Une formule qui combine efficacité et satisfaction au travail. (Photo: Lance Anderson pour Unsplash)
MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca
Q. – «Après le 100% télétravail, on nous parle maintenant d’une nouvelle tendance : la semaine de quatre jours. Oui, quatre jours qui sont payés cinq. Pour rendre les employés plus heureux, plus efficaces, plus productifs, paraît-il. Désolé, mais je n’embarque pas : pour être productif, il faut travailler fort, pas travailler moins, pas combiner pour avoir des fins de semaine de trois jours! C’est de la pure logique.» – Bruno
R. — Cher Bruno, le mieux pour se faire une juste idée de la semaine de quatre jours est de voir ce que ça donne sur le terrain. Entre 2015 et 2019, quelque 2 500 Islandais sont passés d’une semaine de 40 heures réparties sur cinq journées à une semaine de 35 heures à effectuer en quatre jours. Cette expérience menée par l’Association pour la durabilité et la démocratie (Alda) en Islande et le groupe de réflexion britannique Autonomy a montré que ce changement n’avait entraîné «aucune baisse de la productivité ou de la fourniture de services» et que le bien-être des travailleurs s’était «considérablement amélioré», notamment à propos du «stress perçu» et de l’«épuisement professionnel».
«Nombre de travailleurs ont déclaré qu’après avoir commencé à travailler moins d’heures, ils se sentaient mieux, plus énergiques et moins stressés. Cela leur a donné plus d’énergie pour d’autres activités, telles que l’exercice physique, les rencontres entre amis et les loisirs. Et ces effets positifs-là ont eu, en retour, un impact bénéfique sur leur quotidien au travail : plus d’énergie, moins de stress, etc.», est-il noté dans le rapport.
Bien entendu, l’expérience n’a pas été agréable pour tout le monde. Certains travailleurs ont eu du mal à s’adapter au changement, trouvant par exemple qu’ils manquaient de temps pour accomplir toutes leurs tâches. Néanmoins, la plupart d’entre eux ont réussi à surmonter ces difficultés grâce à des ajustements effectués au sein de leur équipe de travail : des réunions plus courtes, ou encore la suppression de tâches peu utiles, leur ont permis de trouver le bon rythme de travail.
Résultat? Un récent sondage montre que 86% des travailleurs islandais opteraient pour une semaine de travail plus courte, si l’offre leur était faite par leur employeur.
La semaine de quatre jours fait de plus en plus d’émules. Au Québec, le studio de jeux vidéo Eidos, la start-up Edibox, ou encore le fabricant de T-shirts Poches & Fils s’y sont récemment mis. Chez ce dernier, l’expérience lancée en juillet dernier devait durer trois mois ; la formule a été définitivement adoptée en octobre, tant elle est appréciée.
Un point important à souligner est que la semaine de quatre jours peut être appliquée dans n’importe quel secteur d’activités. Elle n’est pas réservée aux start-ups technologiques et autres très petites entreprises (TPE) qui voudraient juste paraître «cool».
Un exemple frappant est celui d’Yprema, une entreprise française de recyclage de matériaux de construction d’une centaine d’employés. Elle a adopté la semaine de quatre jours dès 1997, sans baisse de salaire. Cela a nécessité que les équipes de production, qui exécutent des tâches physiques exigeantes, fassent des journées de non plus 8 heures, mais 8 heures 45 minutes. L’équipe de direction avait estimé qu’ils y parviendraient sans trop fatiguer, d’autant plus qu’ils avaient désormais des fins de semaine de trois jours propices à s’en remettre. Mais voilà, au bout d’un mois, la performance globale de l’entreprise a chuté de 20%.
Valait-il mieux arrêter là l’expérience qui était planifiée sur six mois? L’équipe de direction a tenu bon, et a accepté d’effectuer des changements profonds dans la façon de travailler (davantage de pauses, suppression de tâches chronophages,…). Et une fois le nouveau rythme de travail trouvé par chacun, la productivité et la satisfaction des travailleurs s’en sont trouvées boostées. Chez Yprema, plus personne ne songe maintenant à revenir en arrière.
Comme quoi, cher Bruno, la semaine de quatre jours présente des avantages indéniables, même s’il est vrai que son adoption peut nécessiter des ajustements majeurs au sein de l’entreprise concernée. Certains freineront des quatre fers, comme ils le font toujours dès qu’il est question de changement. Mais il ne faut pas s’arrêter à cette réaction brutale pour rejeter en bloc l’innovation managériale qu’est la semaine de quatre jours : bien souvent, il suffit d’accompagner les plus récalcitrants en faisant preuve d’empathie pour les voir devenir, en un clin d’œil, les plus fervents défenseurs de la nouveauté qu’ils ont fini par adopter!