Comportements toxiques au travail: comment identifier et prévenir
Maryse Audet|Mis à jour le 21 août 2024
«Un cycle de violence prend de la vigueur avec le temps, lorsqu’il n’y a aucune intervention.» (Photo: 123RF)
EXPERTE INVITÉE. Depuis le 27 mars, l’entrée en vigueur de la Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail suscite bien des questionnements, mais aussi de l’intérêt sur les comportements toxiques.
Les entreprises doivent aussi rester à l’affût, puisque d’autres dispositions entreront en place en septembre 2024 et en octobre 2025.
Plusieurs employeurs ont des questionnements, mais aussi des inquiétudes quant à l’application de celle-ci.
«Est-ce que je me retrouverai à gérer une panoplie de plaintes et des réclamations?»
«Quels sont les premiers signes à observer dans ces situations pour éviter que cela dégénère?»
De plus, les leaders doivent aussi jongler avec la gestion du changement.
Dans ce contexte, les employeurs sont en droit de se demander par où commencer et surtout comment bien répondre aux exigences de la loi.
Je suis auteure de trois livres. J’ai d’ailleurs publié un livre sur les relations toxiques en amour et en affaires.
En étant en contact direct avec le monde des entreprises depuis près de 15 ans, j’ai pu être témoin des dommages causés par un climat nocif en entreprise sur les membres qui la compose.
Mes expériences et l’expertise que j’ai développée me permettent de bien identifier lorsque nous sommes en présence d’un milieu néfaste qui pourrait même causer des dommages psychologiques importants. Malheureusement, cela existe plus que nous le croyons.
La prévention du harcèlement passera inévitablement par l’identification des risques psychosociaux, mais encore bien plus!
Plus que jamais, les entreprises devront miser sur la prévention. L’une des premières étapes, c’est d’approfondir nos connaissances sur le cycle de violence et comment arriver à le repérer.
Ce même cycle ou pattern, nous le retrouvons dans les cas de violence conjugale, mais aussi dans nos entreprises. Être à l’affût que cela existe nous permet d’intervenir plus rapidement.
Lorsqu’il y a une plainte de harcèlement qui est rapportée, il y a déjà un bon moment que ce cycle existe entre la personne qui harcèle et la ou les victimes.
Toutes ces formes de violence, qu’elle soit physique, psychologique, économique et sexuelle, sont soumises aux mêmes phases qui se trouvent dans ce cycle.
1. La tension
Il y a d’abord la phase de la tension. Nous pouvons la remarquer par des comportements menaçants qui se traduisent par l’hostilité, des regards noirs, de l’ignorance volontaire qui génère des silences lourds, par exemple: cesser de répondre aux courriels.
Tous ces comportements font augmenter l’insécurité et l’anxiété chez la victime.
Malheureusement, c’est aussi ça l’objectif derrière, le profil harceleur sait qu’en augmentant les inquiétudes chez la victime, cela lui permettra de maintenir une emprise sur celle-ci.
2. La crise
La deuxième phase est la crise. Cela n’a pas besoin d’être accompagné de cris ou d’hystérie. Cette phase comporte aussi les formes de violence invisible . Ce type de violence, nous la croyons normale, puisque nous avons pu s’y habituer. Elle peut se traduire par des critiques pour volontairement rabaisser l’autre, des remarques dégradantes sur un travail effectué, faire sentir à l’autre qu’il n’a pas le droit à l’erreur.
Il y a ici l’acte de violence, peu importe lequel. Ainsi, le harceleur prend le contrôle sur la victime.
Cette dernière se sent humiliée, rabaissée, coupable et tranquillement la détérioration de sa santé mentale et même physique commencera. Elle vit des émotions désagréables, telles que la tristesse et la colère.
3. La justification
La troisième phase est la justification. Le bourreau reporte la faute sur l’autre, lui faisant ainsi porter le blâme. Il fait sentir à la victime que c’est sa faute, s’il a agi ainsi. Parfois, il pourra même lui dire que c’est elle qui démontre de la violence.
La victime devient confuse, elle a de la difficulté à démêler le vrai du faux. Elle se coupe de plus en plus de ses sentiments et de son ressenti pour se concentrer sur les émotions de son agresseur.
4. La lune de miel
La dernière phase, la lune de miel, est celle où l’harceleur devient gentil, accommodant, bienveillant.
Durant cette phase, la victime croit que la violence est terminée. En réalité, elle vit une sorte de soulagement, qui malheureusement peut l’empêcher de réaliser la gravité de la violence vécue et éviter de dénoncer.
Nous pouvons mieux saisir, en comprenant le cycle de violence, qu’une victime se retrouve prise dans les mailles du harceleur.
De plus, ce phénomène est souvent ignoré dans nos organisations. Il y a lieu de l’enseigner à tous les membres de l’équipe pour ainsi aider les victimes à reconnaître les premiers signes, mais aussi donner des repères aux superviseurs et aux gestionnaires.
Certains comportements peuvent paraître bénins. Le cycle présenté prend forme petit à petit. Une personne qui use de son pouvoir sur l’autre le fera étape par étape pour justement mettre en veille la vigilance et le discernement chez sa victime.
Avec le temps, la phase lune de miel est de moins en moins présente, pour que vivent la tension, la crise et les justifications.
Un cycle de violence prend de la vigueur avec le temps, lorsqu’il n’y a aucune intervention.
La prévention, c’est aussi de commencer par reconnaître l’arrière-scène du harcèlement.
