Existe-t-il une «prime à la beauté» au travail? (Photo: Joey Nicotra pour Unsplash)
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Q. – «Un jeune gars a récemment pris les rênes de notre équipe et tout semble lui sourire: on écoute attentivement ses idées, on murmure qu’il va faire des étincelles et vite grimper dans la hiérarchie. Quand j’ai demandé en douce autour de moi pourquoi on dit tant de bien de lui, alors qu’à date il n’a pas prouvé grand chose, quelqu’un a fini par me confier: « Il est carrément cute, c’est sûr qu’il va réussir tout ce qu’il va entreprendre ». Authentique! Allons-nous droit dans le mur?» – Virgile
R. — Cher Virgile, la beauté de votre nouveau boss semble vous inquiéter. Car, contrairement à d’autres au sein de votre organisation, vous ne considérez pas la beauté comme un gage de performance au travail.
Avez-vous tort ou raison? Une étude récente permet de le savoir. Regardons ça ensemble.
Massimo Colombo est professeur d’entrepreneuriat, de finance et d’économie à l’École polytechnique de Milan, en Italie. Avec trois autres chercheurs, il a analysé différentes bases de données pour voir si «l’attractivité faciale» d’un PDG d’une start-up avait la moindre incidence sur les levées de fonds effectuées par celle-ci. Autrement dit, si la beauté d’un haut dirigeant suffisait pour décrocher des fonds auprès d’investisseurs bancaires et autres anges financiers, c’est-à-dire auprès de personnes qui sont censées placer leur argent de manière raisonnée et raisonnable.
Le résultat de l’étude ne laisse pas la place au moindre doute: oui, il y a bel et bien une «prime à la beauté». Les PDG considérés comme étant «attractifs» lèvent davantage de fonds que les autres, à hauteur d’en moyenne +13,2%. Ce qui est énorme: là où un PDG «normal» lève 1 M$, un PDG «attractif» obtient 132 000 $ de plus.
Bien entendu, les chercheurs ont voulu mettre au jour l’origine de ce phénomène. Est-ce parce que nous associons inconsciemment la beauté à la compétence? À l’intelligence? À la sympathie? Ou encore à la fiabilité? Eh bien, rien de tout ça. Aucune de ces associations ne se fait dans la tête des investisseurs. «L’attractivité faciale a une valeur économique en soi, en particulier dans un contexte où les investisseurs fondent leur décision sur un ensemble d’informations limité», est-il noté dans l’étude.
Ce qui signifie que lorsqu’on dispose d’un nombre insuffisant de données pour faire un choix purement rationnel, nous nous rabattons sur d’autres données complémentaires, notamment celle de la beauté de notre interlocuteur. C’est plus fort que nous, notre cerveau considère que l’autre est beau et il nous pousse à lui être favorables.
Par conséquent, mon cher Virgile, vous ne devriez pas vous alarmer outre mesure de la beauté de votre nouveau boss. Au contraire, cela pourrait permettre à votre équipe d’obtenir davantage de ressources, de décrocher davantage de responsabilités, de prendre en main des dossiers plus importants que d’habitude. Et donc, d’avoir davantage l’occasion de faire briller vos talents individuels et collectifs.
Bref, vous devriez vous en réjouir, ou à tout le moins ne plus en faire l’objet de préoccupations. À moins que vous ne ressentiez, en vérité, une compétition entre mâles alpha avec l’arrivée de ce nouveau «Jay Du Temple». Mais c’est là un tout autre sujet…