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Kevyn Gagné

Parlons franchement

Kevyn Gagné

Expert(e) invité(e)

Je suis le roi

Kevyn Gagné|Mis à jour le 27 août 2024

Je suis le roi

«Même si le civisme et la courtoisie sont en voie d’extinction, il est important de rappeler ces règles, sans quoi, l’hémorragie continuera et nous continuerons de nous plaindre des conséquences.» (Photo: Krakenimages.com / Adobe Stock)

EXPERT INVITÉ. Tu vas me voir si j’ai envie que tu me voies, et je vais daigner me présenter si j’en ai envie!

Le phénomène des no shows n’est pas nouveau, mais depuis quelques mois, la toile s’enflamme sur le sujet. Médias et réseaux sociaux dénoncent ce phénomène qui est pourtant là depuis toujours, mais qui semble plus répandu que jamais. À moins, que les gens commencent à s’y intéresser parce que de plus en plus de monde dénonce ces comportements égoïstes.

Moi, moi, moi, et moi.

Il n’y a que moi qui compte; il n’y a que moi qui existe; le monde en a que pour moi, et le monde est à moi. Il n’y a que mes intérêts qui doivent être pris en considération, cependant, je tente de vous faire croire le contraire quand les choses ne tournent pas en ma faveur. Si je subis ce que je fais subir, je crie au scandale, et je tente de faire pitié pour aller chercher votre sympathie. Je crois que vous êtes dupe, mais vous, ne venez pas me duper!

Déjà bien documenté, ce trouble de la personnalité narcissique se caractérise généralement par un sentiment constant de supériorité, dit de mégalomanie, un besoin d’être admiré et un manque d’empathie.

Le narcissisme, ou le culte du moi, se manifeste par l’amour excessif que l’on porte à l’image de soi. Les égoportraits (selfies) et vidéos Tik Tok de ce monde ne sont pas étrangers à notre réalité de 2024.

Dans les années 1990, j’étais un enfant-roi. Je suis maintenant devenu un adulte-roi. Bien évidemment, je ne peux pas porter le poids du monde sur mes épaules, mais je ne peux pas nier que ma génération a influencé les générations qui m’ont précédé et celles qui m’ont succédé.

Je n’ai pas inventé la roue, donc mes comportements, mes agissements, et mes reproches ont existé avant moi. Ce n’est pas parce que vous ne le saviez pas ou que vous ne l’aviez pas vécu que ça n’existait pas.

Les gens ne se présentent pas au restaurant malgré leur réservation. Ils ne se présentent pas chez le dentiste malgré leur rendez-vous. Ils ne vont pas à leur partie de «bowling» parce qu’ils ont finalement trouvé mieux à faire. On laisse poiroter sa «date» parce qu’on craint d’être déçu. On prend la peine de planifier quelque chose, mais on est trop paresseux pour prendre le téléphone qui est déjà entre nos mains pour annuler.

Laboratoire à ciel ouvert

Dans le merveilleux monde du travail, ce fléau se décline sous trois formes depuis des lustres. Toutes les semaines, j’ai au moins un candidat qui ne se présente pas à son entrevue, bien que nous ayons confirmé à plus d’une reprise sa présence. Il avait probablement mieux à faire ou ne voulait tout simplement pas se déplacer. Quoique ces absences se produisent aussi en Teams/Zoom. Tous les mois, j’ai un candidat nouvellement embauché qui ne se présente pas à son premier jour de travail. Il a probablement trouvé un emploi plus payant entre temps ou un emploi plus près de chez lui. Je ne saurais le dire. Et quelques fois par année, j’ai des employés qui cessent de se présenter au travail, abandonnant ainsi abruptement leur emploi. Probablement que le cadran est le fautif.

Je le dis et le répète depuis près de vingt ans, le merveilleux monde du travail est un laboratoire à ciel ouvert. Les entreprises sont des micro-organismes de la société. Les comportements humains y sont condensés. Ce qu’on voit difficilement dans la société se manifeste ostensiblement dans une entreprise.

Les no shows en entreprise sont encadrés et réglés par des politiques. Habituellement, deux no shows, qu’ils soient consécutifs ou non, mènent à une fin d’emploi. Bien évidemment, le candidat qui ne se présente pas en entrevue ne se fait pas rappeler. Toutefois, s’il pense pouvoir déposer sa candidature à nouveau sur le même poste ou sur un autre poste, sa candidature est immédiatement écartée. Idem pour le candidat qui ne se présente pas lors de sa première journée. Je ne vous demande pas de me croire, mais le merveilleux monde du travail est petit, très petit et la communauté RH est ouverte et transparente. Ces candidats se brûlent auprès de nous tous, et nous, de notre côté, eh bien nous faisons circuler leur nom, et leur curriculum vitae. N’oubliez pas que le CV n’est pas qu’une carte de présentation, mais aussi une carte d’entrée. Ces gens finissent par se barrer eux-mêmes l’entrée.

Il est indéniablement plus compliqué d’instaurer des politiques de ce genre pour les clients qui jouent au golf, qui font du yoga ou qui vont au restaurant, mais des solutions existent. Il faut juste ne pas avoir peur de les utiliser, et de les expliquer auprès de la clientèle pour les sensibiliser à la cause.

La communication est la clé, et il est important que nous le comprenions puisque c’est ce que nous reprochons aux gens qui ne se présentent pas. Il n’est évidemment pas plaisant de demander un dépôt représentant 50% du coût du cours, mais si ce 50% est remboursable lorsqu’on appelle 24 heures à l’avance pour annuler, ça force les gens à adopter des comportements un peu plus altruistes.

Même si le civisme et la courtoisie sont en voie d’extinction, il est important de rappeler ces règles, sans quoi, l’hémorragie continuera et nous continuerons de nous plaindre des conséquences.

Propriétaires et dirigeants de tout genre, n’attendez pas que le gouvernement légifère en la matière. Donnez-vous les moyens et les gens sensés vous suivront et vous en remercierons.

Je ne connais aucun employé assidu qui se plaint de ma politique de congédiement lié aux no shows. Pourtant, elle s’applique aussi à eux. Je connais cependant beaucoup d’employés qui m’en remercient puisqu’ils cessent de subir les contrecoups et les effets néfastes de ces petits rois.