«Ce n’est pas un exercice politique, c’est un exercice sportif», martèle le plus ancien membre du Comité international olympique, Dick Pound.
BLOGUE INVITÉ. Entre la recrudescence des cas du variant Omicron et les tensions politiques, l’incertitude entourait les Jeux olympiques d’hiver de Beijing 2022 dont la cérémonie d’ouverture s’est tenue le 4 février dernier.
En effet, ces olympiades ont fait l’objet d’un boycottage diplomatique collectif de la part des gouvernements américain, britannique, canadien et australien en raison des violations des droits de l’homme en Chine.
Et leurs citoyens appuient cette décision. En outre, un sondage de Research Co. a révélé que 59 % des répondants canadiens ont déclaré que le Canada devrait boycotter les Jeux olympiques d’hiver cette année, et 47 % ont dit qu’ils ne regarderaient pas l’événement.
Cependant, les Jeux en cours ne sont pas, loin de là, les seuls Jeux olympiques controversés de l’histoire, rappelle l’avocat canadien et ancien champion de natation, Dick Pound.
Étant le membre le plus ancien du Comité international olympique (CIO), il est familier avec ce genre de polémiques. Il estime toutefois que les gens ne devraient pas s’abstenir de suivre l’événement sportif pour des raisons politiques.
«Ce n’est pas un exercice politique, c’est un exercice sportif, martèle-t-il. Nous devrions regarder les jeux et soutenir nos athlètes. Notre grande équipe a travaillé dans des circonstances difficiles et a fait face à de nombreuses incertitudes, et [nos athlètes] méritent le soutien des Canadiens.»
Dick Pound a débuté sa carrière olympique lorsqu’il a participé aux Jeux de Rome en 1960. Il a été le seul Canadien à atteindre les finales d’une épreuve de natation, terminant sixième au 100 mètres nage libre et quatrième avec l’équipe de relais 4 x 100 m.
«On n’oublie jamais ses premiers Jeux olympiques, c’est une expérience extraordinaire, soutient-il. Je me suis toujours impliqué corps et âme dans le sport afin de permettre aux autres de connaître ce genre de plaisir.»
L’athlète olympique a aussi participé aux Jeux du Commonwealth de 1962 à Perth, en Australie, où il a remporté une médaille d’or, deux d’argent et une de bronze, et établi un nouveau record dans le 100 mètres nage libre.
Transformer le visage du CIO
À la suite de sa brillante carrière universitaire et d’athlète de niveau international, il a obtenu des diplômes en commerce et en droit à l’Université McGill, devenant comptable agréé en 1964 et avocat en 1968. Il a ultérieurement pratiqué le droit fiscal en tant qu’associé au sein du cabinet juridique Stikeman Elliott LLP à Montréal.
Après avoir accroché son maillot, Dick Pound s’est joint au Comité olympique canadien en tant que secrétaire général avant de devenir président de l’organisation de 1977 à 1982.
En sa qualité de membre coopté du CIO en 1978, il a été responsable des contrats de télévision et de commandites internationales qui ont révolutionné le mouvement olympique, transformant l’organisation en une entreprise de plusieurs centaines de millions de dollars.
Il est aussi devenu le porte-parole de l’éthique dans le sport, en critiquant ouvertement la corruption au sein du CIO et en faisant respecter l’interdiction des drogues chez les athlètes en tant que premier président de l’Agence mondiale antidopage.
Des gestes politiques peu efficaces
Se souvenant de l’époque où il était lui-même un athlète, Dick Pound décrit la fin des années 1970 et 1980 comme une ère «où les boycottages étaient à la mode».
Du boycottage africain des Jeux de Montréal en 1976 au boycottage américain des Jeux olympiques de Moscou en 1980, en passant par celui des Jeux de Los Angeles en 1984 par les Soviétiques, le représentant canadien au CIO a dû faire face à de nombreux problèmes très médiatisés.
Selon lui, ces gestes politiques n’ont pas été aussi fructueux pour l’avancement des causes défendues qu’ils ont été préjudiciables aux athlètes en compétition.
«On a notamment appris qu’un boycottage olympique n’est pas un moyen efficace pour susciter un changement de comportement de la part des pays, estime l’ancien dirigeant. Les Soviétiques sont restés en Afghanistan encore dix ans après le boycottage, et les gouvernements n’ont que jeté leurs propres athlètes olympiques en pâture.»
Le résultat devrait être similaire en 2022. Dick Pound disait s’attendre lors de notre entretien à ce que, dès le coup d’envoi des Jeux olympiques de Beijing donné, «cette préoccupation collatérale disparaisse, comme ça a été le cas à Tokyo», lors des Jeux d’été de 2021.
En effet, les Jeux olympiques de Tokyo 2020 ont aussi suscité des inquiétudes en raison de la progression du coronavirus. Après leur report en 2021, l’incertitude a persisté quant à l’opportunité – ou la possibilité – d’organiser l’événement.
«Quelque 70 % des Japonais se sont prononcés contre la tenue des Jeux, et ce pourcentage s’est inversé dès leur ouverture, indique-t-il. À la fin, la majorité y était favorable et fière de les avoir accueillis.»
Karl Moore et Stéphanie Ricci. Karl est professeur agrégé dans la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill. Stéphanie est étudiante en journalisme à l’Université Concordia.