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Eh oui, le team building, ça ne sert à rien (ou presque)!

Olivier Schmouker|Mis à jour le 29 août 2024

Eh oui, le team building, ça ne sert à rien (ou presque)!

«On ne résoudra pas les problèmes concrets que pose le travail réel en transformant les entreprises en bacs à sable», conclut une étude. (Photo: Gabin Vallet pour Unsplash)

Q.  «En tant que RH, je me suis toujours posé une question sans vraiment en chercher la réponse: les opérations de team building, ça fonctionne, ou pas? Sont-elles vraiment efficaces pour souder les employés?» – Marie-Claude

R. — Chère Marie-Claude, mine de rien, vous venez de mettre le doigt sur un sujet sensible en matière de management. Car les opérations de team building (consolidation d’équipe, pour ceux qui préfèrent le terme en français) se font depuis une éternité au sein de nos organisations, plus précisément depuis les années 1980. C’est devenu un classique, un incontournable, et ce même si personne n’a vraiment de preuve que ça fonctionne réellement. 

Grosso modo, on se dit que chacun a alors eu du fun avec ses collègues, que ça a permis de sortir du train-train quotidien et que, si ça ne fait pas de bien, au moins ça ne peut pas faire de mal. Pas vrai?

Or, il est maintenant scientifiquement prouvé que le team building ne permet pas d’atteindre l’objectif principalement visé, qui est d’améliorer la cohésion interne des équipes. Dès 1981, l’alarme avait été sonnée par les chercheurs Kenneth De Meuse et S. Jay Liebowitz, qui avaient mis au jour le fait que tenter de mesurer l’efficacité d’une opération de team building était quasiment impossible. Depuis, ceux qui s’y sont essayés se sont cassé les dents. Et en 2023, deux enseignants-chercheurs français ont enfoncé le dernier clou du cercueil du team building à l’aide d’une étude qualitative que je vais me faire un plaisir de vous présenter, Marie-Claude.

Xavier Philippe est enseignant-chercheur en sociologie du travail à l’EM Normandie Business School, et Thomas Simon, professeur assistant à la Montpellier Business School (MBS). Ensemble, ils ont interrogé des jeunes diplômés de Grandes Écoles françaises faisant leurs premiers pas dans le monde du travail, durant les huit mois qui ont suivi l’obtention de leur diplôme. L’objectif était simple: voir si les opérations de team building vécues par ces nouveaux employés avaient l’effet escompté sur la cohésion des équipes. 

Aux yeux des employeurs, et en particulier des responsables des RH, le team building est une formidable occasion de «vivre une expérience amusante et inoubliable», de «mieux faire connaissance avec ses collègues» et, pour certains, notamment les nouveaux venus, de «mieux s’insérer dans le groupe». Mais voilà, tel n’est pas le ressenti des nouvelles recrues interrogées par les deux chercheurs. Loin de là.

En vérité, le team building est plutôt vécu comme un moment «gênant», voire «ridicule». La plupart des participants estiment qu’il leur est difficile de ressentir du fun quand celui-ci est orchestré: l’opération leur semble «louche» et «suspicieuse» du simple fait qu’ils se sentent alors «infantilisés», pour ne pas dire «manipulés». Autrement dit, ils n’embarquent pas car il n’est pas évident d’avoir du fun sur commande. 

Pis, le team building brouille les cartes entre travail et amusement, ce qui crée une dissonance contre-productive: certains s’interrogent alors sur ce qui est vraiment permis comme amusement dans le cadre du travail et ce qui ne l’est pas, et ne savent plus sur quel pied danser une fois revenus à leur quotidien au travail. Par exemple, peut-on toujours faire un high five à son boss, une fois de retour au bureau? Bref, le team building est également «source de malaise et d’inconfort». 

Pour autant, les jeunes diplômés ne rejettent pas en bloc l’idée d’avoir ponctuellement une activité commune avec leurs collègues. Mais ils souhaiteraient que celle-ci ne soit pas imposée par la haute-direction ou les RH, qu’elle vienne plutôt des employés eux-mêmes, de manière spontanée et improvisée. Qu’il ne s’agisse plus de faire de la consolidation d’équipe «forcée et instrumentalisée», mais d’avoir tout simplement du fun entre collègues, sans objectif particulier. 

Autrement dit, ils voudraient tout bonnement ne plus jamais avoir à subir d’opérations de team building! C’est aussi simple que ça. À bon entendeur, salut!

Et les deux chercheurs français de résumer le message à l’attention des membres de la haute direction et des RH d’une phrase lapidaire: «Comprenez qu’on ne résoudra pas les problèmes concrets que pose le travail réel en transformant les entreprises en bacs à sable». Voilà, Marie-Claude. Je crois que c’est clair. Le mieux à faire, c’est de laisser tomber vos opérations de team building pour passer à quelque chose d’enfin efficace, comme de laisser l’initiative aux employés eux-mêmes. Faites leur confiance, ils trouveront sûrement l’activité commune qui les fera vraiment triper, et par suite, qui permettra de nouer des liens forts et authentiques entre eux.