Pour gagner en productivité, il suffit de changer notre rapport au temps. (Photo: Laurenz Kleinheider pour Unsplash)
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Q. – «Il y a des journées où j’aimerais être plus productif au travail, mais je n’y arrive pas. Je me donne à fond pendant une heure, mais après ça, je ressens une baisse d’énergie et de motivation. Existe-t-il un truc pour gagner durablement en productivité?» – Louis-Jean Jacques
R. – Cher Louis-Jean Jacques, je crois avoir une astuce qui devrait faire votre bonheur. Une astuce que j’ai dénichée en réfléchissant à ce qu’était, au fond, la productivité.
Après tout, c’est quoi, la productivité? D’un point de vue économique, ça correspond au produit intérieur brut (PIB) par heure travaillée. À l’échelle individuelle, à la quantité de travail effectué durant un laps de temps donné; par exemple, au nombre de boulons que l’on serre en l’espace de 15 minutes, ou bien au nombre de courriels auxquels on répond en une demi-heure.
Par conséquent, gagner en productivité, ça revient soit à produire davantage dans un même laps de temps, soit – et c’est là ma petite trouvaille du jour – produire autant, mais dans un laps de temps plus court. Autrement dit, si l’on veut gagner durablement en productivité, il suffit de changer notre rapport au temps. Explication.
Chacun de nous a un rapport au temps qui diffère de celui des autres. Un petit exercice rigolo permet de s’en rendre compte: invitez trois ou quatre personnes à s’asseoir par terre sans pouvoir consulter une horloge ou un chronomètre; dites-leur de se relever pile dans une minute, pas une seconde de plus, pas une de moins; donnez le GO en lançant votre propre chronomètre; et notez les écarts considérables entre les uns et les autres (ça ne loupe jamais!).
C’est qu’il y a des impatients, qui se lèvent au bout de 30 secondes. Les indécis, qui se redressent après 45 secondes ou 1 minute 15 secondes. Ou encore, les équilibrés qui se mettent debout quasiment au bon moment. Bref, une minute, ça varie grandement de l’un à l’autre.
Résultat? Il est possible de se montrer plus productif en modifiant notre rapport au temps, c’est-à-dire en percevant la minute qui passe autrement que nous ne le faisons d’habitude.
Comment ça, au juste? Des études scientifiques montrent que la façon dont nous pensons au temps qui passe et dont nous nous orientons par rapport au futur, au présent et au passé a des impacts significatifs et mesurables sur notre bien-être, notre mémoire, notre cognition, notre attention et notre engagement au travail. Et donc, sur notre productivité.
La bonne nouvelle est que notre perception du temps est incroyablement facile à manipuler, comme le montrent ces mêmes études. Alors, comment pouvons-nous utiliser à notre avantage nos connaissances sur la façon dont nous percevons le temps, et être ainsi plus heureux et plus productifs?
Le premier truc est de distordre notre perception du temps. Par exemple, notre perception de ce qu’est une minute, comme le préconise Devin Terhune, professeur de neurosciences au King’s College de Londres. Car, on le sait bien, une minute peut être affreusement longue quand on effectue une tâche horripilante, et extrêmement courte si on s’attèle à une tâche plaisante.
Comme notre perception du temps est affectée par certains facteurs psychologiques profondément enracinés en nous, elle est aisée à influencer. La solution la plus rapide pour ce faire? Prendre une micropause. «Injecter un moment de changement ou de nouveauté est le meilleur moyen de lutter contre l’ennui et la fatigue mentale, de corriger les distorsions temporelles, de réinitialiser notre charge cognitive et de renouer avec la productivité», note Devin Terhune.
Une micro-pause peut être aussi courte que 10 minutes. Ça suffit, en général, pour nous procurer tous ses effets bénéfiques.
Chacun est libre de faire ce qu’il veut de ce temps libre: faire une petite marche dehors, respirer l’air frais à la fenêtre, jaser au cellulaire avec un proche, etc. Pour le professeur du King’s College, l’idéal est alors de «caresser des chiots», car ça fait un bien fou, mais bon, il a conscience que tous les employeurs ne peuvent pas mettre des chiots à la disposition des employés. L’idée, en vérité, est de faire des micropauses des moments où l’on se fait du bien.
Un second truc repose sur le fait que ceux qui sont optimistes pour l’avenir se montrent, en général, plus productifs que les autres. Oui, il suffit de se dire que demain matin sera meilleur qu’aujourd’hui pour, soudain, avoir le cœur à l’ouvrage. C’est du moins ce qui ressort, entre autres, d’une étude menée en 2016 aux Pays-Bas, ou encore de deux autres parues en 2018 et en 2019 dans la publication Current Psychology.
Ainsi, les personnes qui ont une vision plus positive de l’avenir ont tendance à jouir d’une plus grande satisfaction et d’un plus grand engagement au travail, et à avoir moins de comportements contre-productifs. Le gain consécutif en productivité est direct.
Maintenant, comment avoir un rapport positif envers le futur? Convient-il de porter des lunettes roses? D’écouter de la musique positive et entraînante? Non, bien sûr. De tels artifices ne peuvent être vraiment efficaces.
En revanche, plusieurs trucs simples peuvent être envisagés pour y parvenir:
– Montrez-vous proactif. N’attendez pas les consignes du boss, devancez-les, prenez des initiatives. Cela vous donnera une impulsion positive envers le futur immédiat et à court terme.
– Célébrez vos petites victoires. Vous avez réussi à répondre vite et bien à ces cinq courriels urgents? Ou bien, à convaincre un client de faire affaire avec vous? Offrez-vous une petite récompense (un carré de chocolat, etc.), et voilà que des ailes se mettent à pousser dans votre dos, prêtes à vous emmener encore plus loin à l’avenir!
– Projetez-vous dans un futur heureux. Prenez cinq ou 10 minutes à vous, et notez sur une feuille de papier ce que vous pourriez bien faire d’original lors de vos congés d’été: un gros BBQ avec toute la famille réunie dans un beau chalet de location, un bain de minuit dans le lac, une randonnée en VTT, etc.
Mine de rien, ces petits riens peuvent faire une grande différence dans votre quotidien au travail. Ces petits moments où vous arrêtez de travailler vont vous donner une nouvelle énergie et motivation, et par suite vous faire gagner en productivité.
En résumé, Louis-Jean Jacques, si vous voulez vraiment devenir plus productif, eh bien, ralentissez!