Le pickleball était pratiqué par plus de 1,37 million de Canadiens en 2023, selon Pickleball Canada. (Photo: Lesli Whitecotton pour Unsplash)
MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca
Q. – «Un collègue m’a dit que si je voulais améliorer mon leadership, il me fallait pratiquer un sport avec assiduité. Je veux bien croire que le sport est bon pour le physique et le psychique, mais aussi pour le leadership? Y a-t-il vraiment un lien entre les deux?» – Evan
R. – Cher Evan, votre collègue a raison, faire du sport peut bel et bien permettre de gagner en leadership. J’en veux pour preuve une récente étude signée par Kaliym Islam, coach en leadership et directeur du Bureau de la formation continue de l’Université de Caroline du Sud, à Spartanburg, avec deux autres chercheurs, Nicholas Scalzo, de l’Université George-Washington, à Washington, et Dene Williamson, de l’Université de Saint Leo, en Floride. Regardons ça ensemble.
Les trois chercheurs se sont demandé si la pratique du pickleball pouvait permettre aux gens d’améliorer leur leadership. Le pickleball? Pour ceux qui ne connaissent pas encore ce sport qui ne cesse de gagner en popularité, il s’agit d’un sport de raquette, pratiqué en intérieur ou en extérieur, dans lequel quatre joueurs en double frappent une balle en plastique creuse perforée de trous pour l’envoyer dans le terrain adverse, par-dessus un filet. Le but du jeu est de renvoyer la balle aux autres jusqu’à ce qu’une équipe la rate et perde le point. Ça ressemble, disons, à du tennis avec une raquette aux airs de raquette de ping-pong géante, sur un terrain petit comme un terrain de badminton (soit le tiers d’un terrain de tennis).
Jouer au pickleball est drôle et ludique, mais cela peut aussi se révéler vraiment sportif, en fonction de l’intensité que vous donnez à votre jeu. La dernière fois que j’en ai fait, j’ai foncé vers le filet dans l’espoir (vain) de récupérer in extremis la balle et n’ai pas réussi à m’arrêter dans mon élan. J’ai filé droit dans le poteau du filet, qui était en métal, solidement fiché dans l’asphalte. Résultat? Une clavicule cassée nette, en deux. J’ai vu des étoiles un peu partout, comme on dit. Bref, oui, ça peut être sportif de jouer au pickleball.
Kaliym Islam et son équipe ont demandé à 133 joueurs de pickleball de bien vouloir remplir un formulaire qui comportait une vingtaine de questions sur leur pratique de ce sport ainsi que sur la façon dont ils expriment leur leadership dans le cadre du travail. Celui-ci présentait également deux questions ouvertes visant à savoir comment ils se comporteraient dans deux situations précises où il leur fallait faire preuve de leadership.
Sans qu’ils le sachent, les participants ont été rangés par les chercheurs dans trois catégories distinctes. Les “non-joueurs”, qui ont déjà joué au pickleball mais, sans en avoir fait une habitude. Les “joueurs occasionnels”, qui jouent 7 fois ou moins par an. Et les “joueurs principaux”, qui jouent au moins 8 fois par an.
Les chercheurs ont de surcroît tenu compte du statut professionnel des participants à l’étude, en veillant à ce qu’ils aient a priori des occasions répétées de faire preuve de leadership dans leur quotidien au travail. Par exemple, certains d’entre eux occupaient un poste de direction (32%), d’autres, de cadre intermédiaire (24%) ou d’autres encore, de cadre supérieur (18%).
Le formulaire a permis aux chercheurs d’attribuer à chaque participant une note sur 5 concernant son leadership. Ainsi, les non-joueurs ont obtenu une moyenne de 4,13, les joueurs occasionnels, de 4,20, et les joueurs principaux, de 4,29. Autrement dit, il y avait là un signe encourageant selon lequel plus on pratique le pickleball, plus on a un leadership développé. Mais cela restait à montrer.
L’analyse minutieuse des réponses fournies par les différentes catégories de participants a permis aux trois chercheurs d’en arriver à une conclusion claire et nette: «Il existe une corrélation positive entre la fréquence du jeu de pickleball et le niveau de leadership exprimé au travail: les joueurs occasionnels, et surtout les joueurs principaux, ont systématiquement de meilleures notes dans l’ensemble des critères retenus comparativement aux non-joueurs», est-il indiqué dans l’étude.
Ces critères sont les suivants:
– une vision inspirante,
– l’explication des décisions prises,
– l’utilisation d’un vocabulaire approprié,
– la recherche du point de vue des autres,
– le contrôle des impulsions,
– le maintien d’une attitude positive,
– l’alignement des décisions sur les valeurs de l’entreprise,
– l’autonomisation des autres,
– la démonstration de courage,
– la prise de décision réfléchie,
– la délégation de responsabilités,
– la mise en œuvre d’initiatives d’équité, de diversité et d’inclusion (ÉDI).
Toute une liste, n’est-ce pas?
Ce n’est pas tout. Kaliym Islam et son équipe ont été en mesure d’identifier les principales raisons pour lesquelles le pickleball aide à améliorer son leadership. Voici ce qu’ils en disent:
1. Dynamique d’équipe. «Le pickleball améliore la capacité à travailler en équipe, car il donne l’occasion de souligner la valeur de la coopération, de la coordination et du soutien mutuel – des aspects clés transférables à un leadership efficace.»
2. Réflexion stratégique et prise de décision. «Le pickleball est également associé à des capacités de réflexion stratégique raffinées. Les participants ont indiqué que le rythme rapide du jeu et la nécessité d’une prise de décision rapide représentent des scénarios de leadership que l’on retrouve communément au travail.»
3. Communication. «Une communication efficace – pierre angulaire du leadership – est un autre domaine d’amélioration lié au pickleball. Le jeu nécessite en effet une communication claire et concise, ce qui est bénéfique pour améliorer la capacité des dirigeants à partager avec les autres leur vision et leurs directives.»
4. Résilience et adaptabilité. «Faire face à l’adversité et surmonter les défis inhérents au pickleball, qu’il s’agisse de décisions tactiques dans le jeu ou de problèmes plus larges de gestion d’équipe, tout cela favorise la résilience et l’adaptabilité, qui sont essentielles au leadership dans des environnements dynamiques.»
Voilà, Evan. Profitez du printemps et de l’été pour vous mettre au pickleball, ça devrait sûrement vous aider à améliorer votre leadership. Car les situations que l’on y vit à répétition sont aisément applicables à notre quotidien au travail, aux instants cruciaux où il nous faut agir en leader digne de ce nom. Et si jamais le pickleball ne vous fait pas triper, ou si vous venez à vous y blesser durablement comme moi, pas grave, trouvez un autre sport collectif, car je suis convaincu que celui-ci fera tout aussi bien l’affaire.
En passant, l’écrivain français Jean Giraudoux a dit dans «Le sport»: «Le sport consiste à déléguer au corps quelques-unes des vertus les plus fortes de l’âme».