Pour maximiser vos chances de succès, confiez à une personne compétente de votre entreprise ou de l’extérieur la tâche de faire une analyse de votre situation linguistique. Chargez cette personne de jouer le rôle de la mère ou du père de famille qui fait preuve de bienveillance et de rigueur, en vue de minimiser les risques. (Photo: 123RF)
EXPERTE INVITÉE. Depuis plus de vingt ans, j’accompagne des entreprises aux profils divers dans leurs efforts de conformité à la Charte de la langue française.
Ainsi, je suis souvent placée dans le rôle de la mère de famille qui doit ramener ses rejetons à l’ordre avec douceur mais fermeté.
Pour le bien de ces organisations, j’ai le devoir de les confronter à leurs lacunes.
Comme mes enfants lorsqu’ils faisaient des bêtises, les entreprises qui se soumettent à une analyse de leur conformité linguistique sont parfois surprises et frustrées de se faire prendre en défaut.
Elles auraient espéré que leurs petits manquements passent inaperçus. Mais mon rôle consiste justement à leur montrer le droit chemin pour éviter qu’elles se retrouvent dans une situation difficile, ou pire, contreviennent à la loi.
Des questions délicates
C’est un rôle parfois ingrat, puisque par définition je cherche les problèmes potentiels, les «bibittes». Mais autant que ce soit moi que le législateur, non?
Je dois aussi composer avec les facteurs identitaires et émotionnels qui entrent en jeu dès qu’on traite de questions linguistiques.
Dans un contexte historique et social comme le nôtre, la langue fait vibrer des cordes sensibles.
C’est là que je dois faire preuve de beaucoup de doigté et d’empathie. Car ce n’est pas facile par exemple d’informer la direction d’une entreprise qu’elle devra désormais imposer l’utilisation d’outils de travail en français plutôt que de continuer de laisser le libre choix.
Je me suis d’ailleurs déjà fait accuser de brimer les droits et libertés d’un employé lorsque j’ai dû trancher dans un débat où cette personne exigeait que son ordinateur soit configuré en anglais, alors que la politique de l’entreprise (qui ne faisait que se conformer à la Charte) indiquait qu’il fallait une raison valable pour ne pas travailler en français au Québec.
Mais je comprends la frustration des gens qui se retrouvent parfois du jour au lendemain à devoir changer leurs habitudes, qui voient leur productivité réduite soudainement – mais temporairement – parce qu’ils cherchent les fonctions dans les logiciels en français, alors qu’ils les connaissaient par cœur dans la version anglaise à laquelle ils s’étaient habitués.
Se préparer en amont
C’est pourquoi j’incite toujours les organisations à prévoir le coup. Plutôt que d’attendre le seuil critique pour adopter des politiques de francisation, il faut agir en amont.
Il est rare que les propriétaires d’entreprises n’aspirent pas à la croissance. Éventuellement, cette croissance mènera à des obligations plus complexes, notamment en matière de généralisation du français.
Jusqu’à maintenant, ces obligations se matérialisaient lorsqu’on employait 50 personnes et plus. À compter de juin 2025, ce seuil sera ramené à 25.
Les entreprises qui auront déjà mis en place des mécanismes de promotion du français s’en féliciteront, puisque le processus de certification auprès de l’Office québécois de la langue française sera plus simple. Elles s’éviteront aussi une difficile gestion du changement à l’interne.
Les autres devront s’atteler à la mise en place de bonnes pratiques linguistiques.
Par où commencer?
1. Pour maximiser vos chances de succès, confiez à une personne compétente de votre entreprise ou de l’extérieur la tâche de faire une analyse de votre situation linguistique.
2. Chargez cette personne de jouer le rôle de la mère ou du père de famille qui fait preuve de bienveillance et de rigueur, en vue de minimiser les risques.
3. Donnez à cette personne la latitude nécessaire pour qu’elle puisse identifier tous les éléments problématiques, afin d’aider à orienter les décisions potentiellement difficiles que l’entreprise devra prendre.
4. Prenez le temps de bien faire les choses.
Et si vous venez de lancer votre petite entreprise ou songez à le faire, gardez toujours en tête la possibilité de croissance et planifiez en conséquence.
Adoptez dès le départ des politiques linguistiques qui sont alignées sur la réglementation en vigueur.
Vous vous féliciterez d’avoir su agir en amont pour l’avenir de votre p’tite dernière.