Comment être vraiment heureux dans votre quotidien au travail?
Olivier Schmouker|Mis à jour le 31 octobre 2024La bonne nouvelle, c'est qu'il y a bel et bien moyen d'être heureux au travail. (Photo:123RF)
Q. — «Comme tout le monde, ou presque, je passe l’essentiel de mes journées au travail. Comme tout le monde, ou presque, je fais de mon mieux pour atteindre mes objectifs. Et comme tout le monde, ou presque, je ne me ressens vivre qu’après la job. Franchement, peut-on être heureux au travail?» – Chloé
R. — Chère Chloé, le travail vous paraît, me semble-t-il, une nécessaire souffrance imposée par la société. Et cela n’a, au fond, rien de surprenant. Selon la linguiste Marie-France Delport, l’étymologie du mot français «travail» serait dérivée des mots hispaniques médiévaux «trabajo» (travail) et «trabajar» (travailler), lesquels expriment «un effort dans l’optique d’atteindre un but, en dépit du fait qu’il rencontre une résistance». Autrement dit, qui dit travail dit effort contrarié.
Maintenant, y a-t-il malgré tout moyen de ressentir un certain plaisir à fournir cet effort contrarié? Et ce, sans être masochiste?
La bonne nouvelle, c’est que la réponse est «oui», Chloé. J’en veux pour preuve une étude en lien avec ce sujet, signée par Min-Ah Lee, professeure de sociologie à l’Université Chung-Ang, à Séoul (Corée du Sud), et Ichiro Kawachi, professeur d’épidémiologie sociale à la Harvard School of Public Health, à Boston (États-Unis).
Les deux chercheurs se sont posé une question à laquelle il semble a priori impossible de répondre avec certitude: y a-t-il des gens vraiment plus heureux que les autres? Et leur intuition leur disait que, si la réponse était positive, c’était sûrement des gens qui attachaient une grande importance à certaines valeurs que d’autres négligeaient, voire ignoraient.
Pour s’en faire une idée, ils se sont plongés dans une gigantesque base de données, soit l’Enquête sociale générale coréenne. Cette dernière compile tous les ans les résultats d’un sondage mené auprès d’un large échantillon représentatif de la population sud-coréenne concernant, entre autres, de nombreux indicateurs liés à la satisfaction ressentie dans la vie quotidienne. Les deux chercheurs ont considéré les données des années 2007, 2008 et 2009.
Résultat de ce travail de moine? Non seulement il y a bel et bien des gens plus heureux que les autres mais aussi ces gens-là chérissent davantage certaines valeurs que les autres.
– Spiritualité. Les personnes qui accordent une grande importance à la spiritualité sont, en général, les plus susceptibles d’être heureuses dans la vie quotidienne. Autrement dit, dès lors qu’on est attentif à notre vie spirituelle, à la magie de l’existence, à la beauté des fruits de notre esprit, à la concordance de notre vie avec celle des autres et de notre environnement, eh bien, on fait un grand pas vers le bonheur au quotidien.
– Relations sociales. Dans une mesure un peu moindre que la spiritualité, ceux qui accordent une grande importance à leurs relations sociales sont susceptibles de connaître le bonheur dans leur vie. Cela revient, entre autres, à passer du temps avec les membres de sa famille, ses amis et ses proches.
Ce n’est pas tout. Min-Ah Lee et Ichiro Kawachi ont également mis au jour le fait que certaines valeurs, que l’on pourrait a priori croire positives, pouvaient en réalité nuire au bonheur.
– Santé physique. Les personnes qui attachent une grande importance à leur santé physique, au point d’en faire presque une obsession, sont, en général, peu susceptibles d’être heureuses dans la vie. Bien entendu, il est correct de veiller à se soigner lorsqu’on est malade, ou encore de pratiquer un sport pour se maintenir en forme ou pour son plaisir; cela ne va pas nuire au bonheur. Le point important, c’est lorsque cela devient une obsession, car on tombe dès lors dans une forme d’excès qui est néfaste à l’équilibre de vie sur lequel repose le bonheur.
– Réalisations extrinsèques. Les personnes qui ne jurent que par, disons, l’argent, le pouvoir, le niveau d’éducation, les loisirs, ou encore le travail sont celles qui, en général, sont les moins susceptibles d’être heureuses dans la vie. Oui, les moins susceptibles, je me permets de le souligner. Car l’insatisfaction sera toujours de mise pour ces personnes-là: par exemple, qui gagne 1 000 dollars voudra en gagner plus tard 5 000, puis 10 000, puis 50 000, et ce, sans jamais finir, sans jamais être rassasié.
«En conclusion, la poursuite d’objectifs individuels axés sur l’amélioration de soi ou sur des valeurs égocentriques est moins susceptible d’entraîner le bonheur que la poursuite d’objectifs collectifs axés sur la transcendance et l’altruisme», résument les deux chercheurs dans leur étude.
Vous savez quoi, Chloé? Cette conclusion est parfaitement applicable au quotidien au travail. Si vous voulez vraiment être plus heureuse de 9@5, arrêtez de ne considérer que votre petit nombril, de considérer que vous travaillez pour de l’argent, ou bien de compter les heures jusqu’à la «libération de 5h». Mieux vaut, par exemple, vous impliquer dans un projet collectif permettant de faire briller vos compétences propres, rendre service à vos collègues sans attendre le moindre retour en échange, ou bien prendre le temps de combler les attentes d’un client. Car cela, oui cela seulement, vous permettra d’accomplir de grandes et belles choses durant vos journées de travail, pour ne pas dire de vous donner le sourire en fin de journée.
En passant, l’écrivaine française Virginie Despentes a lancé dans «Les jolies choses»: «Pourquoi avoir peur du bonheur?»