Elon Musk est à la tête, entre autres, de Tesla. (Photo: Getty Images)
BLOGUE. L’entrepreneur en série Elon Musk est aujourd’hui à l’origine et à la tête de SpaceX (astronautique), de Tesla (automobiles électriques), de SolarCity (énergie solaire), de The Boring Company (construction de tunnels) et de Neuralink (neurotechnologie). Multimilliardaire, il est la 25e personne la plus puissante du monde, selon le magazine Forbes. D’ailleurs, sa mission personnelle est parfaitement assumée : «Changer le monde et l’humanité», l’un de ses rêves étant de coloniser la planète Mars.
Sa dernière trouvaille? Je vous le donne en mille : un anti-manuel de l’employé! Plus précisément, «The Anti-Handbook Handbook of Tesla». Sidérant, n’est-ce pas?
C’est qu’Elon Musk sait fort bien que, tout seul, il ne peut rien faire de grandiose. Il a besoin, pour changer le monde et l’humanité, de bien s’entourer, c’est-à-dire de pouvoir compter sur des personnes talentueuses et audacieuses sachant avancer ensemble de manière coordonnée et harmonieuse et, donc, progresser de victoire en victoire.
Comment parvenir à un tel miracle? Eh bien, en recourant à une forme de management à nulle autre pareille. Disons, à une forme d’«anti-management» tant les idées prônées par le leader d’exception qu’il est sont avant-gardistes. Ce qu’indique parfaitement le préambule du document sur lequel Business Insider a pu mettre la main : «Nous sommes Tesla. Nous changeons le monde. Nous voulons tout repenser de zéro.»
Pour commencer, attardons-nous au concept de manuel de l’employé. De quoi s’agit-il? D’un document que certaines entreprises, souvent les grandes entreprises, donnent aux employés, le jour de leur arrivée, pour leur expliquer les valeurs et la culture de l’entreprise ainsi que ce qui est attendu du nouveau venu (comportement, tenue, performance, etc.). Bref, soyons honnêtes, d’un document que personne ne lit vraiment. Tout au plus est-il brièvement feuilleté jusqu’à ce que le nouveau venu puisse mettre le grappin sur un collègue qui passe à proximité de son bureau. Pas vrai?
D’où l’idée d’Elon Musk de concocter un anti-manuel, c’est-à-dire un manuel qui donne le ton au travail du nouveau venu, et juste ça : «Si vous vous attendez à trouver dans ce document des règles et des politiques internes, vous allez être déçu : nous n’avons ici rien de tout ça, est-il indiqué d’emblée dans l’anti-manuel. Car les règles et les politiques internes nivellent par le bas : elles indiquent ce qu’il est mal de faire, la performance minimale en dessous de laquelle on finit par vous montrer la porte. Et ça, ça ne nous correspond pas du tout. Nous, nous avons des standards de performance exceptionnellement élevés, ce qui ne pose de problème à personne parce que nous n’embauchons que des personnes exceptionnelles, qui adorent le fait de pouvoir librement donner leur 110%, jour après jour. Et ce, en agissant d’elles-mêmes de manière parfaitement intègre, vu que personne ne regardera jamais par-dessus leur épaule.»
Bref, la confiance est absolue. La haute direction de Tesla sait que chacun va donner le meilleur de lui-même dans des projets plus stimulants les uns que les autres. Et que sa seule mission, au fond, consiste à fournir les ressources nécessaires pour que de petits miracles se produisent au travail, jour après jour.
Un exemple frappant : la communication. «Quiconque chez Tesla peut envoyer un courriel ou discuter avec n’importe qui quand bon lui semble, à condition qu’il soit convaincu que ce soit la meilleure chose à faire pour faire avancer son travail. Vous pouvez communiquer directement avec votre manager, avec le manager de votre manager, avec un vice-président, ou encore avec Elon, sans avoir à obtenir l’autorisation préalable de qui que ce soit. Mieux, vous avez l’obligation de le faire si vous êtes persuadés que c’est la bonne chose à faire.»
Les tâches de l’employé? Il n’y en a pas vraiment. «Votre job numéro 1 – le job numéro 1 de tout le monde ici – c’est de faire connaître le succès à l’entreprise. Par conséquent, si vous voyez un moyen inusité de nous faire foncer vers ce but, considérez que vous avez le feu vert pour en parler aux bonnes personnes, même si cela sort de votre champ de compétences. Il est vital que vous partagiez avec les autres vos idées et suggestions. Car les bonnes idées meurent toujours si on les garde enfermées en soi-même.»
La présence au bureau et les horaires de travail? Là encore, ce n’est pas un vrai enjeu, aux yeux d’Elon Musk. «Soyez quelqu’un sur qui les autres peuvent compter, voilà tout ce qui compte vraiment. Soyez là quand c’est nécessaire, quand les autres ont besoin de vous. Pour le reste, vous êtes libre de gérer votre temps comme bon vous semble.» Cela étant, il est souligné que si jamais les autres ne nous considèrent pas comme «fiables» et «disponibles», la sanction sera sans appel : la porte.
«OK, un accident de voiture, ça arrive, et ça peut expliquer votre retard au travail un lundi matin, mais ne prenez personne pour un imbécile : il n’est pas vrai qu’on a un accident de voiture chaque lendemain de match des Séries de la NFL», est-il indiqué dans l’anti-manuel, avec un phrasé similaire, mot pour mot, à celui d’Elon Musk.
Avoir un second job? Aucun problème pour Tesla : «Vous êtes libre de travailler pour un autre employeur en même temps que chez nous, à tout le moins tant que cela ne nuit pas à votre performance chez nous. Et, bien sûr, tant que cela ne compromet pas la confidentialité des informations que vous avez à propos des projets de Tesla.»
Le monde autrement, selon Tesla. (Photo: Dylan Sauerwein/Unsplash)
En revanche, ce qui est totalement prohibé, ce sont les… conneries! «S’il vous arrive de faire une connerie, en fonction des circonstances, soit vous serez coaché pour ne pas récidiver, soit vous serez viré. Parce qu’on n’a pas de temps à perdre avec les conneries. Au cas où, voici une liste non exhaustive de conneries qui peuvent vous coûter cher:
– Voler ou endommager un bien de l’entreprise.
– Divulguer des informations confidentielles.
– Harceler ou intimider les autres.
– Menacer ou violenter quelqu’un.
– User de drogues illégales.
– Se promener avec des explosifs ou des armes.
Maintenant, si vous pensez qu’il peut vous arriver de faire une connerie un jour ou l’autre, s’il vous plaît, faites-nous plaisir, partez d’ici aujourd’hui même.»
Le plus important? Avoir du fun. «La seule chose qui vous est vraiment demandée, c’est de vous assurer d’avoir toujours du fun dans votre travail. Faites-vous de nouveaux amis, explorez de nouvelles voies, essayez de nouvelles choses. Parce que si vous n’avez plus de fun, vous n’aurez plus de plaisir à travailler, et ça, on ne veut vraiment pas ça chez Tesla. Tout ce qu’on veut, c’est que vous travailliez fort, que vous aimiez ce que vous faites, que vous ayez sans cesse du fun. Toujours. Tous les jours.»
En guise de conclusion, le document fournit une «morale de l’histoire» : «En résumé, agissez tous les jours comme vous souhaiteriez que vos collègues agissent. Traitez les autres comme vous aimeriez qu’ils vous traitent. Car Tesla est une entreprise qui veut simplement que chacun soit heureux de se lever, le matin. Qui sait que la vie est trop courte pour être malheureux.»
Et de marteler à la toute fin : «Nous ferons toujours le maximum pour vous fournir un lieu de travail sain, épanouissant, productif et plaisant».
Voilà. L’anti-manuel de l’employé signé par Elon Musk est un vibrant témoignage de la confiance qui est accordée d’emblée à tout employé, et mieux, des espoirs qu’il représente pour toute l’entreprise. Il souligne combien chacun doit savoir faire preuve d’initiative, et combien chacun est libre de pousser ses projets le plus loin possible, pourvu que ce soit pour le bien commun. Il montre de manière claire et nette que l’employeur est là pour comprendre, conseiller et soutenir, et non pas pour commander et contrôler. Et c’est comme ça que Tesla peut espérer «changer le monde et l’humanité», pas autrement.
Inspirant, vous ne trouvez pas? Et si, chers employeurs, vous osiez faire un pas en ce sens, à l’image de Tesla et d’Elon Musk… Oui, et si vous innoviez à votre tour en matière de management, par exemple en vous mettant au service de vos employés, et arrêtiez donc de considérer que vos employés sont à votre service… Ne croyez-vous pas que ça donnerait une toute nouvelle dynamique à vos équipes? Une dynamique qui vous permettrait de faire, à votre tour, de petits miracles?
En passant, l’écrivain français Antoine de Saint-Exupéry disait : «Les vrais miracles font peu de bruit».
*****
Découvrez mes précédents billets
Mon groupe LinkedIn
Ma page Facebook
Mon compte Twitter
Et mon dernier livre : 11 choses que Mark Zuckerberg fait autrement