Employeurs, et si vous… baissiez les salaires!
L'économie en version corsée|Publié le 30 janvier 2020Une suggestion pas si folle que ça... (Photo: Stock/Unsplash)
CHRONIQUE. Imaginez qu’à salaire égal un concurrent direct de votre employeur actuel vous offre des conditions de travail plus propices à votre bien-être – horaires flexibles, soutien personnalisé face au stress financier, locaux plus agréables à vivre… – , cela vous donnerait-il l’envie de rejoindre ses rangs? Je connais votre réponse : oui, mille fois oui.
Comment est-ce que je sais ça? Tout simplement parce que 77% des Canadiens interrogés à ce sujet ont répondu par l’affirmative.
Plus fort encore, le même sondage, piloté par le fournisseur de services de gestion des ressources humaines Morneau Shepell, a mis au jour un fait renversant : 60% des Canadiens affirment qu’ils seraient prêts à voir leur salaire diminué, mais à une condition, une condition très précise, à savoir qu’en échange de cette baisse salariale ils puissent jouir d’un meilleur bien-être au travail. Et ce, y compris parmi les Canadiens qui disent pourtant vivre les affres du stress financier (le pourcentage n’est plus alors de 60%, mais de 51%, ce qui est tout de même énorme).
Autrement dit, chers employeurs, vous voilà invités à… baisser les salaires! Si, si… Mais à une condition sine qua non : que par la même occasion vous appréciez nettement le bien-être de vos employés dans leur quotidien au travail.
Bien. Maintenant, comment vous y prendre pour vous montrer efficace dans un tel changement? Comment booster le mieux-être de vos employés? Regardons ce qui ressort du sondage à ce sujet…
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Les employés interrogés placent la santé mentale au sommet des facteurs qui composent leur bien-être global, avant la santé physique et la santé financière. Ils sont 76% à dire que leur décision de demeurer en poste dépend directement des efforts que leur employeur déploie pour favoriser la santé mentale au sein de l’organisation : si jamais ces efforts n’étaient pas prochainement à la hauteur de leurs attentes, ils n’hésiteraient pas longtemps à regarder si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs.
«Les Canadiens disent que c’est le soutien en matière de santé mentale qui compte le plus pour eux. Et pourtant, nombre d’organisations privilégient la rémunération dans leur stratégie de recrutement et de fidélisation, et offrent en premier lieu du soutien en matière de santé physique», indique Stephen Liptrap, président et chef de la direction, de Morneau Shepell.
Et d’ajouter : «Ce qui fonctionnait auparavant n’est plus gage de succès, dit-il. La santé mentale n’est plus un sujet aussi tabou qu’avant, et les employés accordent non seulement la priorité à celle-ci, mais ils s’attendent à ce que leur employeur en fasse autant.»
Qu’entendent donc les employés lorsqu’ils parlent de «santé mentale»? De sources de stress précises, à tout le moins pour ceux qui disent avoir vécu un «stress mental extrême» lors des six derniers mois:
– Un stress lié au travail ou au milieu de travail. Près de la moitié (45%) des employés ont indiqué que les exigences psychologiques associées à leur emploi actuel avaient augmenté au cours des 18 à 24 derniers mois, allant de la concentration à la résolution de problème, en passant par le besoin de créativité et d’adaptation au changement. (À noter, au passage, que seulement 4% des employés disent que les exigences psychologiques se sont atténuées pendant la même période.)
– Un stress financier. Quatre employés sur dix (42%) croient avoir davantage de difficultés financières que d’autres personnes ayant le même revenu que le leur. Comme bien des facteurs de la santé mentale, le bien-être financier a une incidence directe sur le rendement au travail : le sondage montre qu’un grand nombre d’employés canadiens reconnaissent que leurs soucis pécuniers avaient des répercussions négatives sur leur productivité (36%) et leur assiduité (24%) au travail.
Lorsqu’on leur demande de quel type de soutien ils aimeraient pouvoir bénéficier pour traiter l’anxiété, voire la dépression, causée par l’accumulation d’agents stressants, la moitié (53%) des employés ont cité la thérapie par la parole. D’autres voies mériteraient également d’être explorées, selon eux : par exemple, un programme de pleine conscience ou de méditation (43%); ou encore, un programme de développement des habiletés (ou de thérapie) cognitivo-comportementales (38%).
C’est bien simple, 25% des employés avouent qu’ils n’éprouvent aujourd’hui aucun sentiment d’appartenance envers leur milieu de travail. Aucun, je le souligne. Et ce, surtout à cause des relations qu’ils ont avec leurs collègues. L’explication est lumineuse : absence de respect, absence de collaboration et absence de valorisation, selon eux.
«Ne pas se sentir à sa place dans l’organisation, ou avoir de la difficulté à s’en faire une, peut avoir une incidence considérable sur le sentiment d’isolement des employés. Ces derniers se sentent alors seuls, et ne peuvent pas compter sur le moindre soutien de quiconque. Une donnée le montre clairement : parmi les employés qui se considèrent en «excellente» santé mentale, seul un petit nombre (11%) signalent un sentiment d’isolement au travail; en revanche, pour les employés se disant en «très mauvaise» ou «extrêmement mauvaise» santé mentale, la moitié (47%) déclarent se sentir très isolés au travail», dit Paula Allen, première vice-présidente, recherche, analytique et innovation, de Morneau Shepell.
Et de poursuivre : «Il incombe aux employeurs de fournir de la formation qui favorise la collaboration et incite chacun à traiter l’autre avec gentillesse et respect, dit-elle. Promouvoir le soutien par les pairs est l’un des investissements les plus importants qu’une organisation puisse consentir et, au-delà du fait que cela améliore le quotidien des employés, c’est une excellente stratégie pour obtenir une meilleure performance financière.»
CQFD.
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Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l’actualité économique à la lumière des grands penseurs d’hier et d’aujourd’hui, quitte à renverser quelques idées reçues.
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