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Louise Champoux-Paillé

Les facteurs ESG en action

Louise Champoux-Paillé

Expert(e) invité(e)

ESG: le facteur E a-t-il encore sa place?

Louise Champoux-Paillé|Mis à jour le 11 avril 2024

ESG: le facteur E a-t-il encore sa place?

Bien souvent, le facteur environnemental éclipse le facteur social et le facteur de gouvernance. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Au sein des facteurs environnementaux et sociaux, ainsi que ceux liés à la gouvernance (ESG), le facteur E est sûrement celui qui possède la plus grande notoriété de la triade. Souvent associé aux changements climatiques, on pourrait même avancer que le facteur environnemental éclipse les deux autres.

Le facteur E comprend les différents éléments qui permettent de mesurer l’impact direct ou indirect de l’activité d’une entreprise sur l’environnement par le biais notamment des émissions de gaz à effet de serre (GES) et comment l’on tend vers la carboneutralité, la quantité d’énergie renouvelable, l’utilisation de l’eau dans les processus de production, le recyclage des déchets, le recours à l’économie circulaire, le respect de la biodiversité, son empiètement sur des écosystèmes terrestres ou marins sensibles et la prévention des risques (marées noires, contamination des nappes phréatiques, déchets toxiques, etc.). Loin de faire référence uniquement aux changements climatiques, ce facteur couvre quantité d’éléments dont l’importance variera selon les secteurs industriels ou les pays dans lesquels les entreprises exploitent leurs activités.

L’exigence de divulgation

Selon une étude effectuée par Millani sur la divulgation des données ESG par les sociétés de l’indice S&P/TSX, 81% des sociétés nommaient les changements climatiques dans au moins un de leurs documents réglementaires.

L’autre élément clé figurant dans les divulgations de données est la consommation d’eau et la gestion des eaux usées: 45% des rapports ESG traitaient de cet élément en 2019, soit une hausse marquée par rapport aux années précédentes. Un autre élément appelé à prendre plus de place dans les divulgations est certainement celui de la biodiversité. Parmi les émetteurs ayant publié un rapport ESG en 2020, 38% abordaient cette question.

Ce même rapport de Millani souligne par ailleurs que la majorité des entreprises de l’indice S&P/TSX ne présentaient pas d’information suffisante pour déterminer comment elles prévoient atteindre les nouveaux objectifs gouvernementaux de réduction des gaz à effet de serre de 40% à 45% d’ici 2030, par rapport au niveau de 2005, ou encore la hausse de la tarification du carbone à 170$ la tonne.

Force est de constater que les divulgations demeurent donc au stade d’un projet évolutif et qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.

Un facteur capital aux yeux des petits actionnaires

Si les investisseurs institutionnels expriment leurs vives préoccupations en ce qui concerne le facteur environnemental, on constate que les petits actionnaires emboîtent le pas. Au cours des dernières années, les propositions d’actionnaires qui abordent les questions environnementales ont été de plus en plus nombreuses et ont connu du succès sur les thèmes suivants: la biodiversité, le zéro déchet, l’économie circulaire et le vote consultatif sur le climat.

À cet égard, mentionnons que l’entreprise ferroviaire Canadien National a choisi d’implanter, après le dépôt d’une proposition d’actionnaire, un vote consultatif annuel non contraignant sur son plan d’action en matière de changement climatique en 2021. La même décision fut prise par le Canadien Pacifique. Le CA a en effet consenti à la tenue d’un vote consultatif sur l’approche en matière de changements climatiques à l’assemblée annuelle et extraordinaire des actionnaires de l’entreprise en 2021. Les actionnaires ont approuvé à 85% la résolution visant à tenir annuellement un tel vote, à compter de 2022. La Banque Laurentienne devrait également emprunter une voie similaire dans un avenir rapproché, à la suite également du dépôt d’une proposition d’actionnaire.

Le facteur E porte-t-il ombrage aux autres?

En mai dernier, le président de Tesla, Elon Musk, exprimait son vif mécontentement d’avoir été exclu de l’indice S&P500/ESG visant à évaluer la responsabilité sociale des organisations en raison des notes défavorables obtenues par Tesla dues à l’absence d’un plan de décarbonisation, aux allégations de racisme et des mauvaises relations de travail et à la tenue d’une enquête par la National Highway Transportation Safety Administration. Musk qualifiait cet indice de «démon incarné». Dans le style impétueux qu’on lui connaît, Musk a tweeté: «Exxon est classé parmi les dix meilleurs au monde pour les facteurs ESG par le S&P 500, tandis que Tesla ne figure même pas sur la liste!». Il renchérissait en écrivant que le concept «a été militarisé par de faux guerriers de la justice sociale…»

Cette réaction fulminante du célèbre milliardaire constitue un exemple de la perception que certains entretiennent en regard de l’importance du facteur environnement dans la triade ESG. La Banque des règlements internationaux qualifiait d’ailleurs de «sources intarissables de confusion» les résultats obtenus par le système d’évaluation ESG

Personnellement, je crois toujours que les facteurs ESG conservent globalement leur utilité pour évaluer la responsabilité sociale d’une organisation, soit un comportement environnemental, sociétal et de gouvernance qui soit équilibré.