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Geneviève Tanguay: trouver sa voie dans le leadership

Simon Lord|Édition de la mi‑mars 2023

Geneviève Tanguay: trouver sa voie dans le leadership

«Le leadership me passionne. Oui, l’investissement va demeurer au cœur de mes amours. Mais diriger une organisation, c’est quelque chose dans lequel je sens que j’ai trouvé ma voie.» (Photo: courtoisie)

PDG d’Anges Québec — la première femme à occuper ce rôle —, Geneviève Tanguay a toutefois hésité avant d’accepter le poste, en 2021. Après deux ans aux commandes de l’organisme, elle exsude maintenant une confiance qui exprime la certitude d’avoir fait le bon choix, et conserve l’appétit pour de grands défis à venir. À 45 ans, elle estime que sa carrière ne fait que commencer. 

Après le cégep, Geneviève Tanguay s’est momentanément laissé tenter par le domaine de la publicité. Dans le cadre d’une démarche de mentorat et d’accompagnement, elle a notamment visité les bureaux de Publicis, qui a piqué son intérêt. Mais au bout du compte, c’est le domaine des chiffres qui l’a emporté, un choix peut-être plus naturel en raison de sa facilité avec les mathématiques. 

« C’était ma matière la plus forte, dit-elle. J’ai donc décidé d’aller à HEC Montréal. Et comme la finance était la voie qui me semblait la plus difficile, c’est ce que j’ai choisi. J’avais envie d’un défi intellectuel. »

Elle termine son baccalauréat en affaires et finance en 2000, une époque où le capital risque est en arrière-plan de la finance de marché, qui marque les esprits en cette période de boom boursier extraordinaire. 

Malgré le prestige et l’effervescence associés aux professions liées à la Bourse, c’est plutôt la finance d’entreprise qui finit par marquer et attirer Geneviève Tanguay. 

L’étincelle se forme au moment d’une rencontre charnière.

 

Coup de foudre

Alors qu’elle étudiait à HEC Montréal, une équipe de la Caisse de dépôt et placement du Québec est venue sur le campus pour parler de son rôle et de ses activités. 

« C’est là, en parlant avec un directeur de l’investissement, que j’ai eu un coup de foudre pour ce métier, pour la finance d’entreprise et l’investissement privé », raconte Geneviève Tanguay. Si elle reconnaît que son choix de parcours universitaire a été le fruit d’une démarche plus spontanée, improvisée, son cheminement professionnel a, dès le début, pris la direction complètement inverse, soit méthodique et planifiée. 

« Je suis allée étudier le parcours des gens avec qui j’avais parlé pour comprendre ce que je devais faire pour accéder à ce genre de poste, dit-elle. Et j’ai suivi leurs traces. » 

Comme tous les professionnels dont elle avait scruté le parcours avaient commencé dans un poste d’analyste, c’est là qu’elle a lancé sa carrière. Entre 2001 et 2003, elle a donc été analyste financière à la Banque Laurentienne. Par la suite, elle déniche un poste de conseillère en investissement à la Société d’aide au développement des collectivités (SADC) des Laurentides. 

« Je présentais mes occasions d’investissement à un conseil d’administration et je construisais un portefeuille, résume-t-elle. Bref, une belle occasion, d’autant plus que le marché de Montréal n’était pas prêt à me donner un tel poste à 23 ans. » 

Un poste qui témoignera de ses compétences et propulsera sa carrière.

 

Repêchée rapidement

L’ayant vu gérer son rôle sur le conseil d’administration de la SADC, un représentant des Fonds régionaux de solidarité vient lui offrir de se joindre à son organisme. Elle accepte. Elle y agit à titre de conseillère en investissement. À 24 ans, elle est la plus jeune de l’équipe. Sur 60 personnes, elle est aussi la deuxième femme.

« Disons que je n’avais pas trop le look de l’emploi », remarque Geneviève Tanguay. 

Quelques années plus tard, en 2006, elle fait son bout de chemin au sein de l’organisme et devient directrice des investissements au Fonds de solidarité FTQ. Elle y restera jusqu’en 2018. 

« Jusque-là, mon parcours s’est déroulé comme je l’avais imaginé, dit-elle. Une suite d’étapes plutôt classique. J’aimais beaucoup le métier parce que ça touchait, oui, à la finance, mais aussi au diagnostic d’entreprise, à la lecture du leadership, à l’évaluation de plans stratégiques. C’était stimulant. »

C’est là que sa carrière a pris un nouveau tournant.

 

Se relancer dans le vide

Vers 2018, Geneviève Tanguay sent qu’elle a besoin de faire quelque chose de nouveau. Elle quitte le Fonds de solidarité, mais sans savoir quelle serait la prochaine étape : elle n’avait encore accepté aucun poste. 

« J’étais heureuse dans mon rôle au Fonds, et ils me faisaient confiance. À mon dernier jour, j’ai réalisé la plus grande transaction de ma carrière », note-t-elle.

« Les gens ne comprenaient pas pourquoi je partais. J’ai pris un risque. Je devais créer un vide. Je sentais que j’avais de nouvelles compétences à découvrir, à développer. Ç’a été la décision la plus marquante de ma carrière parce que ça m’a amené ailleurs complètement. » 

Et comment ! Plus tard en 2018, Biron Groupe Santé l’invite à se joindre à son équipe, où elle occupera le rôle de responsable du développement d’entreprises jusqu’en 2020. C’est là qu’a sonné le téléphone : un chasseur de têtes cherchait quelqu’un pour diriger Anges Québec, le plus important réseau d’anges investisseurs du pays.

 

Un rôle qui donne des ailes

Approchée pour se joindre à Anges Québec, Geneviève Tanguay hésite. « Je n’étais pas certaine de vouloir, dit-elle. Je n’avais jamais fait d’amorçage ou de préamorçage. Ça m’a pris un moment pour me décider. » 

Ce qui l’a convaincu? L’organisme était bien connecté dans l’écosystème, voulait lancer un nouveau fonds de 80 millions de dollars et pouvait donc avoir un effet de levier important. 

« Est-ce que j’allais être une bonne leader? Je n’avais jamais dirigé une équipe. Je me suis dit que c’était là que j’allais le savoir. »

Le 2 novembre 2020, elle entre en poste comme PDG d’Anges Québec. 

Première femme à occuper le rôle, elle confie cependant ne pas être particulièrement touchée par cet accomplissement.

« Ce n’est pas d’être la première femme qui m’a fait quelque chose. C’est qu’ils aient nommé une jeune de 41 ans alors que jusque-là, ils avaient choisi un mode de leadership classique, avec des valeurs traditionnelles — un « sure shot » », explique-t-elle. 

« Quand je suis arrivée, ç’a lancé un signal. Ils voulaient quelqu’un de moderne dans son leadership, avec des valeurs sociétales, qui allait faire les choses autrement. Et ça, je trouvais ça excitant. »

 

Une carrière qui commence 

Geneviève Tanguay n’est pas à court de défis dans son rôle actuel. Si le secteur du capital-investissement était l’an dernier dans sa meilleure période depuis 2008, il est tombé dans un creux important au cours des derniers mois. 

« Les statistiques d’investissement ont reculé de 50 % partout au Canada. Mon plus grand défi, actuellement, est donc de conduire notre groupe d’investissement à traverser cette période-là. Mon deuxième défi, c’est de mener à bien la transformation d’Anges Québec. » 

Qu’aimerait-elle accomplir d’ici la fin de son mandat?

« Je veux redonner Anges Québec à l’écosystème dans sa meilleure version. Et je pense qu’en 18 mois, on a déjà accompli une tâche qui prendrait normalement de trois à cinq ans. On a rétabli notre crédibilité auprès, notamment, des entrepreneurs et des co-investisseurs, et c’est pour moi une grande fierté. »

Geneviève Tanguay est néanmoins claire sur une chose : son rôle à Anges Québec ne durera pas éternellement.

Si son mandat est en ce moment en pleine exécution et que cette « histoire d’amour » suit son cours, elle sent qu’elle a encore beaucoup à accomplir sur le plan professionnel.

« Ma carrière ne fait que commencer, dit-elle. C’est comme ça que je me sens dans mon énergie, ma curiosité, mon ambition. »

À quoi va ressembler son prochain défi? Elle avoue ne pas avoir la réponse aujourd’hui. Elle pourrait se joindre à un fonds d’investissement, évoque-t-elle, ou diriger une organisation du secteur de l’économie et de l’investissement où elle pourra développer son rôle de leader.

« Le leadership me passionne. Oui, l’investissement va demeurer au cœur de mes amours. Mais diriger une organisation, c’est quelque chose dans lequel je sens que j’ai trouvé ma voie. »