La semaine de quatre jours: simple mode ou lame de fond?
Olivier Schmouker|Publié le 21 juillet 2022Un phénomène qui concerne surtout les milléniaux. (Photo: Brooke Cagle pour Unsplash)
MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca
Q. – «La semaine de quatre jours, on en entend parler à tout bout de champ. Je m’interroge: c’est juste une mode managériale qui va passer comme les autres, ou bien est-ce une lame de fond susceptible de vraiment changer notre quotidien au travail?» – Jana
R. — Chère Jana, vous avez sûrement noté que depuis le début de la pandémie chacun réfléchit à la meilleure façon de travailler. Individuellement comme collectivement. C’est pourquoi il est devenu si fréquent de lire des articles ou de voir des reportages sur le télétravail, le travail hybride, ou encore la semaine de quatre jours.
Tout cela donne l’impression qu’il s’agit là d’innovations managériales toutes fraîches. Que, nous tous, nous sommes des pionniers dès lors que nous nous mettons à expérimenter une manière de travailler inusitée et qu’il est par conséquent trop tôt pour dire si l’une de ces manières va perdurer ou pas.
À (re)lire: Deux faux pas dans l’adoption de la semaine de quatre jours
Or, une étude montre que nous nous fourvoyons lorsque nous pensons de la sorte. Car, pour prendre l’exemple précis de la semaine de quatre jours, elle met au jour le fait qu’il ne s’agit pas d’un mode passagère. Loin de là.
Daniel Hamermesh est professeur d’économie à l’Université du Texas à Austin, aux États-Unis. Dans le cadre d’une étude, il a regardé si la façon dont on travaille chez nos voisins du Sud avait connu des changements significatifs, ou pas, entre 1973 et 2018. Sa réponse est claire et nette: il s’est bel et bien produit un changement majeur — un seul, même —, et celui-ci concerne «la multiplication des organisations ayant adopté la semaine de quatre jours».
C’est bien simple, le nombre de travailleurs à temps plein qui travaillent quatre jours par semaine au lieu de cinq a triplé entre 1973 et 2018, aux États-Unis. Le chercheur en a dénombré aujourd’hui quelque 8 millions. Ce qui, soit dit en passant, correspond presque à la population du Québec.
À (re)lire: Un pas de plus vers la semaine de quatre jours aux États-Unis
Pour en avoir le cœur net, Daniel Hamermesh a regardé si le phénomène se vérifiait ailleurs. C’est ainsi qu’il a noté que le nombre de travailleurs à temps plein en mode quatre jours par semaine avait également triplé depuis les années 1970 «aux Pays-Bas, en Allemagne et en Corée du Sud».
On le voit bien, il s’agit non pas d’une simple mode, mais d’une véritable lame de fond qui va en grossissant, lentement mais sûrement, depuis un demi-siècle. Selon le professeur américain, c’est même «le vrai grand changement de ces dernières décennies». Celui qui est en train de changer la donne et qui est appelé à profondément transformer notre quotidien au travail dans les temps à venir. Ni plus ni moins.
Pour l’heure, la semaine de quatre jours concerne plus certains travailleurs que d’autres, comme l’indique l’étude du professeur de l’Université du Texas à Austin:
– Ceux qui n’ont pas de diplôme universitaire ;
– Les 18-35 ans ;
– Les hommes ;
– Les autochtones ;
– Les parents qui ont des enfants en bas âge.
La semaine de quatre jours est aussi plus fréquente dans certains milieux de travail que dans d’autres:
– Les policiers et les pompiers ;
– Les travailleurs du secteur de la santé ;
– Les employés du secteur de la restauration.
Et demain matin, ça devrait encore concerner davantage de personnes et davantage de milieux de travail. Alors, êtes-vous tentée, Jana? Pas d’hésitation, munissez-vous d’un surf et lancez-vous sur la vague née de cette impressionnante lame de fond!