L'avantage social le plus souhaité par les travailleurs québécois. (Photo: CoWomen pour Unsplash)
MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca
Q. – «La saison estivale approche à grands pas, et nos premières démarches pour trouver la main-d’œuvre nécessaire à ce moment-là augurent mal. Très mal, même. J’ai eu une idée: proposer la semaine de quatre jours, histoire d’attirer du monde, surtout des jeunes. Bonne ou mauvaise idée?» – Vicky
R. – Chère Vicky, votre interrogation tombe on ne peut mieux, car un sondage vient tout juste d’être mené à ce sujet à l’échelle du Canada. Réalisé par la firme de sondages et d’études de marché YouGov pour le compte de la plateforme d’emplois Talent.com, il indique que – tenez-vous bien – 95% des Québécois se disent intéressés par la semaine de quatre jours! Oui, 95%. Ça paraît fou, n’est-ce pas? Regardons ça plus en détail…
La semaine de quatre jours est l’avantage social dont les Québécois aimeraient le plus bénéficier, à égalité avec la flexibilité des horaires de travail. Ils sont en effet 60% à désirer jouir d’un tel avantage, ce qui dépasse les prestations d’assurance (50%).
Une raison majeure motive cet engouement pour la semaine de quatre jours: cela leur permettrait d’avoir un meilleur équilibre entre le travail et la vie personnelle (48%). À cela s’en ajoutent d’autres:
– Une amélioration de leur santé mentale (19%).
– Un moindre risque de connaître un épuisement professionnel (19%).
– Une baisse du niveau de stress au travail (8%).
Maintenant, 7 Québécois sur 10 (72%) ne pensent pas que la semaine de quatre jours deviendra leur réalité à court terme, même s’ils sont tout de même 65% à considérer qu’elle représenterait une suite logique à l’évolution vers le mode de travail hybride qu’un grand nombre de travailleurs ont connu depuis la pandémie. C’est qu’ils ont peur que la semaine de quatre jours ne soit assortie de conditions particulières imposées par la direction de l’entreprise:
– 4 Québécois sur 10 (39%) craignent d’être nettement moins bien payés.
– 29% redoutent des journées de travail plus longues qu’auparavant.
– 23% appréhendent de devoir effectuer des heures supplémentaires non rémunérées.
Si de telles conditions étaient exigées, la semaine de quatre jours ne les intéresserait peut-être plus. Et ils ressentiraient une grande frustration à l’égard de la direction de l’entreprise, en se disant en cachette que cela a été fait exprès pour saboter le projet.
Pour rappel, soulignons que la véritable semaine de quatre jours ne revient pas à concentrer le travail d’une semaine habituelle sur quatre journées, mais bel et bien à faire quatre journées de travail normales payées comme auparavant, c’est-à-dire l’équivalent de cinq journées de travail.
Quel est l’intérêt pour l’employeur, me direz-vous, d’«offrir» ainsi une journée par semaine à ses employés? Ils sont, en vérité, nombreux, comme en atteste le sondage de Talent.com:
– Gain en productivité. 49% des Québécois reconnaissent que leur productivité n’est pas optimale sur cinq journées, et affirment qu’elle serait sûrement meilleure sur quatre. À noter que différentes études sur des entreprises ayant adopté la semaine de quatre jours ont noté des gains conséquents en productivité, aussi bien à l’échelle individuelle que collective.
– Baisse du coût de la main-d’œuvre. 4 Québécois sur 10 disent qu’en échange de la semaine de quatre jours ils seraient prêts à accepter une baisse de salaire allant jusqu’à 10%. Point important, cette acceptation concerne toutes les catégories de revenus considérées par le sondage: moins de 29.999$ (40%), 30.000$ à 59.999$ (35%), 60.000$ à 99.999$ (32%) ainsi que 100.000$ et plus (37%). Par ailleurs, le Québec est la seule province canadienne où les travailleurs sont disposés à accepter une telle condition.
– Atout pour recruter les jeunes talents. À l’échelle du Canada, les 18-34 ans se disent plus sensibles à l’offre de la semaine de quatre jours (assortie d’une baisse de revenus de 10% par rapport à une semaine classique de cinq jours) présentée par un employeur potentiel (44%) que les 35-54 ans (30%) et les 55 ans et plus (30%).
Voilà, Vicky. La réponse à votre interrogation est claire et nette. Votre idée de semaine de quatre jours peut effectivement attirer l’attention de jeunes travailleurs, pour ne pas dire les séduire. Et ce, même si vous imposez en échange une réduction des rémunérations de 10%.