Employeurs, voici pourquoi vos employés finissent mal l’année
L'économie en version corsée|Publié le 20 Décembre 2019Une frustration qui va croissante... (Photo: André Hunter/Unsplash)
CHRONIQUE. Nous voilà à deux pas de la fin de l’année, et donc, du temps magique des Fêtes : cadeaux, réveillons, sourires, peut-être même fous rires,… Et pourtant, avez-vous noté comme moi combien les gens – au bureau, en voiture, dans la rue… – font la tronche? C’est clair, quelque chose ne tourne pas rond. Mais quoi, au juste?
La réponse à cette interrogation existentielle se trouve peut-être bien en filigrane de la dernière étude Workmonitor du cabinet-conseil en ressources humaines Randstad. Regardons ça ensemble…
– De meilleurs résultats financiers. 76% des Canadiens s’attendent à ce que leur employeur ait de meilleurs résultats financiers en 2020 qu’en 2019. Ce qui dépasse la moyenne mondiale de 6 points de pourcentage.
– Une meilleure économie. 60% des Canadiens pensent également que la situation économique de leur pays s’améliorera en 2020. Ce qui les fait figurer dans la moyenne mondiale (57%) à ce sujet.
Autrement dit, on pourrait s’imaginer que les Canadiens sont optimistes pour l’année à venir, qu’ils sont plus convaincus que les autres que les choses – les finances de leur entreprise, l’économie de leur pays – vont aller en s’améliorant dans les prochains mois. On pourrait donc croire que tout va bien dans le meilleur des mondes.
Le hic? Ce sont les deux données suivantes, en parallèle des deux précédentes:
– Pas de prime. Seulement 39% des employés prévoient recevoir une prime financière à la fin de l’année. La moyenne mondiale est de 56%. C’est bien simple, les Canadiens figurent parmi les plus pessimistes du monde sur ce point.
– Pas d’augmentation. 35% des Canadiens s’attendent à ne pas recevoir d’augmentation salariale à la fin de l’année. La moyenne mondiale est, elle, de 39%.
Autrement dit, nombre d’employés sont convaincus que leur employeur ne fera rien du tout pour souligner les efforts qu’ils ont fournis durant toute l’année 2019. Et donc, que leur pouvoir d’achat va, en conséquence, diminuer puisque l’inflation va, elle, croissant.
Bref, nombre d’employés sont convaincus que tout va de mieux en mieux pour les autres, en particulier pour leur employeur, et que tout va de moins en moins bien pour eux, en particulier du point de vue financier. Oui, l’employeur tire profit de leur travail, et pas eux. Ce qui est, de toute évidence, une criante injustice.
Voilà. Les gens tirent la tronche, et ça découle du fait qu’ils considèrent que tout va bien pour les autres, mais pas pour eux. Pis que ça, ils estiment que si ça va bien pour les autres, c’est parce que ceux-ci parviennent à tirer profit de leur travail.
La question saute aux yeux : les employés mécontents ont-ils raison, ou tort? Sont-ils bel et bien exploités?
Deux autres données tirées de l’étude de Randstad permettent de s’en faire une idée:
> Toujours connectés au bureau
– 48% des Canadiens répondent immédiatement aux appels, courriels et autres messages de travail… en dehors des heures de bureau.
– 55% disent qu’ils y répondent, même si ce n’est pas toujours dans la seconde. Et 24% disent qu’ils se sentent carrément «obligés» de le faire, même s’ils sont alors en vacances.
> Toujours disponibles
– 43% disent que leur employeur s’attend à ce qu’ils soient disponibles en dehors des heures de bureau.
– 35% disent que leur employeur s’attend à ce qu’ils soient disponibles pendant leurs vacances et leur temps libre.
Que ressort-il de tout ça? C’est assez simple : trop d’employés se sentent au service de leur employeur, jour et nuit, tout au long de l’année; oui, trop d’employés se sentent attachés à lui, en dépit de leur volonté, comme de braves pitous à qui on accroche une laisse lorsqu’ils sont de sortie. Et c’est là fort vraisemblablement l’origine de leur mécontentement, pour ne pas dire de leur rancœur.
Comment corriger le tir? Ça me paraît aisé à deviner : chers employeurs, libérez vos employés! Profitez du temps des Fêtes pour envoyer un tout dernier message à tous dans lequel vous interdisez à tout dirigeant, à tout manager, à tout employé d’envoyer le moindre message professionnel. Menacez celui qui enfreindrait cette règle de l’envoyer aux Enfers à son retour au travail (et faites-le vraiment si le cas se produit…). Forcez les uns et les autres à déconnecter totalement du travail. Car c’est là un moyen efficace – et éprouvé puisqu’en France il existe depuis 2017 une loi interdisant à un employeur d’entrer en contact avec un employé en dehors des heures normales de travail – de décrocher vraiment durant un congé, et par suite, de ne plus se sentir attaché à son «maître» comme un pitou…
Qui sait? Cela pourrait permettre à vos employés de revenir au travail, au début de 2020, avec un sourire que vous ne leur avez jamais vu jusqu’à présent…
Bien entendu, je me permets de glisser une évidence, au passage : si par ailleurs vous avez à cœur de supprimer purement et simplement le sentiment d’injustice qui pourrit la vie de vos employés, eh bien, il vous suffit de mieux partager les fruits du travail collectif : une petite prime pour tout le monde, et le tour sera – en grande partie – joué!
En passant, l’écrivain français Antoine de Saint-Exupéry a dit dans sa Lettre à un otage : «Un sourire est souvent l’essentiel. On est payé par un sourire. On est récompensé par un sourire».
*****
Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l’actualité économique à la lumière des grands penseurs d’hier et d’aujourd’hui, quitte à renverser quelques idées reçues.
Découvrez les précédents billets d’Espressonomie
La page Facebook d’Espressonomie
Et mon dernier livre : 11 choses que Mark Zuckerberg fait autrement