La performance d’un employé baisse-t-elle après une promotion?
Olivier Schmouker|Publié le 05 février 2019Kylian Mbappé fait, lui, des étincelles comme jamais au PSG. Photo: DR
Leaders, vous venez d’accorder une grosse prime et, par la même occasion, de nouvelles responsabilités à un employé modèle. Ou bien, une belle promotion, tant ses talents méritent de rayonner davantage au sein de votre organisation. Ou encore, vous venez de débaucher une perle rare, qui commençait à faire des étincelles chez votre concurrent et que vous avez réussi à convaincre de venir s’épanouir pleinement chez vous.
Parfait. Mais voilà, une question se pose, tout de même : qu’est-ce qui vous dit que la personne en question va vraiment redoubler d’efforts, une fois à son nouveau poste ? Qu’elle va, comme vous l’espériez, afficher une performance exceptionnelle ?
Impossible à dire, me direz-vous. Eh bien, permettez-moi de vous détromper. C’est que je viens de mettre la main sur une étude qui présente une réponse fort intéressante à ce sujet. Celle-ci est intitulée Analysis of elite soccer player’s performance before and after signing a new contract et est signée par : Miguel-Angel Gómez Ruano, professeur de sciences du sport à l’Université polytechnique de Madrid (Espagne); Carlos Lago Peñas, professeur de sciences du sport à l’Université de Vigo (Espagne); Maria-Teresa Gómez, professeure de sciences des données à l’Université polytechnique de Madrid (Espagne); et Philip Furley, professeur de sciences du sport à l’Université allemande de sport de Cologne (Allemagne). Regardons ensemble de quoi il retourne…
Les quatre chercheurs ont analysé en détail la performance de 249 joueurs professionnels de soccer au sein de quatre ligues européennes distinctes – Bundesliga (Allemagne), Premier League (Grande-Bretagne), Ligue 1 (France) et Liga (Italie) – , entre 2008 et 2015. Leur particularité ? Ces joueurs avaient signé un nouveau contrat leur permettant de rejoindre les rangs d’une nouvelle équipe. Si bien que les chercheurs se sont intéressés à l’évolution de leur performance sportive durant trois années d’affilée : deux années avant la signature du nouveau contrat, puis une année après celle-ci.
L’idée était simple : voir si la signature du nouveau contrat avait changé quoi que ce soit dans leur performance. Cela boostait-il leur motivation, et donc leurs résultats ? Ou, au contraire, cela les incitait-il à se reposer sur leurs lauriers, à présent qu’ils avaient l’assurance de toucher un gros salaire durant les prochaines années, peu importe leurs prestations sur le terrain ?
Vous voulez le savoir ? Vraiment ? OK, asseyez-vous bien et lisez ce qui suit :
Un an avant la signature du nouveau contrat
> La performance a tendance à augmenter pour :
– Les milieux de terrain : les nationaux qui sont des vedettes (ex. : les Français qui jouent en Ligue 1) jouent plus intensément ; les étrangers qui sont des vedettes (ex. : les Brésiliens qui jouent en Ligue 1) jouent non seulement plus intensément, mais aussi se montrent plus efficaces en défense).
– Les attaquants nationaux qui sont des vedettes (ils jouent plus intensément).
> La performance a tendance à baisser pour :
– Les défenseurs : ceux qui ne sont pas des vedettes jouent moins intensément ; les étrangers qui sont des vedettes se prennent davantage de cartons rouges.
– Les milieux de terrain nationaux qui ne sont pas des vedettes (ils jouent moins intensément).
– Les attaquants étrangers qui ne sont pas des vedettes (ils se montrent moins efficaces en défense).
Un an après la signature du nouveau contrat
> La performance a tendance à augmenter pour :
– Les défenseurs qui ne sont pas des vedettes (ils jouent plus intensément et ils se montrent plus efficaces en défense).
– Les milieux de terrain nationaux qui ne sont pas des vedettes (ils jouent plus intensément et ils se montrent plus efficaces en défense).
– Les attaquants étrangers qui ne sont pas des vedettes (ils jouent plus intensément et ils se montrent plus efficaces en défense).
Voilà. Ça fait beaucoup de résultats pointus, tout ça, n’est-ce pas ?
Voici, donc, un résumé simplifié :
> Un avant néfaste pour les moins bons, mais bénéfique pour les meilleurs
Les joueurs professionnels savent quand leur contrat actuel arrive à échéance, si bien qu’il y a une énorme pression sur eux lors de la dernière année : ils ont alors quelques mois pour afficher une performance individuelle exceptionnelle et pour attirer l’attention des recruteurs. Résultats ? Certains craquent ! Et se sont alors presque toujours ceux qui ne sont pas considérés comme des vedettes. D’autres, en revanche, se mettent à briller plus que jamais ; et ce sont, cette fois-ci, ceux qui sont considérés comme des vedettes, ceux dont on estime que le potentiel pourrait s’exprimer encore davantage ailleurs, dans une équipe qui leur permettrait de déployer encore plus leurs exceptionnels talents.
Bref, l’anticipation d’un nouveau contrat fait craquer ceux qui ne se perçoivent pas comme des champions et fait briller ceux qui se sentent dans la peau d’un champion.
> Un après uniquement bénéfique pour les moins bons
La signature du nouveau contrat a un effet fou pour ceux qui ne se perçoivent pas comme des champions : leur motivation et performance en est décuplée. Et ce, quel que soit leur poste sur le terrain : c’est valable tant pour un défenseur que pour un milieu de terrain ou pour un attaquant.
En revanche, cela ne booste en rien la performance des champions. Ces derniers jouent, en général, des matches qui correspondent aux attentes, sans plus. Ce n’est pas vraiment qu’ils se reposent dès lors sur leurs lauriers, mais presque.
Bref, l’obtention d’un nouveau contrat permet à ceux qui ne se sentent pas comme des champions de briller comme jamais.
Maintenant, que retenir de tout ça, concernant nos milieux de travail ? Ceci, à mon avis :
> Leaders, attendez-vous à de mauvaises surprises dès lors que vous entendez faire miroiter une promotion ! Pourquoi ? Parce que le simple fait de savoir qu’une promotion (prime, nouvelles responsabilités, nouveau poste,…) est en jeu risque fort de faire craquer ceux qui ne sont pas sûrs de l’obtenir, et par suite, de faire baisser leur performance au travail. Et parce que si, certes, les meilleurs vont donner leur 110% pour l’obtenir, une fois la récompense décrochée, leur performance va alors durablement plafonner – et non pas faire les étincelles tant espérées. Bien entendu, il y a toujours des exceptions – on peut penser à l’arrivée de Kylian Mbappé au sein du PSG, et qui est en passe de devenir l’un des meilleurs joueurs de tous les temps grâce à cela –, mais sachez que la politique de la carotte et du bâton n’est, de toute évidence, pas la meilleure qui soit pour voir votre équipe ou votre entreprise atteindre de tout nouveaux sommets.
En passant, le boxeur américain Sugar Ray Robinson aimait à dire : «Pour devenir un champion, il te faut croire en toi-même quand personne d’autre ne le fait».
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