Éduquer avant de changer. (Photo: Jason Goodman pour Unsplash)
MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca
Q. – «Je suis tellement déçue. Je pensais faire un bon coup en confiant davantage de responsabilités aux membres de mon équipe et en diminuant le poids de la hiérarchie. Je me disais que chacun serait ainsi plus heureux dans son quotidien, et donc plus efficace. Résultat? La plupart sont venus me voir dans mon bureau pour me dire que ça ne leur convenait pas, qu’ils voulaient changer d’équipe. J’en ai laissé partir deux, en me disant que ça se précipiterait pour pourvoir leurs postes. Et là, personne, aucun candidat.» – Rachel
R. — Chère Rachel, il est vrai que la tendance est à l’aplanissement des structures organisationnelles, à la suppression du «boss du boss du boss», à la responsabilisation des employés en concordance avec leurs compétences propres. L’idée est que plus on fait ce qu’on aime, plus on est heureux au travail et plus on se montre productif. Ce qui est gagnant pour l’employé lui-même, pour son gestionnaire (qui n’a plus à passer le plus clair de son temps à commander et à contrôler les autres), et donc pour toute l’organisation (qui voit sa productivité globale bondir d’un seul coup).
Le hic? C’est qu’il y a une face cachée à ce qu’on appelle le «leadership horizontal», mis au jour par une récente étude signée par Reuben Hurst, doctorant en stratégie et en science politique à l’École de commerce Ross de l’Université du Michigan (États-Unis), son professeur de stratégie Justin Frake, et Saerom Lee, professeure de management à l’École de commerce Wharton de l’Université de Pennsylvanie (États-Unis). Une face cachée dont vous souffrez directement.
Les trois chercheurs se sont intéressés à 8 400 personnes à la recherche d’un emploi, en regardant si leur intérêt variait en fonction de la structure organisationnelle des employeurs potentiels ou pas. Cela leur a permis de découvrir deux points fort intéressants:
– Moins de candidats. Les organisations qui fonctionnent avec un leadership horizontal attirent en général 18% moins de candidats que les organisations ayant une structure hiérarchique classique.
— En particulier, moins de femmes. Les organisations qui fonctionnent avec un leadership horizontal attirent en général 25% moins de femmes candidates à l’embauche que les organisations ayant une structure hiérarchique classique.
Comment expliquer un tel désamour? L’étude montre que les organisations qui adoptent le leadership horizontal pâtissent de trois a priori négatifs:
1. Les candidats, et surtout les femmes, perçoivent ces organisations-là comme offrant moins de possibilités d’avancement professionnel.
2. Les candidats, et surtout les femmes, considèrent ces organisations-là comme étant plus difficiles à intégrer, vu que leur mode de fonctionnement est «différent».
3. Les candidats, et surtout les femmes, estiment que ces organisations-là surchargent les employés de tâches, au risque de crouler sous le travail.
Par conséquent, il convient de faire un gros travail d’éducation lorsqu’on entend adopter, même partiellement, le leadership horizontal. Car les gens croient que celui-ci signifie zéro avancement, longue période d’adaptation et surcharge de travail. Ils ne conçoivent pas qu’il puisse améliorer leur quotidien au travail, en le simplifiant et en l’embellissant, pour ne pas dire en le rendant plus épanouissant.
Voilà pourquoi, ma chère Rachel, il vous faut éduquer avant d’amorcer le changement. Vous devez dévoiler les avantages et les désavantages du leadership horizontal. Vous devez éveiller, rassurer, inspirer. Oui, faire rêver, puis concrétiser le rêve en accompagnant chacun.
Sans quoi, la peur s’installe et parasite le changement. Comme vous le réalisez en ce moment même. Si certains veulent fuir votre équipe en pleine transformation et si personne n’est tenté de la rejoindre, c’est parce que la face cachée du leadership horizontal a sauté au visage de tout le monde. Une face épeurante, une face paralysante.
Entrez en mode séduction. Soyez transparente, en montrant que vous avez conscience de la face grimaçante du leadership horizontal. Martelez le fait que vous êtes justement là pour rendre cette face souriante. Et le tour sera joué, du moins en grande partie!