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Ed Sims: aller de l’avant malgré les turbulences pandémiques

Karl Moore|Publié le 10 mars 2022

Ed Sims: aller de l’avant malgré les turbulences pandémiques

L'ancien PDG de WestJet raconte comment il a dirigé d’une compagnie aérienne pendant la COVID-19. (Photo: courtoisie)

BLOGUE INVITÉ. Peu de gens connaissent les tenants et les aboutissants de l’industrie aéronautique comme Ed Sims. D’agent de contrôle à responsable du contrôle aérien, il a travaillé partout, d’Air New Zealand à Virgin Travel Group, avant de devenir PDG de la compagnie aérienne canadienne WestJet. Alors qu’il est sur le point de prendre sa retraite, Ed Sims revient sur ses 35 années de carrière et nous explique ce que ça signifie de diriger une compagnie aérienne en pleine pandémie.

«Il y a très peu de postes que je n’ai pas occupés dans tout le registre du transport aérien, déclare-t-il. L’un des énormes avantages que j’ai eus à travailler dans de plus petites entreprises a été de développer à la fois une multitude de compétences ainsi que des connaissances techniques approfondies.»

Après avoir obtenu un diplôme de l’Université d’Oxford en Angleterre, Ed Sims a fait son entrée dans l’industrie du transport aérien dans les années 1980 chez Air Europe, une compagnie aérienne britannique aujourd’hui disparue. Il a ensuite travaillé comme PDG d’Airways New Zealand avant de se joindre au bureau de Calgary de WestJet comme premier vice-président des opérations commerciales en 2017. Moins d’un an plus tard, il en est devenu le chef de la direction.

Ed Sims a dirigé avec succès l’expansion de WestJet, qui est passée d’un transporteur à bas prix à un réseau mondial grâce à l’introduction de l’avion long-courrier Boeing 787, et au lancement de deux nouvelles entreprises aériennes. Il a également piloté la société à travers la plus grande opération de capital de risque de l’histoire de l’aviation selon Refinitiv, lorsque la compagnie a été rachetée par le fonds d’investissement Onex pour 5 milliards de dollars canadiens en 2019.

Il se sent tout particulièrement privilégié d’avoir fait carrière dans un milieu qui contribue, selon lui, tant à la société. «Nous avons pour mission de construire des ponts dans le monde, pas des murs, illustre Ed Sims. Cela dit, si nous ne trouvons pas de méthodes de compensation efficaces [des gaz à effets de serre émis par les appareils], nos enfants considéreront l’avion comme une cigarette géante.»

Les émanations produites par l’aviation ont suscité des inquiétudes croissantes quant à la qualité de l’air et à la pollution. Elles constituent d’ailleurs l’une des sources d’émissions de gaz à effet de serre à l’origine du changement climatique mondial qui connaît la croissance la plus rapide.

«Il est important de reconnaître l’impact négatif que vous avez, puis d’adopter une série de procédures [pour corriger le tir], soutient le PDG de WestJet. Le carburant représente 95 % de nos émissions. L’effort majeur ne consiste pas à équiper un aéroport de véhicules électriques, mais à brûler moins de carburant fossile.»

Pour y parvenir, Ed Sims explique que les pilotes pourraient privilégier les arrivées en descente continue, en «vol plané», plutôt qu’en descente par paliers, ce qui permettrait «d’économiser des milliers de tonnes de carburant chaque année.»

 

L’impact de la COVID-19

Si la pandémie de COVID-19 et les restrictions aux frontières ont eu l’effet d’un coup de massue sur l’industrie du transport aérien, ils ont néanmoins permis de fortement réduire les émissions de GES provenant des avions, cloués au sol.

Le PDG se souviendra toujours du 24 février 2020 comme de la première fois où il a été témoin des effets du virus au travail.

«C’était la première fois que je voyais un écran devenir complètement rouge, dit-il. Les annulations dépassaient les réservations. Ce n’est pas une situation que l’on souhaite voir. Ma première pensée fut qu’il devait y avoir une défaillance majeure du système.»

«J’ai dû dire à tout le monde que nous allions devoir réduire considérablement les coûts de nos opérations, car toute la demande venait de disparaître», ajoute-t-il.

Ed Sims, qui avait déjà connu la chute des compagnies aériennes en 1991 et 2001, dit avoir redécouvert l’importance de faire preuve d’humanité dans son leadership. Confronté à une baisse considérable de la demande, il a proposé à ses employés de choisir entre le travail à domicile ou des horaires réduits, la mise à pied provisoire ou la retraite anticipée.

« Mon ambition et ma vision étaient de donner au moins aux gens un certain degré de contrôle, explique-t-il. [Un tel événement] peut facilement être accablant, et ce sentiment d’impuissance peut devenir prépondérant. Mais si vous donnez aux gens un certain degré de contrôle sur la manière dont ils veulent gérer la situation pour laisser la compagnie aérienne se redresser, alors ils ont l’impression de jouer un rôle actif plutôt que d’être des victimes passives. »

«Si vous informez les gens de l’évolution de la situation et que vous leur donnez des précisions sur les dates ou les catalyseurs qui, selon vous, seront importants, alors vous leur donnez de l’espoir, et c’est l’atout le plus important dans une crise comme celle-ci », ajoute-t-il.

Au plus fort de la pandémie, WestJet a perdu près de 90 % de sa demande ainsi que 70 % de ses employés, effaçant environ «quatre années de rentabilité», estime Ed Sims. Bien que la situation soit demeurée sombre pour le secteur de l’aviation au premier trimestre de 2021, la reprise de WestJet, qui se situerait entre 60 et 70 % de son niveau prépandémique en novembre 2021, est plus rapide que prévu, selon lui.

Quel impact la crise sanitaire a-t-elle eu sur la manière dont nous voyageons aujourd’hui? Comme les gens voyagent moins, ils ont tendance à consacrer un budget plus important aux vols qu’ils choisissent.

«Nous constatons que les gens sont prêts à se consacrer davantage à leurs loisirs, note le PDG. Alors que le marché se redresse, nous sommes vraiment satisfaits de l’amélioration des rendements et de l’occupation de nos premières classes. »

Désormais, Ed Sims envisage de poursuivre sa carrière dans l’aviation en occupant un poste de conseiller principal chez Onex. Il compte maintenant retourner en Nouvelle-Zélande pour se rapprocher de ses enfants, qu’il n’a pas vus depuis deux ans, pandémie oblige.

«Je reste fermement convaincu qu’aucun rôle n’est plus important que celui de parent dans ce monde, estime-t-il. J’ai eu la chance de vivre des expériences extraordinaires et je veux les partager avec eux.»

 

Karl Moore et Stéphanie Ricci. Karl est professeur agrégé dans la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill. Stéphanie est étudiante en journalisme à l’Université Concordia.