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Comment remuer ses méninges autrement?

Olivier Schmouker|Publié le 29 novembre 2022

Comment remuer ses méninges autrement?

Apprendre à réfléchir ensemble autrement... (Photo: Kumpan Electric pour Unsplash)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «Je n’ai rien contre mes collègues, qui sont compétents et sympathiques, mais je dois dire qu’ils ne font pas d’étincelles lorsqu’on organise des réunions de remue-méninges. Est-ce que ça tient à notre façon de brasser des idées, qui est toujours la même? On forme des binômes, chaque binôme réfléchit à une solution au problème à régler, on discute de toutes les idées trouvées et l’on vote pour la meilleure d’entre elles…» – Ben

R. — Cher Ben, vous me présentez là une méthode classique pour brasser des idées en équipe. Certes, celle-ci peut donner de beaux résultats, mais la véritable créativité ne peut naître qu’à condition de se mettre en situation de passer de l’inattendu à l’inespéré.

D’où l’intérêt, me semble-t-il, de changer d’approche. Ma suggestion: recourir à la méthode «Disruption» inventée dans les années 1990 par le publicitaire français Jean-Marie Dru, aujourd’hui président du conseil de l’agence de communication TBWA.

La Disruption consiste à bousculer les idées reçues pour laisser toute la place aux idées neuves. Selon les termes de son inventeur, elle revient à «remettre en question les conventions pour produire une toute nouvelle vision, laquelle sera source d’innovation». Ce qu’on peut résumer en une ligne simple:

Zéro convention => Nouvelle vision => Innovation

Comment passer d’une étape à l’autre et ainsi finir par trouver une véritable idée neuve? À l’aide d’un truc d’une simplicité confondante: se poser tous ensemble une série de questions «Et si?», un peu à l’image d’un enfant qui se lance dans une série de «Pourquoi?» à propos d’un sujet «sensible» que ses parents n’osent pas aborder de front.

La série de «Et si?» peut se dérouler en trois temps:

1. Innover «contre». Il s’agit de prendre le contrepied des conventions, soit de répertorier les idées reçues qu’on a sur le problème retenu et de s’amuser à les déboulonner, pour ne pas dire les pulvériser.

2. Innover «pour». Il faut ensuite lancer une multitude d’idées neuves pouvant prendre la place des idées qu’on vient de «tuer». L’accumulation de ces idées neuves va procurer une nouvelle vision du problème retenu.

3. Innover «avec». Enfin, LA grande et belle idée neuve va apparaître à tous, à force de «Et si?» orientée de telle sorte que la réponse concerne chaque fois une façon inédite de résoudre le problème retenu. Cela peut se faire, par exemple, à l’aide d’un partenariat avec une autre entreprise, qui aurait, elle, les compétences nécessaires pour concrétiser la solution identifiée.

Une illustration concrète prisée de Jean-Marie Dru concerne le fabricant chinois d’électroménagers et de téléviseurs Haier. Un jour, les vendeurs d’Haier en Chine ont rapporté à la haute direction qu’à la campagne les gens se servaient des lave-linge de la marque pour laver non seulement le linge, mais aussi… les légumes. Autrement dit, les lave-linge pouvaient avoir d’autres usages que celui pour lequel ils avaient été conçus.

Une série de «Et si?» a amené Haier à mettre au point une machine faite pour laver le linge et les légumes (vu qu’il y avait un marché en Chine pour ça) et même une machine à laver sans lessive (une idée neuve née d’une nouvelle vision, née elle-même du bousculement de l’idée reçue selon laquelle un lave-linge n’est fait que pour laver du linge avec de la lessive).

Et l’inventeur de la Disruption de lancer à l’attention des entrepreneurs et autres intrapreneurs, dans son livre «New: 15 approches disruptives de l’innovation»: «Et si un usage détourné de vos produits actuels inspirait la conception de nouveaux produits?»

Si jamais vous en doutiez, sachez qu’un grand nombre d’exemples valident cette démarche. «Et si la Terre n’était pas le centre de l’univers?» [Nicolas Copernic]. «Et si l’on sautait en hauteur sur le dos plutôt que sur le ventre?» [Dick Fosbury]. «Et si on fabriquait un cellulaire sans aucune touche?» [Steve Jobs].

Voilà, Ben. Apportez un peu d’air frais à vos réunions de remue-méninges, par exemple en recourant à la Disruption, et vous verrez sûrement vos collègues faire des étincelles comme jamais. Je serais très surpris du contraire.