Être en mesure de s'épanouir dans son quotidien au travail, c'est vital. (Photo: Freddy Mishiki pour Unsplash)
MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca
Q. – «Là où je suis, je ne donne pas mon 110% et j’ai fini par comprendre pourquoi: ce qu’on me demande de faire ne me fait pas vraiment triper, ça manque cruellement d’ambition et de créativité. Je suis prête à changer d’employeur, et même à aller dans une région voisine de la mienne, au besoin. Mais comment savoir d’avance si ma nouvelle job me donnera l’occasion de triper?» – Marie-Jo
R. – Chère Marie-Jo, vous êtes prête à déménager pour rejoindre les rangs d’une entreprise qui vous permettrait de déployer tous vos talents. À aller n’importe où au Québec, ou presque, pour pouvoir vous épanouir sur le plan professionnel.
Fort bien, mais cela soulève toute une série de questions. Par exemple, à quoi peut bien ressembler l’employeur de vos rêves? Et où le trouver? Ou plutôt, où le chercher?
Vu de même, on pourrait croire qu’on s’apprête à partir à la recherche d’une aiguille dans une botte de foin. Que c’est quasiment «Mission: Impossible», tant il semble complexe de dénicher la perle rare parmi toutes les entreprises existantes au Québec.
Et pourtant, j’ai peut-être un truc qui pourrait vous aider à y parvenir, Marie-Jo. Si, si… Ce truc, je l’ai trouvé dans une étude récente pilotée par Joshua Della Vedova, professeur de finance à l’école de commerce Knauss de l’Université de San Diego, aux États-Unis. Laissez-moi vous en parler brièvement, je suis convaincu que ça vous intéressera.
Joshua Della Vedova et son équipe de deux chercheurs ont eu une drôle d’idée: regarder si l’ouverture d’esprit des habitants d’une ville avait la moindre incidence sur l’état de santé des entreprises qui y évoluent! Leur hypothèse de départ était que plus une communauté est ouverte d’esprit, plus les entreprises du coin se montrent innovantes, et sont donc potentiellement florissantes.
Comment peut-on évaluer l’ouverture d’esprit des habitants d’une ville, me direz-vous? C’est là que les trois chercheurs ont eu, je pense, un coup de génie: ils ont tout bonnement mesuré l’ouverture d’esprit en fonction de la proportion de nouvelles chansons diffusées sur les stations de radio locales. Autrement dit, plus les stations de radio du coin ont tendance à diffuser des nouveautés musicales, plus les gens sont ouverts d’esprit. Car les propriétaires de stations de radio commerciales ne sont pas fous: ils diffusent ce qui plaît aux gens, ce qui est le plus susceptible d’attirer leur attention et de les fidéliser. Et si jamais ce qui leur plaît, ce sont surtout les nouveautés, c’est qu’ils ont, en général, l’esprit grand ouvert.
Joshua Della Vedova et ses collègues ont regardé ce qu’il en était dans différentes villes américaines de toutes tailles, entre 2000 et 2019. Et ils en sont arrivés à des conclusions passionnantes:
– Les villes les plus ouvertes d’esprit comptent davantage d’entreprises nouvelles et prospères que les autres.
– Elles affichent une plus grande proportion d’entreprises en croissance que les autres.
– Elles hébergent des entreprises dont la valorisation est, à taille comparable, plus élevée qu’ailleurs. Et cela se vérifie surtout auprès des start-ups.
– Enfin, les start-ups des villes ouvertes d’esprit lancent nettement plus de nouveaux produits et services que les start-ups des autres villes.
En résumé, Marie-Jo, vous qui privilégiez l’ambition et la créativité, vous gagneriez sûrement à concentrer vos recherches sur des villes qui se démarquent par leur ouverture d’esprit. Car les entreprises qui y évoluent ont tendance à y être particulièrement innovantes et audacieuses, et par suite, florissantes.
Et pour identifier les villes les plus ouvertes d’esprit, eh bien, il vous suffit de faire un survol des différentes stations de radio qui s’y trouvent. L’objectif est simple: regarder si une majorité d’entre elles sont promptes à diffuser des nouveautés musicales, ou pas. Cela devrait vous permettre de retenir, disons, deux ou trois villes intéressantes pour vous. Dans votre région ou dans une région voisine.
Une fois ce travail fait, il vous faudra considérer les offres d’emploi en vigueur dans ces villes-là. Celles qui sont susceptibles de vous intéresser, en tenant compte, bien entendu, de critères évidents: par exemple, les valeurs affichées par l’entreprise sur son site web correspondent-elles aux vôtres? Ses dernières réalisations vous impressionnent-elles? Ou encore, sa croissance actuelle est-elle le fruit d’une ambition assumée et d’une riche créativité? Si nombre d’indicateurs sont au vert, alors n’hésitez pas, Marie-Jo, postulez au poste offert, car il y a de fortes chances qui vous puissiez y triper comme jamais.
En passant, l’écrivain français François Cavanna a dit dans «Le saviez-vous?»: «Ailleurs est une sphère infinie dont le centre est ici».
