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Comment surmonter la peur du changement?

Olivier Schmouker|Publié le 02 novembre 2021

Comment surmonter la peur du changement?

L’idéal est de faire preuve d’empathie envers vos collègues les plus affectés par la nouvelle de l’acquisition de votre concurrent. (Photo: 123RF)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

 

Q. – «Nous venons d’acquérir l’un de nos concurrents. C’est une excellente nouvelle ne serait-ce qu’en raison du fait que leurs clients sont maintenant les nôtres: notre champ d’action s’agrandit d’un seul coup! Pourtant, tous mes collègues ne semblent pas enthousiastes. Certains semblent se replier sur eux-mêmes et d’autres me paraissent carrément angoisser. Je ne comprends vraiment pas d’où vient cette peur. Comment puis-je les rassurer?» – Étienne

R. – Cher Étienne, mener une opération de fusion-acquisition, ça revient à pénétrer dans une zone de fortes turbulences. Il faut notamment s’attendre à un choc de cultures: votre concurrent ne travaille sûrement pas de la même façon que vous et il va falloir que, l’un comme l’autre, vous appreniez à travailler un peu autrement, histoire de faciliter la coordination entre les deux entités appelées à n’en devenir qu’une. Idem, il est à craindre que des employés perdent leur poste, car il est fréquent que des «doublons» soient supprimés dans les mois qui suivent l’union de deux organisations. 

D’où de vives inquiétudes chez certains employés, vu que l’heure est aux changements et que personne ne sait dans quel état il ressortira de l’opération. Une récente étude sur le sujet montre d’ailleurs que les fusions-acquisitions ont, en général, un «impact négatif» sur la santé mentale des employés, qu’ils soient de l’entreprise acquéreuse ou de l’acquise. Signée par l’équipe de chercheurs de Laurent Bach, professeur de finance à l’Essec, une école de commerce établie à Cergy-Pontoise (France), elle révèle en effet que: 

 

  • La probabilité qu’un employé aille à l’urgence augmente de 2% à partir du moment où démarre l’opération de fusion-acquisition.
  • La probabilité qu’il soit hospitalisé croît de 5 %.
  • La probabilité qu’il subisse des troubles mentaux — anxiété, neurasthénie, etc. — augmente de 3%.
  • La probabilité qu’il souffre de dépression s’accroît de 8%.
  • De façon alarmante, la probabilité de décès et même de décès par suicide bondit respectivement de 30% et de 44%.

 

 

À noter que bon nombre de ces effets restent élevés durant les trois années qui suivent la fusion-acquisition. Et qu’ils touchent surtout «ceux dont le poste est a priori mis en péril par l’opération», «ceux dont le poste requiert peu de compétences» et les «cols bleus».

«Le choc psychologique est équivalent — de manière absolue — à celui qu’on connaît lors d’un mariage», indique l’étude, en soulignant qu’il est un poil plus faible qu’un «divorce», ou encore qu’une «perte d’emploi». C’est clair, il s’agit bel et bien d’un choc majeur, digne d’un changement radical de mode de vie…

L’idéal, cher Étienne, est par conséquent que vous fassiez preuve d’empathie envers vos collègues les plus affectés par la nouvelle de l’acquisition de votre concurrent. Montrez-leur que vous comprenez ce qu’ils ressentent et que vous vous sentez proche d’eux. Ce qui peut se faire en deux temps:

Faites-leur savoir que vous comprenez leurs inquiétudes. Partagez avec chacun d’eux les résultats de l’étude, en soulignant combien il est naturel de souffrir de l’épreuve individuelle que peut représenter une opération de fusion-acquisition. Si possible, essayez de les aider à formuler leurs inquiétudes propres. Sans les juger, ni les commenter.

Montrez-leur qu’ils ne sont pas seuls dans la noirceur, que vous êtes là pour les soutenir. Par exemple, proposez-vous pour leur simplifier la vie au travail (donner un coup de main pour boucler un dossier, passer un appel téléphonique à un client embêtant, etc.). Car ces petites attentions auront alors une importance considérable pour eux.

En passant, la romancière française Agnès Ledig a dit dans Juste avant le bonheur: «L’empathie, c’est tendre la main à celui qui est dans le trou».