Travailler demain, ce ne sera plus comme travailler aujourd'hui... (Photo: David Yanutama/Unsplash)
Samedi, nous étions le 20 juillet 2019. Oui, je sais, c’était le 50e anniversaire du premier pas de l’être humain sur la Lune. Mais c’était surtout une autre date anniversaire, tout aussi fascinante à mes yeux : celle de l’avènement d’un livre prophétique intitulé July 20, 2019 – Life in the 21st Century et signé par le polymathe américain Arthur C. Clarke. Celui-là même qui a signé le chef-d’oeuvre 2001: L’Odyssée de l’espace, qui a inventé le concept de satellite géostationnaire et qui a été nommé pour le Prix Nobel de la Paix en 1994. Excusez du peu…
Que trouve-t-on dans July 20, 2019? Les prédictions de Clarke quant à ce que sera la vie des Terriens cinquante années après avoir foulé la poussière lunaire, rédigées en 1986. C’est-à-dire tout ce qu’il anticipait comme avancées technologiques et socio-économiques, il y a de cela un tiers de siècle.
J’ai dévoré ce livre. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ce qu’il décrit est criant de vérité. À tel point qu’on a vraiment l’impression que Clarke avait le don de prescience.
En vérité, il savait extrapoler à partir des signaux faibles qu’il avait identifiés au milieu des années 1980. Il a relevé les données scientifiques et socio-économiques promises à un bel avenir, et a imaginé leur évolution au cours de trois décennies. Et ce, avec une troublante justesse.
C’est ainsi qu’il raconte qu’Internet sera partout sur la planète – même s’il n’appelle pas ça «Internet» -, qu’il sera banal de faire du télétravail, que l’intelligence artificielle (IA) aidera les docteurs dans leurs diagnostics, ou encore que les travailleurs – à l’usine comme dans les bureaux – se serviront sans cesse d’ordinateurs et que nombre d’entre eux auront même pour collègues des robots intelligents.
Ce n’est pas tout. J’aimerais à présent partager avec vous un passage on ne peut plus renversant, car ce qu’il y décrit ne s’est pas encore tout à fait concrétisé en 2019, mais pourrait bien l’être d’ici peu de temps. Un passage qui devrait vous amener à voir votre futur proche sous un tout nouvel angle…
«Vers l’an 2019, la plupart des gens iront à l’école toute leur vie, note-t-il. L’éducation récréative se popularisera : en effet, l’efficacité technologique toujours accrue créera des loisirs plus nombreux et la rapide évolution des technologies exigera des travailleurs une formation permanente.
«Par exemple, le métier de programmeur sera alors assez enviable, mais ça ne durera guère. Car les ingénieurs planchant sur les ordinateurs auront mis au point des ordinateurs capables de programmer d’autres ordinateurs; et quand ces machines arriveront sur le marché, les programmeurs devront se recycler.
«En 2019, les techniciens en robotique seront de plus en plus demandés. C’est que les robots seront en perpétuelle évolution, si bien que ces techniciens devront se remettre à niveau à chaque nouvelle génération de machines. (…) Ils devront impérativement suivre de tout nouveaux cours s’ils veulent continuer d’exercer leur métier.
«Des domaines entièrement nouveaux s’ouvriront à l’être humain, tels que l’exploitation minière des fonds marins ou l’aquaculture intensive. Les personnes oeuvrant dans tous ces nouveaux secteurs d’activités – issues souvent de secteurs disparus, en ce sens qu’occupés par des robots intelligents – seront souvent des travailleurs recyclés, qui auront acquis à l’école les compétences nécessaires pour être efficaces dans ces nouveaux secteurs.
«Les écoles traditionnelles, du CPE au cégep, seront également modifiées par les nouvelles technologies. En fait, le principe même d’éducation changera. Notre système éducatif s’est développé pour fabriquer des travailleurs qui puissent s’inscrire dans l’économie née de la révolution industrielle – des hommes et des femmes dociles, patients, capables d’effectuer des tâches ennuyeuses. Les étudiants apprenaient à rester bien assis en rang, à ingurgiter des faits et à constituer un groupe uni sans que l’on tienne compte des différences de vitesse d’apprentissage. Or, il n’y aura quasiment plus d’emplois «industriels» en 2019. À l’exception de quelques techniciens qui surveilleront les tableaux de bord, les usines de demain étant automatisées, et les robots étant pilotés par des IA.
«Dans le cadre de cette économie nouvelle, fondée sur l’informatique, on trouvera de plus en plus d’emplois reposant sur la créativité, la connexité ainsi que le traitement de données et d’idées. Les emplois recourant à la force musculaire et à la bête répétition disparaîtront, et les entreprises auront un besoin accru d’employés capables de comprendre ce qu’ils font.
«Suivant des cours tout au long de leur existence, la plupart des gens auront besoin d’apprendre à apprendre – l’éducation elle-même sera une technique dont pratiquement tout le monde aura besoin. De sorte que l’optique de l’école élémentaire et du cégep sera tout autre : l’école de l’avenir servira surtout à enseigner à réfléchir et à apprendre. (…)
«Les réseaux informatiques décentraliseront la société, et les gens seront de plus en plus nombreux à pouvoir travailler à domicile lorsqu’ils le désirent. Les citoyens vaqueront de plus en plus à leurs propres occupations, au nombre desquelles il faudra inscrire l’éducation. (…) D’ailleurs, une grande partie de cette éducation sera prodiguée par les employeurs eux-mêmes, si bien que naîtront des chaînes d’éducation à but lucratif – les «McSchools» -, offrant des cours ultra spécialisés à des étudiants triés sur le volet.»
Voilà. Arthur C. Clarke avait vu venir l’avènement des robots intelligents et de l’IA, et avait anticipé nombre des impacts que ceux-ci commencent à avoir sur notre quotidien au travail. Plus fort encore, il avait deviné que pour perdurer dans ce monde-là l’être humain ne pourrait plus vraiment compter sur son savoir-faire et devrait davantage s’appuyer sur son savoir-être. Oui, sur ce «petit supplément d’âme» que procure l’intelligence humaine, riche en créativité et en vitalité.
C’est clair, demain matin, il faudra nous résoudre à suivre programme de formation après programme de formation, sans discontinuer. Il nous faudra faire preuve d’agilité intellectuelle pour aller de mission en mission, et non plus de tâche en tâche, en recourant dès lors aux compétences fraîchement acquises. Il nous faudra oublier le concept de carrière, et accepter l’idée de voler d’un métier à l’autre, au gré des besoins de nos différents employeurs. Comme l’annonce le prophétique Clarke dans son visionnaire July 20, 2019.
Que retenir de tout cela? Ceci, à mon avis:
> Qui entend triper demain au travail se doit de changer sa vision du travail lui-même. Il lui faut saisir que le monde du travail est en pleine mutation rapide, et réaliser qu’il doit, en conséquence, se transformer au diapason. Car, demain matin, le savoir-être primera sur le savoir-faire, la mission primera sur les tâches et les nouvelles compétences primeront sur l’expérience. Bref, la priorité de chacun consistera alors à s’épanouir en harmonie avec les autres, et non plus à surclasser les concurrents, voire les partenaires, ou pis, les collègues. Ce qui est là, mine de rien, une véritable révolution managériale.
En passant, le philosophe français Gaston Berger a dit dans Phénoménologie du temps et prospective: «Demain est moins à découvrir qu’à inventer».
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