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COVID-19 : le burnout vous guette-t-il plus que jamais?

Olivier Schmouker|Publié le 29 juin 2020

COVID-19 : le burnout vous guette-t-il plus que jamais?

Un isolement lourd de conséquences... (Ph.: Anthony Tran/Unsplash)

BLOGUE. Et le burnout dans tout ça? Oui, le phénomène d’épuisement professionnel frappe-t-il maintenant plus qu’avant la pandémie? Ou moins? Vous comme moi, sommes-nous plus, ou moins, à risque d’en souffrir?

En temps «normal» (comprendre avant la pandémie), 76% des employés nord-américains souffraient d’épuisement professionnel, se disant au moins «parfois» épuisés au travail. Et 28%, «très souvent» ou même «toujours», selon la récente étude «Employee Burnout: Causes and Cures» du cabinet-conseil en ressources humaines Gallup.

Épuisés? Souvent, cela se traduit par les signes suivants:

> Être cynique ou critique au travail (ex.: toujours avoir une réaction négative, se montrer soupçonneux à l’égard des conditions de travail,…).

> Être désillusionné au sujet de son travail, se sentir détaché ou déconnecté.

> Être insatisfait de ses réalisations.

> Avoir de la difficulté à se mettre au travail.

> Manquer d’énergie, avoir un comportement apathique.

> Être fatigué, être distrait, manquer d’attention.

> Être irritable, impatient avec ses collègues.

À noter un point important : l’épuisement professionnel est souvent chronique, ce qui signifie que ces signes peuvent fluctuer dans le temps, croître et décroître sans raison apparente, mais sans jamais disparaître complètement.

Les conséquences sont graves. L’étude de Gallup montre en effet que les employés qui souffrent fréquemment d’épuisement professionnel sont 63% plus susceptibles de prendre un jour de maladie et 23% plus susceptibles de se rendre aux urgences. Mais surtout, elle démonte un mythe…

On croit souvent que l’épuisement professionnel des employés est uniquement dû au surmenage, aux heures excessives passées à travailler. Ce qui amène nombre d’employeurs et de managers à tenter d’y remédier en invitant les employés touchés par ce fléau à lever le pied : «Prends des vacances, prends-toi une longue fin de semaine, grille un jour de maladie, ça te fera le plus grand bien, tu nous reviendras frais et dispo», tend-on alors trop souvent…

La réalité? La vraie cause de l’épuisement professionnel, ce ne sont pas les longues heures de travail. Non. Et le remède, ce n’est pas de prendre un break. En vérité, le problème n’est pas tant les longues heures de travail, ni même la quantité de travail à effectuer, mais plutôt les conditions dans lequel le travail se déroule.

«La façon dont les gens vivent leur charge de travail a une plus grande influence sur l’épuisement professionnel que les heures travaillées, explique Ben Wigert, directeur, recherche et stratégie, gestion du lieu de travail, de Gallup. Lorsque les employés se sentent inspirés, motivés et soutenus dans leur travail, ils travaillent fort et beaucoup, ce qui ne nuit en rien à leur santé et à leur bien-être, bien au contraire. En revanche, c’est lorsqu’ils se sentent sous pression, surveillés et isolés que le risque est élevé de les voir souffrir d’un stress intense, et par suite de filer droit vers le burnout.»

L’étude de Gallup met au jour le Top 5 actuel des principaux déclencheurs de l’épuisement professionnel chez les employés:

1. Traitement injuste au travail

2. Charge de travail ingérable

3. Communication peu claire avec le ou les managers

4. Manque de soutien de la part du ou des managers

5. Pression temporelle déraisonnable

Qu’est-ce qui se dégage de ce Top 5? Un point commun, à savoir que le comportement des managers a une incidence sur chacun d’eux. Car ceux-ci ont une part de responsabilité dès lors qu’il y a des injustices au travail, une charge de travail trop lourde, des problèmes de communication à l’interne, un sentiment d’isolement ou d’abandon, ou encore des exigences excessives.

«Malheureusement, les managers incompétents sont la grande cause de l’épuisement professionnel de nombre d’employés, lance M. Wigert. Ils traitent les employés de manière injuste, leur imposent des missions impossibles à remplir et fournissent un soutien largement insuffisant pour les atteindre. Bref, ils pourrissent le quotidien au travail au lieu de l’embellir.»

Et de souligner : «Cela étant, les managers incompétents ne sont pas les seuls à blâmer, note-t-il. Nombre d’entreprises n’offrent pas aux managers le soutien et les programmes de formation nécessaires pour pouvoir se montrer performants, et donc pour être en mesure de rendre leurs équipes heureuses et efficaces. Ce qui, soit dit en passant, peut amener les managers eux-mêmes à souffrir d’épuisement professionnel…»

Ça saute aux yeux, les turbulences que nous connaissons aujourd’hui en raison de la pandémie du nouveau coronavirus n’aident en rien à cet égard. Pis, elles risquent fort d’aggraver la situation, vu que chacun de nous – manager comme employé – se doit de tâtonner pour apprendre à bien télétravailler :

> Le travail à distance nous déconnecte des autres, en particulier des collègues, et ce manque de contact humain est toujours néfaste à notre santé physique et psychique.

> Le travail à distance fait en sorte que nous sommes moins bien informés des tâches assumées par les uns et les autres, ce qui peut amener à croire qu’il nous faut en faire plus que d’autres.

> La nouvelle façon de travailler peut nous rendre moins efficaces qu’à l’habitude, ce qui peut se traduire par le sentiment d’être débordé, incompétent, pour ne pas dire inutile (ce qui va avec son lot d’interrogations professionnelles…).

> L’éloignement peut nous donner la sensation d’abandon de la part du manager, voire de l’ensemble de l’équipe.

> Etc.

Autrement dit, prenons tous garde, car l’épuisement professionnel est plus que jamais à nos portes! Auparavant, cela concernait 3 employés sur 4. Et aujourd’hui? Peut-être bien 4 sur 4, oui 100%, ou presque. Qui sait?

Comment prévenir avant d’avoir guérir? L’étude de Gallup émet une suggestion fort intéressante à ce sujet : l’employeur gagnerait sûrement à offrir à tout le monde une «journée personnelle».

De quoi s’agit-il? D’une journée où chacun – seul ou en groupe, c’est à l’employeur ou au manager de voir ça – est amené à réfléchir sur son nouveau quotidien au travail, à considérer les points négatifs comme positifs, et à identifier des moyens simples et concrets d’améliorer la situation à court terme. Une journée qui ne serait pas «perdue», loin de là, comme l’indique M. Wigert : «Les employés qui souffrent fréquemment d’épuisement professionnel sont 2,6 fois plus susceptibles de rechercher activement un nouvel emploi», indique-t-il, mine de rien.

Voilà. L’épuisement professionnel sévit plus que jamais, même si nous ne l’avons pas encore vraiment saisi, la distance entre les uns et les autres empêchant de repérer les signes annonciateurs de la catastrophe. D’où la nécessité vitale de prendre le taureau par les cornes sans tarder, et de le dompter comme il se doit. Tous ensemble.

En passant, l’écrivain français Maxence Van der Mensch a dit dans Corps et âmes : «S’il ne croit plus qu’il puisse sauver ses frères, l’homme est perdu.»

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