Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

Comment triper comme jamais au travail?

Olivier Schmouker|Mis à jour le 13 juin 2024

Comment triper comme jamais au travail?

Dès lors qu'on se sent utile dans son quotidien au travail, on se sent beaucoup mieux. (Photo: Daniel Thomas pour Unsplash)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «Au travail, j’ai l’impression que les journées sont de plus en plus longues. Que mes tâches ne sont pas vraiment utiles. Que je ne fais qu’obéir à des exigences, sans pouvoir accomplir quoi que ce soit d’important. Que devrais-je faire pour triper de nouveau à ma job?» – Charlotte

R. – Chère Charlotte, sentir que ce qu’on fait est utile est nécessaire pour bien travailler. Mieux, pour être en mesure de triper dans son quotidien au travail. Maintenant, comment s’y prendre pour retrouver du positif quand tout nous semble négatif autour de nous? Laissez-moi, Charlotte, vous faire quelques suggestions simples et efficaces à ce sujet…

Eric Weiner est un auteur que j’adore. Il a signé d’excellents livres, à l’image de The Geography of Bliss, dans lequel il explore différents pays pour découvrir les différentes façons dont l’être humain s’y prend pour être heureux dans la vie, ainsi que de The Geography of Genius, dans lequel il montre comment et pourquoi des idées géniales sont apparues à Athènes ou dans la Silicon Valley, et donc ce qui fait que les idées sont, en quelque sorte, des entités vivantes que seules certaines conditions permettent de saisir au vol. Et dans une vie antérieure, il a été journaliste spécialisé en économie et en finance pour, entre autres, NPR et le New York Times.

Il se trouve qu’Eric Weiner m’a fait un merveilleux cadeau, il y a de cela quelques mois: il m’a envoyé les épreuves de son tout nouveau livre, intitulé Ben & Me. Cette fois-ci, l’auteur est parti sur les traces de Benjamin Franklin (1706-1790) après avoir réalisé qu’au fond il ne savait pas grand-chose sur ce type qui figure sur les billets américains de 100 dollars. Cela lui a permis de découvrir que Ben a eu mille métiers (imprimeur, écrivain, naturaliste, inventeur, politicien, etc.), et surtout mille succès: il a inventé le paratonnerre et le poêle à combustion contrôlée; il a créé le premier service de sapeurs-pompiers volontaires, à Philadelphie; ou encore, il a participé à la rédaction de la déclaration d’indépendance des États-Unis, puis à l’élaboration de la Constitution américaine. Rien de moins.

Chemin faisant, Eric Weiner a réalisé que la vie ébouriffante de Ben avait un fil conducteur: chacun de ses faits et gestes a été dicté par son obsession d’améliorer la vie de ses concitoyens. Il n’œuvrait jamais pour lui, mais toujours pour autrui. Il cherchait passionnément à se montrer utile.

Grâce à ce fil conducteur, l’auteur de Ben & Me a été en mesure de tirer des leçons de vie de l’existence de Benjamin Franklin. De précieuses leçons, dont les trois suivantes, qui devraient vous permettre de triper de nouveau dans votre quotidien au travail, Charlotte:

1. Encadrez votre journée par deux questions essentielles

Depuis qu’il était un jeune apprenti imprimeur, Ben commençait et terminait chaque journée de travail avec deux questions essentielles. Le matin, il se demandait «Que vais-je faire de bien aujourd’hui?»; et le soir, «Qu’ai-je fait de bien aujourd’hui?»

L’intérêt de ce rituel réside dans le fait qu’on se donne dès lors l’obligation de faire œuvre utile durant la journée. D’accomplir quelque chose de concret qui se révèlera bénéfique pour autrui. Peu importe que ce soit une petite ou une grande chose, qu’il s’agisse, par exemple, de faire la surprise à un collègue de lui apporter un café ou bien de réussir à obtenir la signature d’un nouveau client important.

Ainsi, nous donnons du sens à ce que nous faisons durant notre journée de travail.

2. Redirigez votre colère

Tout le monde éprouve de la colère, et Ben ne faisait pas exception. Mais rarement ses adversaires subissaient ses foudres, car il savait que se montrer colérique n’était jamais utile.

Comment parvenait-il à contenir sa colère? Ben recourait à l’astuce de la lettre placebo. Il rédigeait une lettre incendiaire adressée à l’objet de sa colère, puis attendait vingt-quatre heures. À ce moment-là, il déchirait la lettre la plupart du temps, car sa colère s’était évanouie, ses émotions s’étaient replacées d’elles-mêmes. Sinon, il en rédigeait une version atténuée, pour ne pas dire nuancée et argumentée, et l’envoyait à son destinataire. Autrement dit, «Ben déchargeait sa colère sur le papier, de la même manière que son paratonnerre déchargeait l’électricité, par déviation», illustre Eric Weiner, en soulignant que «la patience est la clé pour voir plus clair dans ce qui nuit à notre quotidien».

Ainsi, nous pouvons aisément atténuer, voire annihiler, les sources de frustration ou de stress au travail.

3. Inversez la dynamique du pouvoir

Jeune homme, Ben a été greffier à l’Assemblée de Pennsylvanie. Un beau jour, un puissant de l’Assemblée a tenté de faire preuve d’autorité sur lui et l’a menacé de lui pourrir la vie si jamais il ne faisait pas ce qu’il exigeait. Nombre d’employés dans cette situation se seraient exécutés sans discuter, mais Ben, lui, a subtilement inversé la dynamique du pouvoir.

Au lieu d’immédiatement obéir, Ben a agréablement surpris son interlocuteur en lui révélant qu’il savait qu’il détenait un livre rare et précieux (à l’époque, les livres étaient une rareté). Il lui a parlé de ce livre dont il avait entendu parler avec une telle passion que son interlocuteur s’est proposé de le lui prêter afin qu’il puisse le lire. Et il est reparti en oubliant l’objet de sa requête.

Ben a dévoré le livre, puis l’a rendu accompagné d’un mot de remerciement spécifiant les précieux enseignements qu’il en avait tirés. Résultat? Le puissant de l’Assemblée qui avait agi comme un petit tyran est dès lors devenu un ami de Ben qui, par la suite, lui a rendu différents services.

«Nous n’aimons pas les gens qui sont gentils avec nous, explique Eric Weiner. Nous aimons les gens avec qui nous sommes gentils.» Pourquoi ça? Une explication réside dans le fait que notre cerveau ne supporte pas la dissonance cognitive (deux idées qui se contredisent) et tend souvent à résoudre celle-ci en changeant l’idée de départ. Par exemple, supposons que l’idée de départ est «Je n’aime pas Ben». Et que la seconde idée est «J’ai bien envie de lui prêter ce livre, car il en parle avec une belle passion». La conclusion devient «Je dois bien aimer un peu ce Ben, au fond, puisqu’il me donne l’occasion de me montrer utile envers autrui».

Bref, «la meilleure façon de vous faire apprécier de quelqu’un n’est pas de lui rendre service, mais de l’inciter à vous rendre service», note Eric Weiner.

Ainsi, il est possible de ne plus se sentir comme le larbin de service, comme un simple exécutant d’ordres abscons, il suffit pour cela d’offrir au donneur d’ordres l’occasion de se montrer utile pour vous. Cela peut revenir à vous apprendre sa façon de mener à bien telle ou telle tâche, à vous donner un contact pertinent, ou encore à vous procurer une ressource susceptible d’accroître votre productivité (l’offre d’un programme de formation, l’installation d’une plante verte à proximité de votre bureau, etc.).

Voilà, Charlotte. Ces trois astuces peuvent sûrement vous inspirer des pistes de solutions à explorer pour avoir la sensation d’être vraiment utile dans votre quotidien au travail. Peut-être même pour triper comme jamais. Et sachez que si vous souhaitez en explorer davantage, je vous recommande vivement la lecture de Ben & Me, qui sera disponible en librairie dans les prochains jours.