuses. Et par conséquent, de faire bien attention à ce que l’écosystème dans lequel évolue l’individu, et même toute l’équipe, grandisse de manière harmonieuse – chacun se développe en harmonie avec les autres, et non au détriment des autres.

3. Invitez à la collaboration désintéressée. Une fois ces deux étapes franchies, il est possible – et même souhaitable – d’inviter l’individu à contribuer à l’atteinte d’un objectif collectif, c’est-à-dire à se lancer dans un projet novateur dont le bénéfice personnel sera minime, voire inexistant. L’idée, c’est de souligner l’importance de sa contribution personnelle à une mission importante pour le collectif; et au besoin, d’indiquer combien tout cela lui permettra d’exprimer les talents qui lui sont propres.

4. Épicez d’un peu d’incertitude. Point important : si vous voulez que l’individu en question donne bel et bien son 110% à cette occasion-là, il est impératif de souligner que l’atteinte du but visé n’est pas garantie, qu’il faudra vraiment fournir de gros efforts pour y parvenir. (Attention, toutefois, à ne pas non plus fixer un objectif démesuré, de surcroît en fournissant des ressources insuffisantes, car ce sera le fiasco à coup sûr!) Autrement dit, une juste dose d’incertitude est nécessaire pour booster la motivation; c’est que chacun de nous préférera toujours explorer le champ des possibles plutôt que de devoir se contenter d’aller au bout d’un couloir interminable…

Voilà. Vous disposez à présent d’une méthode originale pour inciter vos collègues à viser un but à nul autre pareil, pour leur donner le courage de gravir une montagne, pour les faire arrêter de se contenter des collines habituelles. À vous d’en user à bon escient sans tarder!

En passant, le moraliste français Vauvenargues a dit dans ses Réflexions et maximes : «Le courage est la lumière de l’adversité».

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