Comment les employés québécois imaginent-ils l’après COVID-19?
L'économie en version corsée|Publié le 25 novembre 2020Vers un tout nouveau quotidien au travail? (Photo: Avi Richards pour Unsplash)
CHRONIQUE. Des vaccins d’une incroyable efficacité sont annoncés, les gouvernements se préparent à de gigantesques opérations de vaccination et chacun de nous se met à réaliser que tout ça – le confinement, le reconfinement, les malades par milliers, les morts par dizaines -, oui, que tout ça va finir par passer. Vous comme moi, nous nous mettons à rêver, après tous ces mois de cauchemars.
En 2021, comment vivrons-nous? Comme avant la pandémie? Tout autrement? Et au travail? Travaillerons-nous comme avant? Ou tout autrement?
Avez-vous envie d’en avoir une petite idée? Parfait. Il se trouve que Flow, un site québécois d’offres d’emplois flexibles, a eu la gentillesse de me faire part d’une exclusivité : les résultats de son sondage auprès des travailleurs québécois sur les conditions de travail qui leur permettraient d’être à la fois plus heureux et efficaces dans leur quotidien au travail, aujourd’hui et surtout demain matin. Un sondage mené par Léger, avec le soutien de Nexus Innovations.
Voici donc, rien que pour vous, ce qui nous attend probablement demain, une fois la COVID-19 devenue chose du passé…
> Demain matin, le travail sera flexible
Six salariés sur dix (60%) sont d’avis que le monde du travail de demain matin aura surtout besoin de flexibilité. Viennent ensuite le respect (42%) et la reconnaissance (38%). À noter que la flexibilité est particulièrement prisée par les femmes (65%, contre 55% pour les hommes), tout comme la reconnaissance (45%, contre 33% pour les hommes).
Qu’entendent-ils par flexibilité? Des mesures managériales concrètes telles que celles-ci:
– Le télétravail occasionnel (avoir la possibilité de partager son temps de travail entre le bureau et la maison).
– Le 100% télétravail (travailler tout le temps à la maison et n’avoir à se déplacer au bureau que très occasionnellement).
– Un horaire souple (déterminer son heure d’arrivée et son heure de départ en fonction de ses responsabilités familiales, de ses activités et/ou de ses zones de productivité).
– Un horaire variable (avoir la possibilité de combiner ses heures de travail pour créer des semaines compressées, comme par exemple faire sa semaine complète de travail sur quatre jours au lieu de cinq).
– Un horaire agile (disposer d’une à trois heures flexibles par jour, qui peuvent être travaillées à un autre moment que durant les heures de bureau habituelles).
– Des vacances conséquentes (bénéficier d’un minimum de quatre semaines de vacances à l’embauche, voire de vacances illimitées, de même que de la possibilité de prendre un congé sans solde pour un projet personnel).
> Une flexibilité addictive
C’est qu’un grand nombre de Québécois ont goûté à la flexibilité au travail depuis le début de la pandémie, et ont visiblement aimé ça…
> Le top 3 des mesures qui ont gagné en popularité
1. Le 100% télétravail. Avant la pandémie, 5% des travailleurs faisaient du télétravail à 100%. Ils sont aujourd’hui 38%. Ce qui représente un bond de 33 points de pourcentage.
2. Le télétravail occasionnel. Avant la pandémie, 16% des travailleurs faisaient occasionnellement du télétravail. Ils sont maintenant 46% (+30 points de pourcentage).
3. Un horaire variable. Avant la pandémie, 20% des travailleurs bénéficiaient d’horaires de travail variables. Ils sont maintenant 37% (+17 points de pourcentage).
> Les avantages, aux yeux de principaux concernés
– Des mesures satisfaisantes. De manière générale, 64% des employés qui bénéficiaient avant la pandémie d’au moins une mesure de flexibilité s’en disaient «satisfaits». Aujourd’hui, le même pourcentage est de 81%. Soit une progression foudroyante de 17 points de pourcentage.
– Des mesures facilitantes. La flexibilité actuellement offerte permet une meilleure conciliation entre le travail et la vie privée, d’après 68% des travailleurs québécois. Elle permet également une réduction du temps de transport (60%), une plus grande latitude pour gérer les imprévus du quotidien (58%) ainsi qu’une réduction du stress (52%).
– Des mesures bienfaisantes. Tout cela se traduit notamment par une meilleure productivité (47%), une meilleure santé mentale (46%) et une meilleure santé physique (27%). Rien de moins.
Parfait, me direz-vous. La flexibilité présente de tels bénéfices pour les employés qu’il est clair que les employeurs vont l’adopter et la généraliser dès que la pandémie du nouveau coronavirus ne sera plus une épée de Damoclès sur notre travail. Car qui dit bonheur au travail dit efficacité au travail, de nombreuses études en attestant; d’ailleurs, le sondage de Léger indique à ce sujet que «les mesures flexibles semblent avoir un impact positif sur le bonheur au travail des salariés puisqu’on remarque une différence significative entre ceux qui en bénéficient (leur niveau de satisfaction au travail est de 7,6 sur 10) et les autres (6,4 sur 10)», en soulignant au passage le gain en productivité enregistré auprès de ceux qui jouissent de flexibilité dans leur travail (+9 points de pourcentage, à 47%).
Le hic? C’est que tous les employeurs ne sont pas sur la même longueur d’ondes. Un chiffre du sondage en atteste: 51% des travailleurs affirment que leur employeur ne les a pas consultés sur leurs besoins et préférences en matière de flexibilité. D’où une certaine discordance entre les mesures flexibles offertes et celles qui sont réellement souhaitées. Ou encore, certains couacs dans la mise en place des mesures flexibles qui nuisent à la satisfaction que peuvent en retirer les bénéficiaires.
En voici quelques exemples concrets:
– 19% se plaignent que leur employeur leur mette plus de pression qu’avant pour atteindre les objectifs visés.
– 15%, que leur environnement de travail n’est pas adéquat (ex.: les enfants au secondaire qui doivent suivre leurs cours à distance, et qui sont donc sur le dos de leurs parents toute la sainte journée).
– 13%, que le matériel technologique fourni n’est pas adéquat.
– 12%, que la surcharge de travail est devenue insupportable.
– 4%, que leur gestionnaire immédiat est tout le temps sur le dos, à « commander & contrôler » chacun de leurs faits et gestes,
– Etc.
Bref, il y a place à amélioration. Et les employeurs gagneraient, de toute évidence, à avoir une oreille attentive aux suggestions formulées par les employés à cet égard. «Une chose est certaine, c’est que les employeurs ont tout intérêt à adopter dans la durée des mesures de flexibilité, dit Geneviève Provencher, la fondatrice de Flow. Ils doivent toutefois le faire en s’assurant que ces mesures conviennent réellement à leurs équipes, car cela leur permettra d’être entourés d’employés productifs, engagés et surtout heureux.»
Et d’ajouter: «La pandémie nous a permis de faire un bond de 10 ans en matière de flexibilité, dit-elle. Mais ce qu’on vit en ce moment n’est que le début d’une nouvelle façon de travailler. On assiste à une multiplication d’initiatives visant à accroître la flexibilité au travail. Lorsqu’il est trop complexe pour les entreprises de modifier le 9@5, certaines d’entre elles recourent à des mesures émergentes ou alternatives comme la semaine de 30 heures ou le partage d’emploi. Peu importe les mesures flexibles choisies, sonder les employés sur leurs besoins et leur réalité est primordial afin d’offrir une flexibilité utile, bénéfique et durable.»
Voilà. Demain matin ne ressemblera pas à hier, ça paraît clair. Reste à savoir dans quelle mesure chacun de nous fera pression dans un sens ou dans l’autre pour gagner en flexibilité au travail. Oui, reste à voir si vous êtres vraiment prêts à vous impliquer pour que demain matin soit plus souriant qu’aujourd’hui et qu’hier…
En passant, l’écrivain français Daniel Pennac a dit dans La Petite marchande de prose: «Quand on ne peut pas changer le monde, il faut changer le décor».
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Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l’actualité économique à la lumière des grands penseurs d’hier et d’aujourd’hui, quitte à renverser quelques idées reçues.
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